Ou que Soupir de jade aurait décimé toute la mafia new-yorkaise, sans jamais rencontrer d'obstacles. Et bien sûr, la Palombie, le Catung, et le Bretzelburg seraient toujours des dictatures. Voire le professeur Sprtschk serait vivant et sur le point de faire exploser sa super bombe à hydrogène. Alors l'inondation de Paris évitée, oui, mais à quel prix? 
Il y a aussi deux- trois petites invraisemblances à rétablir. Si vraiment, Fantasio avait dû s'établir dans cet espace-temps, et que quand ça se termine, le jeune Spirou n'a encore aucunement conscience qu’il se trouve des décennies plus tard. Une fois qu'il aura compris, il y aura de quoi devenir complètement dépressif, et supplier de revenir en arrière, parce qu’il n’a pas mérité ça. Il y avait bien un dessin qui sous-entend: “Ah oui, j'ai vécu tout ça, bon bah ok, faisons ça.”
Non, c'est impossible. D’abord parce que les BD ne seraient plus les mêmes, du coup, puisque Spirou était absent tout ce temps. Et c’est impossible de le prendre si tranquillement: c'est terrible.
Outre que ce présent doit être complètement dystopique, pour toutes les raisons que j'ai dit, petit souci. Il y a deux Fantasios, bien qu'on se demande comment le premier a survécu sans Spirou tout ce temps. Quand celui qui a voyagé dans le temps rentrera “chez lui”, il va se retrouver nez à nez avec l'autre. Qui à mon avis va l’attraper comme du poisson pourri, parce qu'il est absolument hors de question qu'il fasse semblant de couvrir l'existence d'un type qui n'a même pas de papiers, ou d'existence officielle.
Et avec le jeune Spirou, il y aura une résurrection difficile à expliquer. Le seul moyen vraisemblable de continuer tout cela, comme n'importe quelle personne sensée l'aura compris, sera en effet de de prendre la veste, ou tout autre objet du jeune Spirou, de tirer dessus avec le pistolet à remonter dans le temps, de revenir encore une fois au jour de l'incendie de l'université, d'empêcher (peut-être avec le champignon soporifique ) à la fois Pacôme, Zorglub, mais aussi le Spirou voyageur (ainsi que sa version jeune et celle de Fantasio) d'intervenir, et de sauver Miss Flanner. Je ne vois pas Fantasio être insensible au point de la laisser brûler délibérément dans l'incendie de l'université, mais cherchera peut-être à la sauver tout seul. Seulement maladroit comme il en a l'habitude, il échoue pour une quelconque raison. Du style il traverse sans regarder, les pompiers font un écart pour l’éviter, et crashent leur véhicule d’intervention, les empêchant d’être présents sur place. Le toit de l'université s'effondre et tue Miss Flanner, qui toute façon a été irradiée. Voilà mon hypothèse pour raccrocher les wagons, et pour expliquer ce qui s'est passé à mon avis, pour qu'on se retrouve bien tranquillement dans Alerte aux Zorkons, avec Spirou qui ne voit plus qui est Miss Flanner.
A propos d'hypothèse, comme je vous le disais, je ne reconnais absolument pas Spirou dans son comportement, ici. Tant et si bien que pour se raccrocher aux branches, je me suis dit: ce n'est pas seulement parce que tout a été évité, qu'il ne connaît plus Miss Flanner. Non, c'est juste impossible qu'il en soit amoureux.
Et voilà ce que je me suis dit: pour recharger les pistolets, sans doute parce qu’il n’y avait pas de plutonium, Champignac les a chargés avec ces mêmes champignons radioactifs qu’il voulait utiliser au départ. Mais il y a dû avoir un mélange quelque part. Souvenez-vous, il a le labo le plus mal rangé au monde. Sans le vouloir, il a fourré le pistolet de Spirou avec aussi des sortes de champignons aphrodisiaques. Les philtres d'amour existent dans ce monde (bien que Spirou est supposé y être insensible). Déjà la formule utilisée pour traiter les Ray-Ban des mafieux dans Luna fatale. Mais il y a aussi le rayon d'amour utilisé par Cédric dans L'apprenti méchant, de la série Zorglub. Sans parler du fait que le comte a mis au point des champignons à effet comparable au Viagra dans La gorgone bleue. De là à imaginer qu'il aurait peut-être par accident créé des champignons ayant le même effet qu'un philtre d'amour, il n'y a qu'un pas . Donc ceux-ci se retrouvent accidentellement chargés dans le pistolet de Spirou avec les radioactifs ( l'erreur n'est pas commise avec Fantasio). Après, c'est simple: A chaque décharge, le flingue chauffe. Des spores s’évaporent dans l'atmosphère à chaque fois, mais l'effet est encore léger. C'est à cause de leur absorption que Spirou, à chaque fois qu'il rencontre une femme, va être influencé (et réciproquement) 
. Dans un premier cas, en voyant Seccotine, en se sentant obligé de lui rouler une pelle. Et d'autre part, quand l'université brûle, son pistolet explose, et donc il est soumis, avec Miss Flanner, à une dose massive (à effet permanent) qui leur fait croire à un coup de foudre, quand ils se regardent à nouveau. Pour elle, ça explique bien des choses. Et pour lui, aussi. Vous avez vu, quand Spirou la rejoint dans les sous-sols ? On ne dirait pas qu'il est devant “la femme de sa vie”. Pas du tout: il la traite d'agressive, donc il ne peut toujours pas la saquer, et l'oblige de façon peu galante à le suivre brusquement. Je suis d’ailleurs sûre que quand ce passage a été écrit, la fin ne l’était pas encore. Donc non: si coup de foudre il y a, c'est après, et je pense qu'il y avait forcément une substance illicite à l'œuvre. Parce que sinon, ce n'est pas crédible. Mais je l’ai dit: c'est juste impossible que Spirou se satisfasse de sa seule présence, toute sa vie, et ne cherche jamais à contacter ses amis. 
Sauf si effectivement il est sous le coup d'une substance illicite! Pourquoi il raconte qu’il “a toujours voulu faire ça”, ou toujours “ressenti ça”? C’est le phénomène des faux souvenirs. Selon notre humeur, on ne se rappellera pas d’un événement exactement tel qu’il était (voire on se rappelle d'événements qui n’existaient pas, comme ces patients de psychiatres convaincus d’avoir été agressés). Comme mettre une beigne à Flanner n’était pas du tout en adéquation avec le fait qu’elle est supposée être son âme sœur, Spirou aura reconstruit ses souvenirs pour qu’ils deviennent conformes avec ce qu’il est persuadé de ressentir. Voilà l'histoire que je suis obligée de me raconter pour pouvoir regarder le récit en face. Parce que sinon, franchement, je n'y comprends rien.
C'est aussi d'après moi la seule manière d'expliquer que Miss Flanner oublie sur le champ qu'elle a pourtant déjà deux prétendants. Là-dessus j'ai appris le contexte éditorial. Il n’y avait pas forcément de volonté de laisser une pagaille à ceux qui allaient suivre, mais une réelle ambition de changer complètement la série, en mettant son héros au placard. J'ai déjà dit, sur Machine qui rêve, tout le mal que je pensais de vouloir absolument changer une formule qui marche jusqu'ici.
Et puis, qui avait spécifiquement demandé à ce que Spirou soit mis à la retraite? Littéralement personne? J'en étais sûre! D'autre part, quitte à vouloir absolument changer les personnages qu’on a toujours connus jusqu'ici, pourquoi seulement Spirou? Pourquoi ne met-on pas similairement aussi à la retraite, Fantasio, Champignac, Zorglub, Seccotine, Spip, et cetera? Mais ils doivent continuer malgré leur grand âge (70 ans ou presque aussi), et obligés de le faire avec un Spirou qui ne les connaît pas ? Enfin, on ne met pas les personnages de BD à la retraite! C'était prouvé dans un épisode hommage d'Astérix. On l’y voit âgé de 50 ans de plus, avec Obélix, jusqu'à ce qu'ils se révoltent contre Uderzo. Ils disent “Ce n'est pas possible”, et qu'ils ne le souhaitent pas. Bien sûr, contrairement à ce que semblent penser les éditions Moulinsart avec Tintin, les humains meurent, mais les idées, elles, n’ont jamais de fin. C’est Ruth Handler qui le dit dans Barbie.
Les personnages fictifs n'ont nul besoin de retraite, ce sont les auteurs qui l’ont. Mais ça n'a jamais été un problème sur Spirou&Fantasio. Dès qu’un auteur est retraité ou renvoyé, il est aussitôt remplacé. En un mot comme en cent, cette fin est le plus grand paiement de fiole que j'ai sans doute jamais lu dans une BD, et pourtant encore une fois j'en ai connu des paiements de fioles (suivez mon regard vers les comics de super héros, et Le ciel lui tombe sur la tête).
Le pire, c'est que ça semble sincère. Vraiment, j'avais l'impression que les auteurs étaient persuadés que ça allait nous plaire, parce que c'était présenté comme une happy end. Mais ce n'est pas du tout le genre de fin que j'imaginais pour Spirou, s’il devait en avoir une: tourner le dos à tout le monde. 
Leur autre erreur à mon sens, a été d'imaginer qu'on allait forcément adorer Miss Flanner (et trouver vraisemblable que presque tous les personnages principaux masculins soient amoureux d’elle), donc, ça allait forcément nous réjouir qu’il finisse avec elle. Sauf que, elle est l'un des personnages que j'estime le moins, au contraire, donc aucune raison de m'en réjouir. 
J'ai lu aussi plus tard que bien que j'en ai toujours voulu à Morvan pour tout ça, en réalité il paraît que celui-ci n'était pas très chaud (comme toute personne douée de raison) et que c'était Yann qui avait insisté pour cette fin. Mais quelle mouche l’a piqué? Quelqu'un a une idée de pourquoi il pensait vraiment que ça allait passer ? Je ne vois rien de plus irrespectueux qu’un paradoxe temporel qui supprime et annule tous les événements d’une série. 
Au moins dans les comics, quand ça se produit (cf Crisis on infinite earths), si on a cessé de suivre les personnages d’une certaine réalité, on les garde sous le coude sur une terre parallèle. Surtout à la fin d’un album qui par ailleurs célébrait justement ladite série? Je suis contente de pas avoir connu l’époque de la sortie, parce que je me serais rongée pendant pas mal de temps quant à savoir si réellement, on allait être obligés d'assumer un héros qui ne saurait plus rien des histoires qu'il avait vécues et serait (à ses yeux) entouré d'inconnus, puisqu’il ne connaissait encore alors personne, excepté Fantasio et Spip? Depuis, Aux sources du Z, ça me semble être “Ne parlons pas de Bruno” pire encore que MQR, excepté cette courte allusion nécessaire dans Alerte aux Zorkons. Il y a une BD d’une page je crois, où on découvre Zorglub et Champignac qui se croisent à diverses époques où ils voyagent, pour se battre en duel à propos de Miss Flanner (Elle le mérite? Je ne le crois pas). Et le vieux Spirou de les suivre à chaque fois pour qu’ils ne s'entretuent pas. Ca irait plus vite de dire qu’elle n’est plus libre, mais Spirou semble devenu trop lâche pour ça…Bref ce n’était pas drôle, plus d’allusions depuis, et c’est tant mieux.
Ce n’est 00 pour moi à cause du dessin (le plus croquignolet après Janry) et parce que l’histoire en soi est sympa jusqu’aux quatre dernières pages. Mais entre elles, et l’agression, ce sera 0.
