Re: Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...
Posté : dim. 7 sept. 2025 22:16
Numéro 4560 du 03/09/2025
Ici un aperçu du numéro: https://www.spirou.com/bonne-rentree/
Un numéro spécial Retour de vacances, qui a beau souhaiter une bonne rentrée, la plupart des histoires sur ce sujet se passent avant la rentrée, que ce soit le dernier jour des vacances ou sur le chemin de l’école. Quoi qu’il en soit, cette perspective n’enchante pas Les cavaliers de l’apocadispe qu’on voit sur la couverture, bien que jouant dans un environnement bucolique aux habituels bleus et verts tendres de Libon, avoir l’air maussade, Olive, le plus sensible, pleurant même dans son coin qui est aussi, nouvelle occasion d’admirer la maîtrise dont fait preuve Libon en composant ses images, un de ceux de la couverture. Dans l’histoire courte Les cavaliers de l’apocadispe passent une journée nulle, le titre s’explique par le fait que malgré toutes leurs tentatives (« Cette fois, on va bien s’appliquer », dit Ludo, «Allez ! On se concentre ! » lui répond Jé, parlant de leurs efforts pour s’amuser. S’appliquer pour s’amuser, admirons le sens du dialogue de Libon), ils n’arrivent pas à se sortir de l’esprit que c’est leur dernier jour de vacances. Dans la page de présentation intitulée Dans la tête de Libon, celui-ci, à propos de la « zone hippocritique », parle de ses fameuses ellipses narratives (qui ne doivent pas être trop nombreuses pour ne « pas perdre les plus jeunes lecteurs »), mais surtout attire l’attention sur le fait que « Un de mes éditeurs-qui se reconnaîtra s'il est encore en état de lire le journal-m'a toujours reproché de faire les pupilles des yeux de mes personnages trop petites. Le petit point noir dans l'œil, si vous préférez. Il trouvait que ça nuisait à l'efficacité. J'ai toujours combattu cette idée, ce qui ne l'empêche pas de me tanner avec ça depuis facilement 20 ans» et que «Quand je faisais Animal Lecteur avec Salma, il me reprochait de ne pas dessiner tous les petits gags rigolos dont il truffait chaque case dans le scénario. » Libon a eu raison de refuser, il n’est pas Franquin, dessinateur animiste dont chacun des multiples détails dont il truffait ses dessins semblait prendre vie, ni Fabrice Erre, dont le dessin est lui aussi plein de détails amusants incongrus (parmis les objets qui volent partout lorsque les Fabrice défoncent la porte d’enthousiasme dans leur Édito de retour cette semaine, on distingue un bonnet de Schtroumpfs...), ni Nob, dont les détails sont chez lui signifiants (l’affiche de Mireille l’abeille dans la chambre de Bébérénice). Chez lui, tout est conçu en fonction d’un unique niveau narratif, le plus percutant, et tout y concourt, dialogues et mise en scène, on l’a vu, mais aussi pas de détails qui pourraient en distraire, et attention portée au coeur et acteurs de l’action, en l’occurence les personnages importants, tracés à traits épais et noir, alors que tout le reste l’est d’un trait clair, et donc de toutes petites pupilles dans de gros yeux pour en faire ressortir la blancheur (ou le vert clair des lunettes de Ludo) qui donne de la luminosité et de la vivacité aux visages qui eux sont assez ramassés (les traits noirs épais, donc) : un contraste très expressif. Bouzard a aussi réalisé une histoire courte, La nuit d’avant, où il se représente enfant dans un cauchemard de veille de rentrée, allant à l’école en pantalon de pyjama, poursuivi par une horde de barbares. Un des intérêts d’un magazine de BD est d’y publier des histoires courtes où les auteurs peuvent essayer de nouvelles techniques, comme ici, où Bouzard a dessiné les hirondelles bavardant avec le jeune Bouzard directement en grandes taches de couleurs, sans traits délimitants.
Si la rentrée n’enthousiasme ni Les cavaliers ni le petit Bouzard, en revanche, la vampire de Manoir à louer, pour laquelle l'école a été une série de tortures au sens propre, estime que cela lui a fait comprendre comment fonctionnait l’humanité. On retrouve bien là la méfiance de Lewis Trondheim envers l’humanisme de façade. Point de vue proche, mais version joyeuse dans Pernille, les enfants barbares et monstres se réjouissent naturellement de la rentrée, où ils vont pouvoir de nouveau se battre avec leurs camarades, et dans L’épée de bois, l’école où l’on apprend à devenir tueur de dragon (qui ici sont échappés d’une nouvelle version de Pokémon) n’est bien entendu pas non plus une partie de plaisir. Ceci dit, si dans les écoles des mondes enchantés la violence est une école de vie, l’étude de l’histoire humaine récente, le XXe siècle, dans Une nouvelle année au lycée, une page du blog de Fabrice Erre, qui est professeur d’histoire derrière son avatar d’éditorialiste, elle, désenchanterait plutôt les élèves. Comme l’an dernier à la même époque, Spirou publie des gags des Jumelles de Rizbo. Avec ce rithme de parution, il faudrait une quarantaine d’années pour prépublier l’équivalent d’un album. J’espère que l’on reverra plus tôt des pages de ce dessinateur dont le style de dessin comme l'humour décalé pourrait venir du Psikopat, et dont le père des jumelles fait partie des de plus en plus nombreux personnages de BD quarantenaires contemporains vêtus d’un chandail marin, à rayures bleu et blanche.
Un autre avantage d’un magazine de BD tout public, qui contient de nombreux types de personnages, on y voit que ce n’est pas la rentrée que pour les enfants : chez les vieux, on apprend que ni Gary C. Neel le cow-boy ni Brad Rock le chercheur d’or ne sont allés à l’école, tous deux essayant du moins de se rattraper, sans succès, quant au capitaine de Titan inc., l’école lui a été un traumatisme qui expliquerait son incompétence actuelle, et Greg, lui, prépare son sac avec des armes pour rentrer dans sa start-up de zombies dans Working dead. Enfin, le collègien le plus fameux du journal est lui aussi présent, mais uniquement par une publicité, et bien étrange en vérité, pour un roman le concernant, écrit par Théo Grosjean, présenté comme « l’auteur de L’homme le plus flippé du monde ». Certes, cette série a eu du succès, au point d’être adaptée en dessin animé, mais elle ne s’adresse pas du tout au même public que les lecteurs potentiels de ce roman, lisible, dit la pub, « dès 9 ans ». La publicité s’adresse donc à des parents lecteurs de L’homme le plus flippé du monde plus que d’Elliot au collège bien qu'ils lisent Spirou, et qui voudraient que leurs enfants se mettent à lire des romans...Quant aux sœurs Grémillet, si elles sont en âge d’aller à l’école même si on ne les y voit pas beaucoup, leur nouvelle histoire est annoncée dans En direct du futur, mais il n’y est pas signalé qu’elles aussi sont dorénavant également des personnages de romans, avec déjà deux livres parus.
En dehors des séries, c’est la rentrée pour le magazine lui-même, avec les Fabrice de retour dans L’édito (qui doutait qu’ils allaient revenir?), et ils sont qui plus est dorénavant en charge de l’illustration de la rubrique L’abonné de la semaine, tâche dont ils se délestent aussitôt (on connaît leur ardeur de façade à l’ouvrage), le retour d’En direct de la rédac, qui publie du courrier des lecteurs, cette semaine, pour la forme, en reproduisant des phylactères de réseaux sociaux. Autre nouveauté, 3 infos 2 vraies 1 fausse se présente maintenant sous une forme rédactionnelle, illustrée par Bercovici. Enfin, les Jeux de Pauline Casters mettent en scène Les cavaliers de l’apocadispe le jour de la rentrée, et le supplément abonnés consiste en des étiquettes de cahiers de personnages du journal.
Les autres séries de gags ne concernent pas le thème du numéro, comme ceux de La pause-cartoon (une réponse dans le courrier des lecteurs nous rappelle, ainsi qu’a son auteur, que cela fait près de trente ans que Lécroart réalise des Fifiches du Proprofesseur, mais le rédacteur en chef ne semble pas enthousiaste à l’idée d’un numéro anniversaire. On verra l’an prochain ce qu’il en sera). Dans Dad, Nob a cédé à la facilité en faisant dire à Bébérénice de la feuille qu'elle montre à Dad qu’elle n’a pas dessiné mais écrit, alors que les jeunes enfants n’écrivent pas, ils ne font que dessiner, qu’il s’agisse de personnages, d’objets ou de lettres, comme le font les calligraphes et les dessinateurs de BD. Alors qu’en modifiant à peine le dialogue, par exemple « -Ah, bravo, il sont jolis tes meubles (ou oiseaux, ou autre). -Cé pa dé meuble, cé dé letres -Des lettres ? Heu...» (orthographe originale de Bébérénice), le gag aurait été plus sensible et plus drôle.
Trois histoires (à suivre), dont le sixième et dernier chapitre du Spirou et Fantasio de Trondheim et Tarrin. Je passe sur le fait sur le fait qu’un Spirou sans Spip n’est pas un Spirou, et que, comme dans El Diablo, qu’il a aussi scénarisé,Trondheim met le Marsupilami hors service en le blessant, durant quelques pages dans El Diablo, et pratiquement la moitié de l’histoire, jusqu’à la fin, ici. Le considère-t-il comme un outil trop puissant ? Toujours est-il qu’il n’aura servi pratiquement qu’à quelques gags et fausses pistes, son utilité pour les héros ne dépassant pas ce qu’aurait pû faire Spip, et du coup, on comprend mieux l’absence de celui-ci, qui aurait fait double emploi. Trondheim aime s’imposer des contraintes, peut-être est-ce pour cela qu’il avait fait son précédent Spirou, sur dessins de Parme, quasi en huis-clos, et situé dans les années 60, et s’est imposé les mêmes contraintes ici. Malheureusement, Tarrin n’est pas un dessinateur de rocailles, un des plus désolants exemples en étant la grande case de la dernière planche, où la perspective est si peu maitrisée qu’elle me met mal à l’aise, j’ai l’impression d’être devant un dessin d’Escher. Mais le principal reproche que je ferai à cette histoire est qu'elle n’est pratiquement qu’un jeu de fausses pistes et de faux semblants. C’est certainement la morale de l’histoire, ne pas se fier aux apparences, mais bâtie ainsi, elle est trop légère et n’a pas de densité, à cause du temps perdu à ces jeux scénaristiques faciles, paradoxalement pour cette histoire d'excavations dans des grottes, ni le dessin ni le scénario ne sont assez creusés, et ont manqué des enjeux à peine esquissés, comme comment transformer un duo de héro en trio : Fantasio est réduit au rôle de faire valoir comique, et Spirou est mis artificiellement en retrait pour faire de la place à Seccotine : son air horrifié de boy-scout niais lorsqu’il dit « Vous...Vous me demander de mentir ? » renvoit aux pires moments du Spirou de Bravo. Reste une histoire sympathique, dans un cadre original pour Spirou et Fantasio, et peu exigeante. Le point fort est les personnages un peu plus complexes, Seccotine et Rodrigo (que Trondheim avait présenté comme un raciste intolérant, mais qui s’est révélé le plus franc et honnête de tous. Je n’en tirerai pas de conclusion. Suite de Champignac, qui se retrouve à tutoyer le jeune et beau Feynman, comme il le fait pour Blair, alors qu’il vouvoie Spirou, Fantasio, Zorglub, ses confrères scientifiques. Là encore, pas de conclusion. Après avoir inventé la pillule contraceptive dans l’histoire précédente, il invente maintenant l’ordinateur : Champignac, c’est Rahan, sauf que ce dernier a inventé des objets libres de droit, ses auteurs Lecureux et Chéret ne lui ont pas attribué des inventions d’autrui. Deuxième chapitre de Louca, dans une construction très stimulante et prenante : l’essentiel de l’histoire ne sera à priori que les dernières minutes du match de qualification pour la finale, que l’équipe de Louca a gagné, et pour rendre crédible cette dilatation du temps, constituée de dialogues et d’exploits sportifs, Bruno Dequier l’a mise en flash-back, intercalant des passages de la conférence de presse qui suit le match, apportant au fur et à mesure qu’on le suit un autre regard dessus.
Enfin, Spirou et moi est consacré à Pixel Vengeur, présenté, modestie de la part du rédacteur ?, comme le dessinateur de Gai-Luron et de Hellfest, alors que dans Spirou même il a été un des pilliers de La balise à cartoons, le dessinateur de Hapines, une série égyptienne délirante où le scénariste Zidrou s’amusait à repousser les limites de ce qui était acceptable érotiquement dans Spirou, ou encore du Professeur Foldogon avec Thiriet, dont l’un des derniers dossiers concernait le... deathfest. Bizarrement, le rédacteur lui dit que Gai-Luron aurait sa place dans Spirou, Pixel Vengeur lui rappelant qu’il a été créé dans Pif par Gotlib. Pixel Vengeur a eu, pour tout amateur de BD, une enfance de rêve, puisque son père était inspecteur des ventes chez Hachette et avait donc accès gratuitement à toute la presse. Dans la demi planche de Pixel Vengeur, il se représente sous son avatar de bébé tapir nageant jusqu’à en être submergé dans des vagues de Pif gadget, Spirou, Tintin, Pilote, Fluide glacial, Métal hurlant, L’écho des savanes, Charlie hebdo, Hara Kiri, Le Psikopat, etc., le résultat dit-il étant que son style graphique, très maléable, est une grosse digestion de tout cela (avec une prédominance de Gotlib).
Ici un aperçu du numéro: https://www.spirou.com/bonne-rentree/
Un numéro spécial Retour de vacances, qui a beau souhaiter une bonne rentrée, la plupart des histoires sur ce sujet se passent avant la rentrée, que ce soit le dernier jour des vacances ou sur le chemin de l’école. Quoi qu’il en soit, cette perspective n’enchante pas Les cavaliers de l’apocadispe qu’on voit sur la couverture, bien que jouant dans un environnement bucolique aux habituels bleus et verts tendres de Libon, avoir l’air maussade, Olive, le plus sensible, pleurant même dans son coin qui est aussi, nouvelle occasion d’admirer la maîtrise dont fait preuve Libon en composant ses images, un de ceux de la couverture. Dans l’histoire courte Les cavaliers de l’apocadispe passent une journée nulle, le titre s’explique par le fait que malgré toutes leurs tentatives (« Cette fois, on va bien s’appliquer », dit Ludo, «Allez ! On se concentre ! » lui répond Jé, parlant de leurs efforts pour s’amuser. S’appliquer pour s’amuser, admirons le sens du dialogue de Libon), ils n’arrivent pas à se sortir de l’esprit que c’est leur dernier jour de vacances. Dans la page de présentation intitulée Dans la tête de Libon, celui-ci, à propos de la « zone hippocritique », parle de ses fameuses ellipses narratives (qui ne doivent pas être trop nombreuses pour ne « pas perdre les plus jeunes lecteurs »), mais surtout attire l’attention sur le fait que « Un de mes éditeurs-qui se reconnaîtra s'il est encore en état de lire le journal-m'a toujours reproché de faire les pupilles des yeux de mes personnages trop petites. Le petit point noir dans l'œil, si vous préférez. Il trouvait que ça nuisait à l'efficacité. J'ai toujours combattu cette idée, ce qui ne l'empêche pas de me tanner avec ça depuis facilement 20 ans» et que «Quand je faisais Animal Lecteur avec Salma, il me reprochait de ne pas dessiner tous les petits gags rigolos dont il truffait chaque case dans le scénario. » Libon a eu raison de refuser, il n’est pas Franquin, dessinateur animiste dont chacun des multiples détails dont il truffait ses dessins semblait prendre vie, ni Fabrice Erre, dont le dessin est lui aussi plein de détails amusants incongrus (parmis les objets qui volent partout lorsque les Fabrice défoncent la porte d’enthousiasme dans leur Édito de retour cette semaine, on distingue un bonnet de Schtroumpfs...), ni Nob, dont les détails sont chez lui signifiants (l’affiche de Mireille l’abeille dans la chambre de Bébérénice). Chez lui, tout est conçu en fonction d’un unique niveau narratif, le plus percutant, et tout y concourt, dialogues et mise en scène, on l’a vu, mais aussi pas de détails qui pourraient en distraire, et attention portée au coeur et acteurs de l’action, en l’occurence les personnages importants, tracés à traits épais et noir, alors que tout le reste l’est d’un trait clair, et donc de toutes petites pupilles dans de gros yeux pour en faire ressortir la blancheur (ou le vert clair des lunettes de Ludo) qui donne de la luminosité et de la vivacité aux visages qui eux sont assez ramassés (les traits noirs épais, donc) : un contraste très expressif. Bouzard a aussi réalisé une histoire courte, La nuit d’avant, où il se représente enfant dans un cauchemard de veille de rentrée, allant à l’école en pantalon de pyjama, poursuivi par une horde de barbares. Un des intérêts d’un magazine de BD est d’y publier des histoires courtes où les auteurs peuvent essayer de nouvelles techniques, comme ici, où Bouzard a dessiné les hirondelles bavardant avec le jeune Bouzard directement en grandes taches de couleurs, sans traits délimitants.
Si la rentrée n’enthousiasme ni Les cavaliers ni le petit Bouzard, en revanche, la vampire de Manoir à louer, pour laquelle l'école a été une série de tortures au sens propre, estime que cela lui a fait comprendre comment fonctionnait l’humanité. On retrouve bien là la méfiance de Lewis Trondheim envers l’humanisme de façade. Point de vue proche, mais version joyeuse dans Pernille, les enfants barbares et monstres se réjouissent naturellement de la rentrée, où ils vont pouvoir de nouveau se battre avec leurs camarades, et dans L’épée de bois, l’école où l’on apprend à devenir tueur de dragon (qui ici sont échappés d’une nouvelle version de Pokémon) n’est bien entendu pas non plus une partie de plaisir. Ceci dit, si dans les écoles des mondes enchantés la violence est une école de vie, l’étude de l’histoire humaine récente, le XXe siècle, dans Une nouvelle année au lycée, une page du blog de Fabrice Erre, qui est professeur d’histoire derrière son avatar d’éditorialiste, elle, désenchanterait plutôt les élèves. Comme l’an dernier à la même époque, Spirou publie des gags des Jumelles de Rizbo. Avec ce rithme de parution, il faudrait une quarantaine d’années pour prépublier l’équivalent d’un album. J’espère que l’on reverra plus tôt des pages de ce dessinateur dont le style de dessin comme l'humour décalé pourrait venir du Psikopat, et dont le père des jumelles fait partie des de plus en plus nombreux personnages de BD quarantenaires contemporains vêtus d’un chandail marin, à rayures bleu et blanche.
Un autre avantage d’un magazine de BD tout public, qui contient de nombreux types de personnages, on y voit que ce n’est pas la rentrée que pour les enfants : chez les vieux, on apprend que ni Gary C. Neel le cow-boy ni Brad Rock le chercheur d’or ne sont allés à l’école, tous deux essayant du moins de se rattraper, sans succès, quant au capitaine de Titan inc., l’école lui a été un traumatisme qui expliquerait son incompétence actuelle, et Greg, lui, prépare son sac avec des armes pour rentrer dans sa start-up de zombies dans Working dead. Enfin, le collègien le plus fameux du journal est lui aussi présent, mais uniquement par une publicité, et bien étrange en vérité, pour un roman le concernant, écrit par Théo Grosjean, présenté comme « l’auteur de L’homme le plus flippé du monde ». Certes, cette série a eu du succès, au point d’être adaptée en dessin animé, mais elle ne s’adresse pas du tout au même public que les lecteurs potentiels de ce roman, lisible, dit la pub, « dès 9 ans ». La publicité s’adresse donc à des parents lecteurs de L’homme le plus flippé du monde plus que d’Elliot au collège bien qu'ils lisent Spirou, et qui voudraient que leurs enfants se mettent à lire des romans...Quant aux sœurs Grémillet, si elles sont en âge d’aller à l’école même si on ne les y voit pas beaucoup, leur nouvelle histoire est annoncée dans En direct du futur, mais il n’y est pas signalé qu’elles aussi sont dorénavant également des personnages de romans, avec déjà deux livres parus.
En dehors des séries, c’est la rentrée pour le magazine lui-même, avec les Fabrice de retour dans L’édito (qui doutait qu’ils allaient revenir?), et ils sont qui plus est dorénavant en charge de l’illustration de la rubrique L’abonné de la semaine, tâche dont ils se délestent aussitôt (on connaît leur ardeur de façade à l’ouvrage), le retour d’En direct de la rédac, qui publie du courrier des lecteurs, cette semaine, pour la forme, en reproduisant des phylactères de réseaux sociaux. Autre nouveauté, 3 infos 2 vraies 1 fausse se présente maintenant sous une forme rédactionnelle, illustrée par Bercovici. Enfin, les Jeux de Pauline Casters mettent en scène Les cavaliers de l’apocadispe le jour de la rentrée, et le supplément abonnés consiste en des étiquettes de cahiers de personnages du journal.
Les autres séries de gags ne concernent pas le thème du numéro, comme ceux de La pause-cartoon (une réponse dans le courrier des lecteurs nous rappelle, ainsi qu’a son auteur, que cela fait près de trente ans que Lécroart réalise des Fifiches du Proprofesseur, mais le rédacteur en chef ne semble pas enthousiaste à l’idée d’un numéro anniversaire. On verra l’an prochain ce qu’il en sera). Dans Dad, Nob a cédé à la facilité en faisant dire à Bébérénice de la feuille qu'elle montre à Dad qu’elle n’a pas dessiné mais écrit, alors que les jeunes enfants n’écrivent pas, ils ne font que dessiner, qu’il s’agisse de personnages, d’objets ou de lettres, comme le font les calligraphes et les dessinateurs de BD. Alors qu’en modifiant à peine le dialogue, par exemple « -Ah, bravo, il sont jolis tes meubles (ou oiseaux, ou autre). -Cé pa dé meuble, cé dé letres -Des lettres ? Heu...» (orthographe originale de Bébérénice), le gag aurait été plus sensible et plus drôle.
Trois histoires (à suivre), dont le sixième et dernier chapitre du Spirou et Fantasio de Trondheim et Tarrin. Je passe sur le fait sur le fait qu’un Spirou sans Spip n’est pas un Spirou, et que, comme dans El Diablo, qu’il a aussi scénarisé,Trondheim met le Marsupilami hors service en le blessant, durant quelques pages dans El Diablo, et pratiquement la moitié de l’histoire, jusqu’à la fin, ici. Le considère-t-il comme un outil trop puissant ? Toujours est-il qu’il n’aura servi pratiquement qu’à quelques gags et fausses pistes, son utilité pour les héros ne dépassant pas ce qu’aurait pû faire Spip, et du coup, on comprend mieux l’absence de celui-ci, qui aurait fait double emploi. Trondheim aime s’imposer des contraintes, peut-être est-ce pour cela qu’il avait fait son précédent Spirou, sur dessins de Parme, quasi en huis-clos, et situé dans les années 60, et s’est imposé les mêmes contraintes ici. Malheureusement, Tarrin n’est pas un dessinateur de rocailles, un des plus désolants exemples en étant la grande case de la dernière planche, où la perspective est si peu maitrisée qu’elle me met mal à l’aise, j’ai l’impression d’être devant un dessin d’Escher. Mais le principal reproche que je ferai à cette histoire est qu'elle n’est pratiquement qu’un jeu de fausses pistes et de faux semblants. C’est certainement la morale de l’histoire, ne pas se fier aux apparences, mais bâtie ainsi, elle est trop légère et n’a pas de densité, à cause du temps perdu à ces jeux scénaristiques faciles, paradoxalement pour cette histoire d'excavations dans des grottes, ni le dessin ni le scénario ne sont assez creusés, et ont manqué des enjeux à peine esquissés, comme comment transformer un duo de héro en trio : Fantasio est réduit au rôle de faire valoir comique, et Spirou est mis artificiellement en retrait pour faire de la place à Seccotine : son air horrifié de boy-scout niais lorsqu’il dit « Vous...Vous me demander de mentir ? » renvoit aux pires moments du Spirou de Bravo. Reste une histoire sympathique, dans un cadre original pour Spirou et Fantasio, et peu exigeante. Le point fort est les personnages un peu plus complexes, Seccotine et Rodrigo (que Trondheim avait présenté comme un raciste intolérant, mais qui s’est révélé le plus franc et honnête de tous. Je n’en tirerai pas de conclusion. Suite de Champignac, qui se retrouve à tutoyer le jeune et beau Feynman, comme il le fait pour Blair, alors qu’il vouvoie Spirou, Fantasio, Zorglub, ses confrères scientifiques. Là encore, pas de conclusion. Après avoir inventé la pillule contraceptive dans l’histoire précédente, il invente maintenant l’ordinateur : Champignac, c’est Rahan, sauf que ce dernier a inventé des objets libres de droit, ses auteurs Lecureux et Chéret ne lui ont pas attribué des inventions d’autrui. Deuxième chapitre de Louca, dans une construction très stimulante et prenante : l’essentiel de l’histoire ne sera à priori que les dernières minutes du match de qualification pour la finale, que l’équipe de Louca a gagné, et pour rendre crédible cette dilatation du temps, constituée de dialogues et d’exploits sportifs, Bruno Dequier l’a mise en flash-back, intercalant des passages de la conférence de presse qui suit le match, apportant au fur et à mesure qu’on le suit un autre regard dessus.
Enfin, Spirou et moi est consacré à Pixel Vengeur, présenté, modestie de la part du rédacteur ?, comme le dessinateur de Gai-Luron et de Hellfest, alors que dans Spirou même il a été un des pilliers de La balise à cartoons, le dessinateur de Hapines, une série égyptienne délirante où le scénariste Zidrou s’amusait à repousser les limites de ce qui était acceptable érotiquement dans Spirou, ou encore du Professeur Foldogon avec Thiriet, dont l’un des derniers dossiers concernait le... deathfest. Bizarrement, le rédacteur lui dit que Gai-Luron aurait sa place dans Spirou, Pixel Vengeur lui rappelant qu’il a été créé dans Pif par Gotlib. Pixel Vengeur a eu, pour tout amateur de BD, une enfance de rêve, puisque son père était inspecteur des ventes chez Hachette et avait donc accès gratuitement à toute la presse. Dans la demi planche de Pixel Vengeur, il se représente sous son avatar de bébé tapir nageant jusqu’à en être submergé dans des vagues de Pif gadget, Spirou, Tintin, Pilote, Fluide glacial, Métal hurlant, L’écho des savanes, Charlie hebdo, Hara Kiri, Le Psikopat, etc., le résultat dit-il étant que son style graphique, très maléable, est une grosse digestion de tout cela (avec une prédominance de Gotlib).