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Re: Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...

Posté : jeu. 25 sept. 2025 20:41
par heijingling
Numéro 4563 du 24/09/2025

Ici un aperçu du numéro: https://www.spirou.com/game-over-sauve-qui-pue/

Je mets le lien vers la version numérique de L’arrière boutique de Patelin car on y trouve des documents intéressants moins évidents dans la version papier : Patelin réalise ses scénarios sous forme entièrement dessinée et mise en page, alors qu’il n’est aucunement dessinateur, au contraire de Cauvin qui réalisait aussi ses scénarios ainsi, et ce scénario dessiné sert de fond de page dans la version papier, qui privilégie l’aspect graphique, alors qu’ils sont directement montrés dans la version numérique, qui n’a pas de contraintes de place : encore une fois, une contrainte a mené à une plus grande créativité. On y trouve aussi la confirmation que Midam est le maître d’œuvre de Game over, les scénarios étant faits par Patelin (et parfois d’autres) et les dessins par Adam, les trois noms étant bien indiqués sur les couvertures des albums, alors que seul celui de Midam figure sur ceux des albums de Kid Paddle, bien qu’il travaille aussi avec des assistants pour cette série (Patelin encore, et Ian Dairin au dessin, pour le gag de ce numéro), qui ressemble donc plus au studio Hergé (qui signait seul ses productions), alors que Game over est plus proche dans la présentation de Peyo ou Franquin qui eux indiquaient leurs collaborateurs. Ceci dit, la couverture est signée par Midam seul, et on voit qu’il s’est fait plaisir dans la représentation des rats velus. Elle rend d’autant plus délectable le dessin final de l’histoire, avec Mickey proclamant Game over, en faisant ressortir le contraste entre la mignonne souris aseptisée de Disney et les rats de couverture.
https://www.spirou.com/larriere-boutique-patelin/
Patelin fait par ailleurs une remarque relativement amusante, qui se passe de commentaires : “La couverture de ce Spirou était au départ prévue pour notre nouvel album. Midam l’a finalement proposée à la rédaction, qui nous a demandé d’en tirer une histoire de quatre pages, format exceptionnellement long pour moi.” Ceci dit, l’histoire a beau faire quatre pages, elle est structurée avec des gags finals dans ses deux premières pages qui auraient pu être des gags de Game over à part entière.
Les Fabrice se lancent dans ce qui aurait pu être une performance eut-elle été réussie, L’édito muet (comme les gags de Game over), Fantasperge est Game over mais il lui reste un nombre impressionnant de vies qui lui permettront de subir encore de nombreuses années La malédiction de la page 13, quant à Joann et Annie Pastor, ils ont fait des Jeux Exit game grouillant de personnages, à l’opposé des planches dépouillées sauf nécessité scénaristique de Kid Paddle et Game over.

Dans les séries (a suivre), un chapitre un peu longuet où son frère et ses amis vont jouer aux ninjas pour retrouver Louca qui se cache, Champignac joue lui à l’espion pour trouver où vont être lancées les bombes atomiques, une longue séquence dialoguée dans une belle ambiance automnale au bout de laquelle les sœurs Grémillet vont se trouver une nouvelle mission pour jouer aux détectives, et un nouveau chapitre sous forme de récit complet de Dakota 1880, le Lucky Luke de Brüno et Appollo, avec un Lucky Luke peu présent, et passif, le moins que l’on puisse dire puisqu’on le voit essentiellement soigné après avoir réchappé à une pendaison, ce qui nous permet d’apprendre l’origine de son surnom, à lui donné par la grand’mère du narrateur de l’histoire, le jeune Baldwin, car elle a vu en lui quelque chose de spécial. En huit pages les auteurs font se télescoper plusieurs légendes, l’origine du nom de Lucky Luke, l’univers de la Nouvelle Orléans, son multiculturalisme, son multilinguisme, ses rituels vaudou, et la première d’une longue série de promesses non tenues faite aux noirs dès leur libération de l’esclavage.

Dans les gags, Manoir à louer met en scène le seul personnage de la série à ne pas lire Spirou, le jeune fils de la famille, Paul Martin et Manu Boisteau sortent une nouvelle fois du format strip pour faire de la place au robot géant en lequel a été transformé, sans difficulté apparente, le paquebot de Titan inc., une irrationnalité graphique sur laquelle Nob n’a pas osé s’aventurer : il a représenté les fans de Mouf sous forme de hordes de chiens, ce qui suppose que les chiens suivraient les réseaux sociaux. Or, Dad n’étant pas une série surréaliste, à la différence de Titan inc., les fans de Moufs sont très certainement des humains, mais dessiner Dad et Mouf poursuivis par des hordes d’ados aurait été choquant dans le cadre de cette série familiale. Ce ne sont pas que les corps, des humains comme des zombies, que Stella Lory désarticule dans Working dead, la perspective en prend aussi un coup, ce qui ajoute à l’ambiance de la série. Quant à La pause-cartoon, on y trouve, sur quatre gags, trois gags d’humour noir, dans Des gens et inversement, Fish n chips et Tash et Trash. Le Supplément abonné est un livret amusant de Mathilde Ruau et Simon Mitteault, Cuisine Toque-toque, proposant trois recettes simples et contemporaines (gnocchis de patates douces).

Enfin, dans le rédactionnel, En direct de la rédac, outre les rubriques habituelles (courrier des lecteurs, résultat de concours, strip) présente Désastrologie : l’horoscope approximatif de Spirou, qui se veut sans doute une parodie de telles rubriques régulières dans d’autres types de magazines, qui offrent également, comme le supplément, des recettes de cuisine. Coïncidence ? Spirou et moi est consacré à l’autrice Cy (qui est un pseudonyme, comme pour Cy Twombly, Lucky Luke et Seccotine, dont le vrai nom commencera à être révélé dans le prochain Spirou), dessinatrice de Ana et l’Entremonde avec Marc Dubuisson (scénariste de Working dead) et autrice complète du surprenant Radium girls, qui en dépit de son titre n’a pas vraiment de rapport avec le Champignac en cours sur le nucléaire, et que je conseille. Elle parle du Petit Spirou et ses « blagues d’adultes », ce qui est aussi mon point de vue, de mademoiselle Chiffre qui n’y est qu’un « intérêt amoureux », alors qu’elle ne l’est pas plus que d’autres personnages de la série, masculins comme féminins, qui semblent n’exister qu’en fonction de leurs désirs sexuels ou de ceux qu’ils provoquent, ce qu’elle considère comme un « stigmate des années 1990/2000 », ce qui n’est pas faux, mais remonte à bien plus loin, et termine en espérant ne pas répéter aujourd’hui les clichés d’hier, bien qu’elle ne se fasse pas d’illusion sur le fait que la BD d’aujourd’hui porte « les stigmates des années 2020 ». Certains de ceux-ci sont faciles à identifier : les héros de BD traditionnels étaient des redresseurs de torts, et si ça leur est largement passé, ce rôle a été repris par nombre d’auteurs qui tentent dans leurs BD de redresser les torts du passé. Autre signe des temps, En direct du futur qui annonce la suite de Mi-Mouche et interroge sa dessinatrice Carole Maurel sur sa légitimité a dessiner un récit sur la boxe, l’argument, désespérant, étant qu’elle en pratique elle-même. Quelle légitimité avait donc Franquin à dessiner un marsupilami, Midam à dessiner Kid Paddle, lui qui n’est pas particulièrement fan de jeux vidéos, quelle légitimité ont Appollo et Brüno à dessiner un cow-boy et un enfant d’esclave, quelle légitimité a le rédacteur à poser cette question à Carole Maurel ? On se croirait de retour en mai 68 et ses suspicieux « D’où parles-tu, camarade? »

Re: Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...

Posté : dim. 19 oct. 2025 15:55
par heijingling
Numéro 4564 du 01/10/2025

Ici un aperçu du numéro: https://www.spirou.com/nouvelle-serie-seccotine/

Cette semaine, Spirou joue au Moustique, le magazine réel fondé par les éditions Dupuis mais où sont censés travailler Fantasio et Seccotine et dont la fonction en tant que magazine de fiction est de fournir non pas tant des reportages que des scoops, et à ce titre réalise le tour de force et le gag d’en produire trois imbriqués: d'abord dans le dessin de couverture par Elric Dufau, la révélation par Seccotine de la raison du vol du Manneken-pis (l’équivalent bruxellois du vol de la Tour Eiffel chez Superdupont (par Gotlib, Lob et Al Coutelis) ou Fearless Fosdick (par Al Capp), puis, présentée par Spirou toujours sous la plume d’Elric Dufau, Seccotine passe du statut d’enquêteuse à celui d’enquêtée puisque l’on va apprendre pourquoi elle s’appelle ainsi, enfin page suivante dans Manoir à louer l’enfant abonné à Spirou s’apprete à révéler à une acheteuse en kiosque que “dans ce numéro on apprend que…” avant que son père l’interrompe.
L’histoire de Seccotine est introduite par une planche d’Elric Dufau sous forme de rappel de qui est Seccotine en fiction historicisée (grande reportrice à l’instar de Gerda Taro et qui comme elle officie sous pseudonyme, mais esthétiquement elles n’ont rien à voir, voir ici (attention lien politique) https://www.discogs.com/master/56788-Or ... Y1NDI3NQ== , en 1960 elle a réalisé un reportage sur les marsupilami, Fournier explique qu’il l’a abandonnée car il ne la supportait pas dès l’enfance, « elle devait être irritante », mais ajoute que c’était une erreur. Dans Et Franquin créa Lagaffe, Numa Sadoul fait la même remarque : « Elle est parfaitement imbuvable et désagréable », ce à quoi Franquin lui retorque à juste titre « Tu la trouves imbuvable ? Elle est plutôt intelligente. Mais tu t’identifies aux héros, voila pourquoi elle t’énerve. » Outre le fait que je ne l’ai jamais trouvée irritante, mais je suis d’une autre génération que Fournier et Sadoul, et n’ai jamais eu de réflexes de petit garçon qui refuse de jouer avec les filles, et ai encore moins gardé adulte ces réflexes, rappelons que lorsque Fournier reprit Spirou, Franquin lui-même n’avait plus utilisé Seccotine depuis plus de dix ans, et ce n’est pas la faute de Fournier si pour les repreneurs suivants de Spirou hériter de deux personnages féminins importants a été une trop lourde tâche...). Quant à l’histoire elle-même, regarder la couverture suffit pratiquement à se dispenser de la lire : Seccotine y retrouve le Manneken-pis dérobé par trois gamins, et on y apprend l’origine de son surnom (si l’on ne s’en était jamais douté, ce qui est bien improbable). Le seul point notable, surprenant, est que dans son travail de bureau elle s’y révèle une Gaston Lagaffe. Le dessin d’Elric est égal à lui-même, dans la lignée des suiveurs de Franquin pour Modeste et Pompon, Attanasio et Mittéï, mais soixante ans plus tard, et son encrage à la plume cracheuse ne fait pas illusion envers la vivacité du trait de Franquin. Par contre, le rendu des décors bruxellois de Thierry Capezzone transmettent une vraie ambiance. Je passe sur le fait que la tentative de transition avec La corne de rhinocéros dans l’explosion de la dernière case soit techniquement impossible, et je regrette juste que le personnage y soit totalement anecdotique, aux antipodes de celui animé par Franquin : exemplaire est à ce titre l’ultime scène de La corne de rhinocéros, où elle détourne un poudrier en un gadget d’espion, ce qui pour le résultat en fait une James Bond femelle l’année même de la création de l’agent secret, ce qui est déjà une extraordinaire saisie de l’air du temps, mais le détournement même de cet ultime artefact de la soi disant superficialité féminine et sa réappropriation la situe dans le même espace mental que des artistes telles que Tanaka Atsuko (Robe électrique, 1956), Lygia Clark (Bichos, depuis 1960), Dara Birnbaum (Technology/Transformation: Wonder Woman 1978-79), Louise Bourgeois (Araignées, Woven child) ou Annette Messager (Mes petites effigies, 1988). Fantasio et sa pipe et sa montre camouflant un appareil photo pour une même scène finale de Les pirates du silence n’en sera qu’une piètre réplique masculine deux ans plus tard (je fais un peu dans l’emphase en réaction à la platitude de ce On a volé le Manneken-pis).

Toute autre est l’esthétique promue dans Champignac Les années noires, qui joue dans le registre du leitmotiv wagnerien, avec les Ce n’est pas négociable et Pourquoi Orphée s’est-il retourné répétés à l’envie. Champignac y est par ailleurs dans ce dernier chapitre aussi un James Bond en son genre, traversant comme une fleur l’Asie du sud-est en guerre pour finir par une méditation romantique dans un jardin japonais au milieu d’élégantes grues alors que Nagasaki se fait atomiser. Par contre, je n’ai pas saisi pourquoi Champignac a été morose durant presque toute l’histoire, accablé par la perte de Blair, son amoureuse, alors que celle-ci l’accompagnait durant pratiquement chaque scène (quand ce n’était pas cette âme sœur de Rick - Richard Feynman) sous forme de fantôme : puisque Beka, les scénaristes, ont jugé bon d'utiliser Hiroshima et Nagasaki comme simple toile de fond pour leur tragédie sentimentale (ils ont tout de même osé mettre dans la bouche de leur personnage fantôme « Les morts ne veulent pas revenir, je suis bien là où je suis » alors qu’ils ont montré le bombardement de Nagasaki page précédente), ils auraient pu ébaucher des scènes sur les représentations de la perte des êtres aimés, sous formes d’ombres, de souvenirs, il y a des précédents (Hiroshima mon amour), ils n’ont pas été plus loin que la citation d’Einstein « l’énergie ne meurt jamais » (elle aussi répétée), ils sont restés en surface de leur sujet. Par contre, Etien a fait une intéressante représentation sale et rugueuse de l’explosion atomique, évitant l’écueil des explosions esthétiques que l’on voit trop souvent. Et, ce n’est pas la faute des auteurs, mais l’euphémisme de l’année va au résumé de l’histoire qui présente la deuxième guerre mondiale, la plus meurtrière de l’histoire, où ont eu lieu entre autres horreurs la Shoah et deux bombardements atomiques, comme « un contexte mondial tendu »...
Un chapitre que Bruno Dequier a du craindre un peu statique pour Louca, puisqu’il n’est fait que de dialogues, et pour lequel il a pour éviter cela multiplié les jeux graphiques (planche 41) et les cadrages excessifs (plongées complètes planches 43-44) et même un gag tendant vers le vulgaire avec un des personnages ambigüs (qui par la taille et les fréquentations semble un jeune gamin mais a pourtant un embryon de moustache), un chapitre ralenti donc, pour préparer ce qui va être la grande révélation de cette histoire dans le chapitre suivant. Révélation aussi dans ce troisième chapitre de l’histoire des sœurs Grémillet Le gardien de la forêt, sur la jeunesse de leur mère, tandis que les sœurs découvrent dans la forêt un très bel exemplaire de ces usines « chateaux de l’industrie » abondamment bâtis entre les XIXe et XXe siècles, avec une belle trouvaille graphique d’Alessandro Barbucci de l’avoir accolée à une falaise.

Seccotine apparaît de nouveau dans L’édito des Fabrice, où ils font se croiser la journaliste fictionnelle du Moustique avec un nouveau personnage, Alice, véritable secrétaire de rédaction de Spirou, (où quand des méta réalités se télescopent), ainsi que dans les Jeux de Liroy, dans En direct de la rédac, où son article sur la disparition du Manneken-pis est repris sous forme d’un articulet humoristique, et dans le dessin original de Tarrin pour la publicité pour Le trésor de San Inferno, l’aventure de Spirou et Fantasio classique (ou l’aventure classique de Spirou et Fantasio, les deux intitulés sont présents) de Trondheim et Tarrin où elle est représentée en arrière plan dans le rôle de fouineuse dans lequel l’on repoussée les auteurs.

Dans les gags, ceux de Pernille de Dav, Cyril Trichet et Esteban, de L’épée de bois de Jonathan Munoz et Anne-Claire Thibault-Jouvray, et Kahl et Pörth de Frantz Hofmann, Ced et Annelise, trois séries de fantaisie médiévale, sont assez réussis car basés sur les personnalités et les relations entre les personnages, avec une touche d’humour noir. Paul Martin et Manu Boisteau imaginent une convaincante représentation graphique du déni de réalité dans Titan inc., dans Les Fifiches du Proprofesseur et Des gens et inversement, Lécroart et Berth renouvellent des gags éculés, dans le strip Mauvaises graines, la dessinatrice Anne-Perrine Couet crée enfin des fleurs plus personnelles que celles qu’elle utilisait jusqu’ici, trop proches involontairement de Georgette, celle de Gally, qui fait par ailleurs une amusante Leçon de BD, mais il est dommage qu’elle nous gratifie d’une remarque littérale sur la littéralité des encadrés dans Blake et Mortimer, ratant leur dimension dramaturgique. Enfin, les strips de Bertschy pour Nelson sont ouvertement une publicité pour un album de compilation hors série de Nelson,et Dad apparaît autant d’une autre génération que les contempteurs de Seccotine lorsqu’il est effrayé et dégoûté par une araignée dans les toilettes, alors que sa fille la trouve mignonne. Dommage que Nob n’ait pas osé la représenter en gros plan telle que vue par Roxanne.
Une dernière publicité pour un album de Noël au Lombard pourrait sembler étrangement en avance s’il ne s’agissait d’une jolie idée d’un album de l’avent, donc à se procurer avant début décembre.

Re: Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...

Posté : ven. 31 oct. 2025 13:08
par AlanCHIC
Lisant Spirou avec deux ans de retard, vu mon achat via album : 385 ce jour -> Numéro du 31/10/2023

Re: Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...

Posté : dim. 2 nov. 2025 15:31
par heijingling
Numéro 4565 du 08/10/2025

Ici un aperçu du numéro: https://www.spirou.com/mi-mouche-deuxieme-round/

Si la couverture représentant Mi-Mouche de dos avec un air farouche est indéniablement belle et puissante, il me manque des éléments pour la comprendre. La dessinatrice et coloriste Carole Maurel est une adepte des symboliques graphiques (ici, la page 11 qui s’ouvre sur la mère étouffante taillant un bonsaï) et des couleurs expressives (couleurs à la fois douces, comme les nuances de verts dans le jardin, et tranchées, avec de fortes oppositions), mais je ne suis pas sûr de comprendre le pourquoi des gants de boxe de différentes couleurs (la personnalité brisée de Mi-Mouche?) et des lignes au sol, comme des rayons lasers (les cordes d’un ring?). Concernant la boxe dans Mi-Mouche, je vais faire une mise au point, comme ça j’espère n’avoir plus à y revenir. Bien sûr qu’en boxe, comme dans toutes les disciplines de combat, on apprend de base à maîtriser sa force et ses coups, comme le dit le coach page 9 du magazine, en BD, il y avait ainsi eu un épisode de Big Ben Bolt de John Cullen Murphy où celui-ci s’était fait étendre par un adepte des combats de rue qui ne respectait aucune règle, pour démontrer à contrario la primauté des règles en sport, et je conçois que le coach veuillent vendre sa came, mais prétendre que « ses jeunes ne se font jamais mal » est comme argumenter que le rugby n’est pas plus violent que les échecs ou que la cigarette est inoffensive pour la santé. La boxe est un des sports les plus dangereux, surtout si on commence très jeune comme Colette (plusieurs études ont été faites, je ne mets pas de lien). Carole Maurel le dit d’ailleurs en dehors de la BD, dans l’interview en ligne https://www.spirou.com/mi-mouche-deuxie ... x-combats/ « Je sais à quel point il faut être concentré sur le regard de l’autre, sur ses appuis, sans quoi on se prend un pain ! »  J’ignore pourquoi les autrices Véro Cazot et Carole Maurel insistent ainsi de nouveau, dès l’entrée de ce second épisode, sur cette contre vérité, peut-être pour préparer une surprise scénaristique ou psychologique. Par contre, Colette a raison de reprocher à sa mère de laisser son frère faire du rugby alors qu’elle-même est interdite de boxe sous prétexte de dangerosité.
Troisième épisode du Lucky Luke d’Appollo et Brüno, amusant avec la séquence du procès qui ne peut que rappeler l’hilarant Le juge, un des sommets de la série, mais qui tient par lui-même, parce qu’on y raconte enfin un des mythes de l’ouest, les concours de tirs, qui jusque là n’avaient jamais vraiment été abordés dans Lucky Luke, malgré ou à cause de son statut de tireur légendaire (les deux explications sont données dans l’histoire), et l’idée est bonne d’avoir mis en scène Annie Oakley encore gamine, car adulte sa stature aurait été trop grande pour une histoire courte, et aurait souffert de la compraison inévitable avec Calamity Jane, un autre sommet de la série. La révélation préparée dans le précédent chapitre de Louca arrive enfin, un coup de force scénaristique de Bruno Dequier, qui bouleverse l’image que l’on avait de Nathan, qui en est décomposé, aux sens figuré et propre, jolie représentation graphique de l’auteur et son coloriste Yoann Guillo, qui évitent par ailleurs l’émotion facile par l’humour (le visage super déformé de Louca), un découpage en rupture de rythme et qui donne une place à chaque personnage au lieu de tomber dans l’erreur qu’aurait été de s’apesantir sur Nathan et Louca, et des couleurs donnant une ambiance légèrement fantastique. Ambiance fantastique, et même SF, que l’on retrouve dans la publicité pour l’album de l’histoire, Phénoménal, très efficace avec la couverture représentant Louca courant de dos à une vitesse « phénoménale » et l’illustration pleine page reprenant la même image mais de face et cadrée gros plan, exposant le surhomme qu’est devenu Louca. Si le Lucky Luke rappelle d’autres albums de la série, cet épisode des sœurs Grémillet fait lui penser à Princesse Mononoke de Miyazaki, avec l’irruption d’un sanglier et l’apparition du Liéchi. La séquence avec la laie (qu’est au final le sanglier) et ses marcassins, baignée dans la lumière dorée froide de l’usine abandonnée, fait pendant à celle dans la maison de l’hôte de la famille Grémillet, d’une chaude lumière dorée, et où s’ébauche une idylle entre la mère des sœurs et son ami d’enfance. Enfin, je termine avec les histoires (à suivre) de ce numéro par un paradoxe, qui est qu’une publicité pour le tome 4 de Mademoiselle J. signifie que cette histoire n’aura pas été prépubliée dans le journal de Spirou, contrairement aux trois précédentes, malgré le fait que Ptirou, le personnage aux origines de Spirou, soit abondament représenté sur cette page de publicité.

Les Fabrice s’emmêlent les pinceaux dans leur Édito, mais pour rappel, si Dominique Paquet, qu’ils mélangent avec Coline Strijthagen, secrétaire de rédaction, est bien une nouvelle graphiste dans Spirou (pas si nouvelle toutefois, elle y est présente depuis début mars, si on donne de mauvais renseignements aux Fabrice, il est normal qu’ils s’embrouillent, et plus précisément elle est dorénavant la seule graphiste depuis le départ de Julien Marlière il y a quelques mois ), elle travaille pour Dupuis depuis des années et, petite touche people, dans l'esprit de l’annonce de la maternité de la secrétaire de rédaction, elle est aussi, a-t-on appris récemment dans Spirou, l’épouse d’Olivier Saive, qui est depuis quelques semaines de retour dans Spirou comme illustrateur après plusieurs années d’absence du magazine. C’est d’ailleurs toute la rédaction qui est à l’honneur cette semaine, puisqu’elle est intégralement présentée dans Le courrier des lecteurs, et que la maquettiste est par ailleurs rendue responsable d’une erreur dans En direct du futur, illustré par Saive, annonçant un spécial Halloween « super kawaï ». Outre la reprise du courrier des lecteurs, En direct de la rédac est une bonne initiative pour le lien avec les lecteurices, il est seulement dommage que la rubrique présentant cette semaine une lectrice centenaire ne dépasse pas l’anecdotique. On n’est plus en 1938, et avoir 13 ans de plus que le journal ne mérite pas un simple article basique, d’autant que celui-ci recèle un fait intrigant qui n’est malheureusement pas expliqué : cette lectrice aurait débuté son abonnement à Spirou au début des années 60, soit quand elle approchait la quarantaine, or non seulement il n’était pas si courant à l’époque de lire Spirou à cet âge, mais cela l’était encore moins de commencer à le lire à cet âge. Cette particularité de cette lectrice aurait mérité une petite explication.

Amusante coïncidence : Juanungo réalise un Tuto dessiné de Wladimira, la vampire de Manoir à louer, tuto que lui-même qualifie d’« assez abstrait » lors d’une étape nébuleuse (aux sens propres et figurés, encore), en se représentant lui-même les pieds scotchés au plafond, la tête en bas, position habituelle chez un vampire mais bien peu naturelle chez un humain, alors que paraît une des planches de Manoir à louer où le style maniériste de Juanungo est le plus évident, avec les positions affectées du père de famille à la recherche d’indices pour un jeu où il s’agit de trouver des éléments faisant penser à une BD, jeu auquel avaient joué des auteurs de L’atelier Mastodonte (et où Trondheim s'était avéré champion). Je salue la performance de l’enfant reconnaissant au premier coup d’œil la salsepareille dont sont friands les Schtroumpfs, alors que cette plante est vraiment peu commune en dehors du Pays maudit, et bien que je sache Trondheim fan de toujours des productions Disney, ou tout au moins de Mickey parade, Spirou et Manoir à louer obligent, plutôt que Mickey, c’aurait pu être Sybilline à laquelle la souris aurait pu faire penser. Willy Woob se met au sport, ce qui signifie mouvement amples qui seraient à l’étroit dans les strips habituels, aussi Moog et Bernstein le font-ils passer en gags en demi planche. Dialogues et humour dans L’épée de bois sont cette fois encore proches de ceux de Trondheim, mais la série de fantaisie médiévale de Jonathan Munoz a son univers propre, et les couleurs de Anne-Claire Thibaut-Jouvray, avec ainsi un ciel vert fluo, n’y sont pas pour rien. Nob fait de nouveau un gag dans lequel Dad se dédouble, ce qu’on peut voir comme une allégorie d’un acteur, mais il faudrait creuser un peu dans ce type de gags pour voir si cette interprétation a de l’intérêt. Berth fait un jeu de mots débile dans Des gens et inversement, qui lui permet de renouveler un gag aussi vieux que la peau de banane, Cromheecke et Thiriet ne sont pas en reste sur ce terrain dans leur illustration du Bulletin d’abonnement, et Tom fait de nouveau un gag cruel sur le thème de l’environnement dans Fish n chips. Enfin, outre les traditionnels Jeux, par Tom Sorroldini cette semaine, c’est une autre rubrique qui est aussi consacrée à la série vedette du numéro, un Test comique illustré par Bercovici, et le supplément abonnés est un amusant poster de Frnck en parodie de film SF des années 80.

Re: Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...

Posté : lun. 1 déc. 2025 14:17
par heijingling
Numéro 4566 du 15/10/2025
Ici un aperçu du numéro: https://www.spirou.com/debarquement-de-marsupilamis/
Pour raisons géopolitiques (je suis en ce moment dans un pays où accéder au journal de Spirou en ligne est complexe, sans parler de sa version papier), je ne suis pas en mesure de faire une chronique sur ce numéro, et mes chroniques seront un certain temps aléatoires. Dommage, je me serais certainement bien amusé avec les marsupilamis multicolores...

Re: Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...

Posté : lun. 1 déc. 2025 14:35
par heijingling
Numéro 4567 du 22/10/2025

Ici un aperçu du numéro: https://www.spirou.com/sueurs-froides-s ... de-minuit/

La couverture annonce le retour des jeunes Robinsons de L’île de Minuit dans une jungle menaçante et mystérieuse, d’autant plus que le danger n’apparait pas au premier abord et se situe, discret, dans leur dos. Nicolas Grébil a joué avec les possibilités qu’offre le dessin grand format de la couverture. Remarquons qu’un des personnages n’est plus le même par rapport au premier épisode, beaucoup de choses s’étant en effet passées dans la grande ellipse entre les deux histoires, situation partiellement résumée par les auteurs Lilyan et Grébil. Un des nouveaux personnages apparaît dans les trois pages d’introduction mouvementées et muettes de ce deuxième épisode, mais on ne sait encore rien de lui, les auteurs ménagent le suspense. Ce nouveau personnage est naturellement surpris par le paysage qui s’ouvre devant lui, mais étonnament les autres ne le sont aucunement par la voie formée d’immenses défenses d’éléphants dressées qu’ils empruntent. Moi, cela m’interroge plus que les vestiges humains qui les intriguent : il y a ou aurait donc eu des éléphants sur cette petite île? La suite nous dira s’il s’agit d’un indice clé ou d’un effet graphique gratuit et trompeur. Le troisième chapitre de Mi-Mouche introduit le problème du harcèlement, scolaire ici, et en donne une explication : les harceleurs n’ont pas peur de donner et se prendre des coups, peut-être même y ont-ils goût, au contraire de leur victimes, comme Colette qui, par sa pratique de la boxe, pourrait certainement vaincre physiquement sa harceleuse qui n’en impose que par sa masse et son culot, mais y répugne, le fait qu’elle s’enquière de l’état de l’adversaire qu’elle vient de battre témoigne de sa sensibilité. Le sixième chapitre des Sœurs Grémillet plonge ouvertement dans le fantastique, entre la vision de la carcasse d’un avion envasée dans un étang de la forêt, l’accident de chasseurs dû à un brouillard subit après un appel au Liéchi à leur punition par Lucille, la réapparition d’animaux pour la nuit du Liéchi, avec chaque évènement, chaque scène même ponctué par l’apparition d’oiseaux, de la huppe de la première case de la première planche de ce chapitre à l’envolée sur fond de ciel rougeoyant de la dernière case de la dernière planche. Et si jusqu’à présent c’était un corbeau qui semblait être un représentant du Liéchi, c’est maintenant une chouette qui a été témoin de l’étrange accident des chasseurs. Appollo et Brüno produisent dans cet épisode leur vision la plus radicale de leur Lucky Luke, non plus flegmatique (lui manque son sourire) mais taciturne jusqu’à laisser se dérouler une bagarre sur près de trois pages, morceau de bravoure du western, suivie en contrepoint par un autre aspect typique de l’ouest mais bien plus méconnu, pour ne pas dire ignoré, par le western, où Appollo a produit un superbe exemplaire de cette poésie lyrique de l’ouest, nourrie de la Bible, ses énumérations incantatoires, ses visions apocalyptiques et salvatrices.

Le témoignage de L’abonnée de la semaine donne une des raisons pour lesquelles des lecteurs peuvent aimer Manoir à louer : ils s’y retrouvent. Toutefois, l’humour y est bien plus simple que dans Animal lecteur, la série de Libon et Salma elle aussi conçue en clins d’oeils, sans doute car l’univers de Manoir à louer est bien plus limité, comme le nombre de personnages et leur aspect unilatéral. Par contre dans cette planche la recherche dans le manoir permet d’admirer le dessin de Juanungo dans son rendu d’un luxe décadent (le hall d’entrée, le pathétique des peaux et animaux empaillés dont la gueule est dressée en une dérisoire menace, les statuettes grand siècle recouvertes de toiles d’araignées). Luxuriance en absolue contraste avec la planche de L’édito des Fabrice qui lui fait face, au minimalisme extrême de la mise en scène et des décors, qui reflète leur déception envers leur jeu riche de promesses mais dont ils n’ont pu tirer la saveur. On retrouve les personnages d’Otaku et le dessin de Maria-Praz qui arrondit systématiquement les angles, par contraste avec la rigidité du quadrillage de cahier d’écolier qui constitue le fond sur lequel sont faits les strips, arrondi au point que la porte des toilettes et son chambranle m’ont laissé croire qu’ils se trouvaient sur un bateau….Dans la planche de Working dead, Stella Lory et Marc Dubuisson délaissent l’aspect zombie de leur série, hormis des détails graphiques, pour une moquerie envers les entreprises modernes, tandis que Manu Boisteau et Paul Martin mettent littéralement en scène dans Titan inc. la lutte des classes et l’exploitation, des aspects aussi présents dans L’épée de bois, avec l’école misérable dont le toit fuit de partout, et gags de socio-politique loufoque dans Les Fifiches du Proprofesseur de Lécroart (versant manifs) et Fish n chips de Tom (versant marketing). Outre la poésie dans Lucky Luke, on a dans Gary C. Neel d’autres éléments rares dans un western, mais ici à fins comiques : un indien à lunettes, une montgolfière. Enfin, si Dad continue à vouloir s’imposer dans le groupe de sa fille, il va finir par se faire taxer de harceleur, et pour finir, un Kid Paddle consacré au petit barbare et un Game over bien gores, avec cerveau éclaté et yeux pendants sortis de leurs orbites, en avant goût du spécial Halloween de la semaine suivante, annoncé peu ragoutant par Bercovici.

Remarque ragotante : dans sa Leçon de BD, Marko invite Beka, qu’il représente sous les traits d’un homme, alors que Beka est censé être le pseudonyme commun d’un homme et un femme, est-ce une personnification, ou est-ce une allusion à une rupture ? Il le présente aussi comme le scénariste de Cœur collège, une série Dupuis non publiée dans Spirou, alors que Beka scénarise plusieurs séries pour le magazine ; expression de ses goûts? Les Jeux sont traditionnellement consacrés à la série mise en avant dans le numéro, mais Romain Garouste, au lieu d’y montrer l’ensemble de la série, ne met en scène qu’un moment de l’épisode de la semaine de L’île de minuit, celui où deux des enfants se retrouvent isolés et subissent une attaque de singes. Deux publicités pleine page pour deux albums de séries Spirou pour une fois, une sur un fond rouge flamboyant pour Dad, et une autre pour les Tuniques bleues. Pour finir, un toujours bon gag d’illustration du Bon d’abonnement de Cromheecke et Thiriet, et l’annonce du prochain Mademoiselle J., qui ne sera donc pas prépublié dans Spirou mais post publié (comme rappel publicitaire, ou pour ceux qui voudront le lire sans acheter l’album). Annonce étrange, auto dépréciative qui prétend que la majorité des lecteurs s’en fiche, ignorant qui c’est, car enfin cela fait moins de deux ans que la précédente aventure s’est terminée dans le journal, alors certes c’est plus que les à peine six mois entre le premier et le deuxième épisode de L’île de minuit ou de Mi-Mouche, mais ce n’est rien à l’aune d’un journal ayant 87 ans, même si son âge n’est tristement plus indiqué en couverture depuis la nouvelle formule de janvier 2019. Par ailleurs, il y a un spoiler, qui nous dit qu’un élément caché sera à débusquer dans l’histoire, mais indique quel est cet élément et dans quelle page il se trouve : une annonce digne de L’édito des Fabrice.

Re: Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...

Posté : lun. 1 déc. 2025 19:58
par Franco B Helge
Merci pour vos chroniques très précises :spirou: :smile:!!
Je trouve très utile d'avoir un aperçu du contenu du Journal, car je ne le reçois pas sous ces latitudes méridionales :(
Merci encore :wink:!

Re: Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...

Posté : mar. 2 déc. 2025 09:16
par Armand Le Biar
12677
Dans ce cas il y a en ce moment un n° (sans numérotation) inédit et complet à lire sur le site : https://www.calameo.com/read/0079756010 ... Pk0O72zSk0

Re: Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...

Posté : mar. 2 déc. 2025 15:41
par heijingling
Franco B Helge a écrit : Je trouve très utile d'avoir un aperçu du contenu du Journal, car je ne le reçois pas sous ces latitudes méridionales :(
Demande à l'Alliance française locale de souscrire un abonnement au journal :spip:

Re: Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...

Posté : mar. 2 déc. 2025 20:57
par Franco B Helge
heijingling a écrit : mar. 2 déc. 2025 15:41
Franco B Helge a écrit : Je trouve très utile d'avoir un aperçu du contenu du Journal, car je ne le reçois pas sous ces latitudes méridionales :(
Demande à l'Alliance française locale de souscrire un abonnement au journal :spip:
Mille sabords et Sabre de bois, en même temps :o!

Voilà ! L'Alliance doit déjà être abonnée au Journal, je suppose, car je sais qu'elle reçoit plusieurs magazines et autres publications.
Il faut que j’aille vérifier :smile:
Merci d'avoir mis en lumière un point auquel je n'avais pas prêté attention auparavant, haha :roll: :wink:!

Re: Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...

Posté : jeu. 25 déc. 2025 11:11
par heijingling
Numéro 4568 du 29/10/2025

Ici un aperçu du numéro: https://www.spirou.com/special-halloween/

Annoncé par un gag de Bercovici dans le numéro précédent, voici donc un numéro spécial Halloween en odorama, un gagdet qui consiste à gratter une pastille pour faire ressortir une odeur, plaisante ou non, pastille ici dissimulée en couverture sous forme de cerveau d’un zombie déguisé en marsupilami, ce qui est une bonne idée, et on peut imaginer que dans Fluide glacial elle aurait été placée ailleurs… Un spécial Halloween à dessin de couverture qui, comme nombre de spéciaux vraiment spéciaux (ceux de 100 pages), s’étend sur deux pages, en première et quatrième de couverture, cette deuxième moitié révélant souvant un gag amorcé dans la première moitié, ce qui est le cas ici, et plus encore, puisque le gag consiste en la puanteur s’échapant de la première page qui se répand sur la dernière et de là dans l’ensemble du numéro pour pourrir tout ce qu’elle touche, un numéro tour de force, qui a nécessité la coordination en amont de nombres d’auteurs pour qu’ils introduisent cet effet dans leurs histoires. C’est Stella Lory qui a donc réalisé cette couverture double avec sa série Working dead, que le journal a à priori décidé de mettre en avant, puisque c’est la deuxième fois qu’elle a les honneurs de la couverture depuis ses débuts il y a moins de trois mois. Certes une série zombie est destinée à être mise en vedette lors d’Halloween, mais d’autres auraient été autant légitimes, comme Manoir à louer (autre série commencée cette année), sans parler de Zombillénium, Kid paddle, Game over (qui ont déjà eu plusieurs fois cet honneur) ou Pernille ou Kahl et Pörth (rarement si pas jamais vus en couverture, eux). On a donc dans la continuité de la couverture une histoire de sept pages de Working dead, réparties dans l’ensemble du numéro, où l’on voit que les zombies de la start-up font se putréfier tout ce qu’ils touchent (une allégorie gauchiste? La critique de l’entreprise est toujours présente, ainsi la fête organisée porte le nom d’Hallo-win), et Stella Lory a vraisemblablement dessiné les moisissures, asticots et mouches qui envahissent progressivement l’ensemble des marges du numéro, jusqu’à déborder dans certaines planches, Spoirou et Fantasperge de Sti débordant eux de la Malédiction de la page treize pour commenter cette putréfaction au long des pages.

Paradoxalement, c’est la série qui, en dehors de L’édito, est la plus impliquée dans le magazine chaque semaine qui est la moins touchée par cette animation : se trouvant en page deux, les moisissures commencent tout juste à se répandre et ne la touchent que peu, on a donc simplement dans Manoir à louer une traditionnelle histoire de préparation d’Halloween. Par contre, l’odeur est déjà présente page trois, et les Fabrice se plaignent à bon droit d’en être injustement accusés. Toujours pas affectée non plus est Nuit blanche au camp, une histoire en deux page de Julien Dykmans au dessin tarabiscoté et anguleux parfait pour un récit d’horreur, sur un scénario classique d’inversion des perspectives avec des monstres racontant une histoire de bonheur pour se faire peur mais bien mené par Sti, ses Spoirou et Fantasperge le jugeant « de premier choix, en toute objectivité » dans un auto clin d’œil, et la première victime de l’infestation est finalement Gary C. Neel, tombant malade de l’ingestion de la nourriture préparée pour le Dia de los muertos, la fête du jour des morts mexicaine à laquelle ses auteurs Ced et Gorobei l’ont judicieusement fait assister plutôt qu’Halloween, nourriture pourrie par les effluves zombiesques, qui ont également vermoulu le plancher de la soirée d’Halloween où se rendent Kahl et Pörth (de Ced encore, Frantz Hofmann, qui signe aussi les Jeux intitulés Putrédaction, titre qui contient un double jeu de mots dont un peu familial, et Annelise). Mais c’est avec la suite que l’épidémie prend une dimension supérieure, d’abord avec la fin de l’histoire de Working dead, qui révèle que Greg, le personnage humain perdu dans l’entreprise zombie, est, à l’instar de ceux de Manoir à louer, lecteur de Spirou, et que c’est tout le journal qui s’est fait zombifier, à commencer par les personnages en couverture qui était normaux lors de l’achat du magazine, comme si l’on assistait à une zombification en temps réel. Puis c’est Céline, la mère à tendance rigide de Family life de Jacques Louis qui devient une zombie après avoir mangé un cake touché par le « truc gluant » qui déborde des marges et envahit les cases, la situation étant à ce point devenue si intenable que la rédaction décide de faire appel à Guillaume Bouzard pour y remédier dans l’histoire intitulée La pousse du siècle, où il découvre que dans la pourriture ont poussé des cèpes, qu’il s’empresse de ramasser pour les vendre, malheureusement ce ne sont pas des cèpes de Bordeaux mais de Marcinelle, et les acheteurs finiront intoxiqués...Le reste des histoires, tant les gags que les (à suivre), sont aussi touchées par la moisissure, mais à la différence des précédentes cela n’affecte pas l’histoire, les gags se contentant d’un traditionnel thème Halloween, comme dans La pause-cartoon (dont un Fish n chips de Tom à l’humour particulièrement macabre) ou Game over.

Coïncidence, le pénultième chapitre de l’histoire des Soeurs Grémillet Le gardien de la forêt se déroule pendant l’attendue nuit du Liechi, superbe fête fantastique automnale en heureux contrepoint à Halloween. Ce chapitre finit sur un double suspense, sentimental (l’évolution de la relation de la maman et son ami d’enfance) et fantastique (le Liechi existe-t-il ou n’est-il qu’une illusion), et les auteurs Giovanni di Gregorio et Alessandro Barbucci utilisent habilement cette nuit fantastique riche en rebondissement pour révéler que c’est la plus jeune des sœurs qui à le plus souffert du divorce de ses parents, et cette perte explique en partie l’origine de son amour pour les animaux, qui eux ne l’ont jamais abandonnée. Le quatrième chapitre de Mi-mouche marque un tournant en faisant la part belle au père de Colette, jusqu’ici assez effacé, qui a avec sa fille une complicité que n’a pas sa mère : ira-t-il jusqu’à soutenir sa fille face à sa femme, au risque d’un conflit qui pourrait mener à un divorce ? Quant au chapitre de L’île de minuit, il colle au titre de la série puisqu’il se passe de nuit.

Enfin, le rédactionnel consiste en Dans la tête de Stella Lory, qui s’y est faite une caricature foisonnante et délirante, un concours « tout pourri », et le Courrier des lecteurs où il est enfin dit et expliqué pourquoi il manquait des pages dans la prépublication de la dernière histoire de Champignac : on y voyait une consommation de « paradis artificiels », ce qui a été estimé ne pas pouvoir passer dans un journal familial. Si l’explication se tient, le journal aurait pu avoir la politesse élémentaire de proposer une page de remplacement, plutôt que ce vide rendant le passage encadrant ces pages manquantes incompréhensible. Ce problème est un classique des différences de publication entre le journal et l’album, dont le célèbre remontage pour les albums des planches que Franquin composait en vue du journal. Tintin a financièrement résolu la question en publiant en sus des albums classiques (dont la version noir et blanc des albums couleur et la version couleur des albums noir et blanc) la version pseudo fac-similé de la publication dans le journal, solution seulement applicable pour Tintin et l’idolâtrie dont il fait l’objet. Mais concernant ce Champignac, c’est d’autant plus dommage que dans les pages manquantes il y est appelé par un chaman lui tendant des champignons hallucinogènes d’un savoureux “l’ami des champignons”...

Re: Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...

Posté : jeu. 25 déc. 2025 11:27
par heijingling
Numéro 4569 du 05/11/2025

Pas d’aperçu de ce numéro sur le site Spirou, il a sans doute été réduit en cendres par le nouveau personnage du journal, Attila.

Selon une légende bien antérieure à l’existence-même d’internet, Néron jouait du violon pendant que rome brulait. En couverture de ce numéro, Attila prend son goûter dans une ville achevant de brûler. Mêmes temps (l’antiquité, à l’ère des réseaux sociaux, on ne va pas chipoter pour quelques siècles), mêmes mœurs, revisités par l’abbé, un auteur officiant surtout dans Fluide glacial, pour sa première série dans Spirou, mais un énième retour dans le magazine pour Attila, qui y avait été réhabilité par Sirius en 1958 dans Timour, où il le présentait comme un homme de culture et de parole, loin du barbare grotesque au point d’en être touchant il y a à peine dix ans dans le très drôle Attila et le club des Huns de Dab’s, sans parler, chez la concurrence, de Une aventure rocambolesque d’Attila, de Larcenet et Casanave en 2006. La démesure d’Attila (ce qu’on en connaît par la légende) en fait un plaisir à croquer l’horreur sans cruauté pour les dessinateurs comiques, comme on le voit aussi dans les Jeux de Joann et Annie Pastor, de ton joyeux malgré les innombrables têtes de morts qui les parsèment et, comme Dab’s et Larcenet et Casanave, l’abbé (il signe sans majuscule) représente Attila en nabot, pour le reste, l’humour consiste en un dialogue de sourds entre un romain rationnel et le conquérant sanguinaire et mégalomane. Une nouveauté : la périodicité (mensuelle) avec laquelle cette série va passer dans le magazine est indiquée en bas de la dernière planche.

La rubrique Dans la peau de l’abbé présente l’auteur de façon extravagante, on est censé y apprendre que c’est sa belle-fille, en bas âge, qui fait ses couleurs, elle serait ainsi pratiquement sa co-autrice puisque pratiquement aucun décor n’est dessiné au trait mais uniquement par la mise en formes de couleurs, à la différence du dessin de couverture. L’article est illustré d’un impressionnant autoportrait en coupe, ou en écorché (les deux conviennent pour le fléau de dieu) où viscères, pinceau et pots de mayonnaise s’entremèlent.
Outre Attila, ce numéro contient un autre désastre, des restes des moisissures d’Halloween du précédent numéro, et Bouzard est de nouveau appelé, cette fois dans les marges, afin de les nettoyer. Autres séquelles d’Halloween, des strips de Willy Woob, ainsi que, dans le Courrier des lecteurs, une lettre de Céline, la femme de l’auteur Jacques Louis dans family life, qui demande un droit de réponse pour l’image d’elle jugée dégradante et fausse, jusqu’à son apparence en zombie dans le numéro d’Halloween qui a fait déborder le vase. Affaire à suivre.

Dans les séries (à suivre), on découvre le mystérieux Charlie, le nouveau personnage de L’île de minuit apparu dans le précédent chapitre et qui sans son sweat-shirt et en plein jour a toutes les apparences physiques et vestimentaires d’une jeune fille bien qu’il soit considéré par les autres personnages comme un garçon. L’autre nouveau personnage lui se sort étonnament bien, compte tenu de ce qu’ont subi Elena et Elijha, de son affrontement avec les singes et, fait prisonnier par la petite bande, il est traité de façon extrèmement agressive, il en fait d’ailleurs lui-même la remarque : tout cela a un peu le goût d’un suspense créé de façon artificielle. On entame la seconde moitié de l’histoire de Mi-Mouche et la scénariste Véro Cazot, après la séquence d’espoir du chapitre précédent, la fait basculer vers la désillusion, aucun de ses parents ne répondant finalement aux attentes de Colette. Fin de Le gardien de la forêt, le huitième épisode des Sœurs Grémillet, plus spécifiquement consacré à Lucille, la plus jeune des sœurs et l’amie de la nature, ce gardien, le Liéchi, réel ou imaginaire, les auteurs Giovanni Di Gregorio et Alessandro Barbucci ne tranchant pas, s’avérant comme Lucille évidemment protecteur de la nature, mais également des enfants en détresse, détressse intime comme politique, Lucille qui a le plus souffert du divorce de ses parents ou le père de l’ami d’enfance de la mère de Lucille qui a échappé de peu à la mort durant la guerre. Un bel épisode qui fait se rejoindre la culture, par la transmission, et la nature. Les trois séries (à suivre) de ce numéro ont pour héros des enfants, (ce qui est un peu disproportionné), mais si les protagonistes de L’île de minuit sont livrés à eux-mêmes, Mi-Mouche et les sœurs Grémillet elles doivent se débattre dans des problèmes familiaux : si le dessin de Carole Maurel et celui d’Alessandro Barbucci sont très différents, le premier anguleux, plus dur, le second plus rond, plus adouci, ils ont en commun un encrage enlevé, style croquis, du moins pour les visages chez Barbucci, qui retranscrit bien l’enchevêtrement de vivacité et de tourments de ces jeunes personnages.

Pour le reste, les mouettes sarcastiques sont de retour dans Titan inc., et leurs commentaires sur la quatrième case d’un strip formellement constitué de trois cases est une maline parabole du franchissement du quatrième mur. La série de Manu Boisteau et Paul Martin fait de plus en plus penser à Boner’s Ark, la série quelque peu injustement méconnue du grand Mort Walker, par le cadre bien sûr, un huis-clos dans un bateau, mais aussi par l’approche, une galerie de personnages faisant micro-société, dans l’attente d’un évènement annoncé qui ne vient jamais, leurs interactions et leurs discours sur la situation. Le face-à-face des pages de Manoir à louer et L’édito fait ressortir le contraste entre la rigidité expressive de la vampire, que Juanungo représente en variant légèrement l’encrage d’un même dessin reproduit quatre fois, et l’hyper expressivité des Fabrice et du rédac’chef qui se tordent littéralement de rire. De bons gags dans les quatre séries de La pause-cartoon, trois pages de fabrication Midam, un Kid Paddle, un Game over avec momies et vampires, et une pub pour le dernier Kid Paddle, Zombie or not Zombie, décidément, on ne sort toujours pas d’Halloween. Enfin, comme Lucille dans Les sœurs Grémillet, c’est Roxane, son alter ego concernée par l’environnement, qui est mise en avant par Nob dans Dad pour un enième conflit de génération mais qui ne concerne pas, comme les précédents, la mode, mais plus gravement la survie des nouvelles générations.

Enfin, la rubrique Spirou et moi est consacrée à Mathilde Ruau, une illustratrice jeunesse qui a publié une BD sur comment faire un jardin potager, ce qui tombe bien puisque c’est une des revendications de Roxane pour l’école, et dans le multi-médias, le podcast du mois de Radio Fantasio est consacré à Mi-Mouche, tandis que le supplément est un mini-récit de Gaël, qui n’avait plus travaillé pour Spirou depuis 20 ans, une très classique mais amusante histoire d’invasion ratée de la Terre par des extra-terrestres.