Re: Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...
Posté : dim. 27 avr. 2025 22:40
Numéro 4537 du 26/03/2025
Ici un aperçu du numéro (du moins, de la couverture, parce qu’ils se sont plantés sur le contenu, et ont mis celui d’un numéro antérieur): https://www.spirou.com/comme-un-air-de-printemps/
Un numéro intitulé Comme un air de printemps, sous une couverture plus que baroque (entendre illusionniste, le croâ du corbeau utilisant astucieusement le RO de Spirou), disons d’un dessin maniériste d’Olivier Schwartz, à la fois caricatural (l’expression des personnages, de Spirou au Marsupilami en passant par les oiseaux) et d’observation (le réalisme des oiseaux ou des mains et pieds du Marsupilami), déséquilibré (la position de Spirou ou du canard) et posé (la composition générale), et référencé (la queue du Marsupilami rappelant les agrès sur lesquels s’assemblent les corbeaux dans Les oiseaux d’Hitchcock). L’histoire courte (quatre pages), simplement intitulée le Marsu, par Lewis Trondheim et Olivier Schwartz (couleurs Brigitte Findakly) s’inscrit dans la série du Marsupilami copinant avec les autres animaux plutôt qu’avec les humains, chez qui il se révèle catastrophique. Mais il s’y montre moins malin qu’à l’habitude, affichant même un regard éteint dans quelques cases, expression inédite pour lui. Suit un absurde Tuto dessiné du Marsupilami par le « maestro Fantasio », Schwartz est à son meilleur quand, comme ici, il part en roue libre, revendiquant et subvertissant à la fois les références de son dessin.
Les Jeux de Rich et Frédéric Antoine sont aussi consacrés à un marsupilami qui « sème la pagaille », les Fabrice de L’édito font une de leurs crises de jalousie récurente à l’égard d’un personnage célèbre, et Le bon d’abonnement de Cromheecke et Thiriet met aussi en scène un marsupilami, fort civil celui-ci.
Sept pages de pub (en partie déguisée) dans ce numéro : pour Trésor (prépublié dans Spirou), pour Aylin, au Lombard, et enfin, une page de pub pour deux albums d’une nouvelle série jeunesse chez Dupuis, elle aussi au style graphique global manga (les grands yeux avec reflets remplaçant les gros nez, un code chasse l’autre), elle aussi avec une héroïne (volonté manifeste de renverser de force des décennies de domination de personnages principaux masculins), Les mondes perdus, de Aucha, Lemaux et F. Kaori (nouveaux auteurices), qui est suivie de ce qui est présenté comme une histoire courte complète, le mot fin y étant placardé en bas de la dernière planche, mais les personnages et les situations débarquent de nulle part, et la « fin » n’a aucun sens, puisque c’est juste un extrait de ces albums, comme publicité ne disant pas son nom. Stratégie commerciale étrange : qui ces planches incompréhensibles hors contexte vont-elles attirer? Le format Tik-tok ne fonctionne pas ici, et ces imbéciles de marketeux, plutôt que de faire du jeunisme à côté de la plaque, aurait mieux fait de mettre un (à suivre dans l’album) ou un code QR à la place de la pancarte « fin », c’aurait été plus efficace. Ceci dit, cette pratique aux confins de l’honnêteté éditoriale n’est pas nouvelle : l’histoire Les pirates de la stratosphère, dont Spirou publie justement le remake par Walthéry en ce moment-même, ne faisait que 36 pages, et des extraits d’autres histoires de L’ Épervier bleu (et même une page de Baden Powell, de Jijé) ont été ajoutées pour compléter l’album…
Dans cette Chanson d’avril donc, Walthéry reprend le design du « porte-avions de l ’espace » imaginé par Sirius 75 ans auparavant, le style paquebot (ou streamline) gardant toute sa puissance graphique. Par contre, il accentue l’aspect savant fou du méchant, le représentant échevelé, lui donnant une gestuelle bien plus grandiloquente que l’original, noircissant son trench-coat à rabats pour le faire ressembler à une robe de sorcier comme Gargamel, là où Sirius le lui avait fait vert, avec un visage quasi aryen, y compris une mèche blonde sur le front, et à l’inverse il fait du second de la bande de pirates de l'air, qui se révèle traitre, un ancien nazi. Suite de l’histoire des sœurs Grémillet Le dragon d’or (une nouveauté dans la maquette du magazine: pour une raison que je ne m’explique pas, le titre de l’histoire n’est plus indiqué au dessus de l’histoire mais seulement dans le sommaire), pour laquelle est dorénavant précisé « scénario de Giovanni Di Gregorio avec la collaboration d’Alessandro Barbucci » (une raison contractuelle doit imposer cette nuance avec "scénario de X et Y"). Ce chapitre s’ouvre sur une pure séquence d’heroic fantasy, avec quête, guerrières (les trois sœurs) et monstre des marais, scène qui constitue en fait le début de la nouvelle qu’écrit Cassiopée pour un concours organisé par une librairie salon de thé comme il n’en existe plus guère en France. Toujours la double narration, avec interactions entre les deux niveaux, chacun éclairant l’autre. Coïncidence, le capitaine de Titan Inc. s’essaie lui aussi à l’écriture (comme le personnage de Manu Boisteau dans sa série chez Casterman), visant lui uniquement le succès commercial, mais le résultat est catastrophique. Olivier Bocquet, Brice Cossu et Yoann Guillo renouvellent un motif des plus classiques (pénétrer dans un site ultra protégé) en poussant avec humour la logique de leurs personnages (humains préhistoriques face à la technologie). C’est par ailleurs le scénariste Olivier Bocquet l’invité de Bienvenue dans ma bibliothèque, on y apprend qu’en tant qu’ancien sélectionneur pour le festival d’Angoulême, il a reçu des centaines de BD annuellement, d’où son impressionnante bibliothèque, sur la photo de laquelle sont mis en avant deux ouvrages québécois, dont un scénarisé par Véro Cazot, et le très drôle Conquête du cosmos d’Alexandre Fontaine Rousseau et Francis Desharnais, ainsi que son goût pour les polars.
Pour le reste du magazine, deux pages de Capitaine Anchois, toujours dans l’humour absurde, mais recelant cette fois un solide bon sens concret, de la part du nerd Louis, « Il faut toujours se fier à l’avis de la population locale sur les bons restos, les conditions de circulation et les salles du trésor », Nob implique Dad dans un remake de Blade runner (une machine essayant de se faire passer pour humaine, avec des conséquences désastreuses pour les humains), et Midam, Benz, Adam et Angèle engagent la princesse de Game over dans une nouvelle version des cadeaux explosifs du Schtroumpf farceur. Retour de Raowl, absent depuis novembre dernier, les Otaku de Nena et Maria-Praz s’attaquent de nouveau à la cuisine japonaise, avec toujours aussi peu de succès, et toujours dans le registre de la cuisine japonaise, l’annonce du retour de Tokyo Mystery Café dans le numéro 4542.
Enfin, les marges de nombreuses pages sont parsemées de petits points, rapellant les traces de pas de Gaston à ses débuts dans le magazine, mais des pigeons les picorant révèle qu’il doit s’agir de graines. (À suivre).
Ici un aperçu du numéro (du moins, de la couverture, parce qu’ils se sont plantés sur le contenu, et ont mis celui d’un numéro antérieur): https://www.spirou.com/comme-un-air-de-printemps/
Un numéro intitulé Comme un air de printemps, sous une couverture plus que baroque (entendre illusionniste, le croâ du corbeau utilisant astucieusement le RO de Spirou), disons d’un dessin maniériste d’Olivier Schwartz, à la fois caricatural (l’expression des personnages, de Spirou au Marsupilami en passant par les oiseaux) et d’observation (le réalisme des oiseaux ou des mains et pieds du Marsupilami), déséquilibré (la position de Spirou ou du canard) et posé (la composition générale), et référencé (la queue du Marsupilami rappelant les agrès sur lesquels s’assemblent les corbeaux dans Les oiseaux d’Hitchcock). L’histoire courte (quatre pages), simplement intitulée le Marsu, par Lewis Trondheim et Olivier Schwartz (couleurs Brigitte Findakly) s’inscrit dans la série du Marsupilami copinant avec les autres animaux plutôt qu’avec les humains, chez qui il se révèle catastrophique. Mais il s’y montre moins malin qu’à l’habitude, affichant même un regard éteint dans quelques cases, expression inédite pour lui. Suit un absurde Tuto dessiné du Marsupilami par le « maestro Fantasio », Schwartz est à son meilleur quand, comme ici, il part en roue libre, revendiquant et subvertissant à la fois les références de son dessin.
Les Jeux de Rich et Frédéric Antoine sont aussi consacrés à un marsupilami qui « sème la pagaille », les Fabrice de L’édito font une de leurs crises de jalousie récurente à l’égard d’un personnage célèbre, et Le bon d’abonnement de Cromheecke et Thiriet met aussi en scène un marsupilami, fort civil celui-ci.
Sept pages de pub (en partie déguisée) dans ce numéro : pour Trésor (prépublié dans Spirou), pour Aylin, au Lombard, et enfin, une page de pub pour deux albums d’une nouvelle série jeunesse chez Dupuis, elle aussi au style graphique global manga (les grands yeux avec reflets remplaçant les gros nez, un code chasse l’autre), elle aussi avec une héroïne (volonté manifeste de renverser de force des décennies de domination de personnages principaux masculins), Les mondes perdus, de Aucha, Lemaux et F. Kaori (nouveaux auteurices), qui est suivie de ce qui est présenté comme une histoire courte complète, le mot fin y étant placardé en bas de la dernière planche, mais les personnages et les situations débarquent de nulle part, et la « fin » n’a aucun sens, puisque c’est juste un extrait de ces albums, comme publicité ne disant pas son nom. Stratégie commerciale étrange : qui ces planches incompréhensibles hors contexte vont-elles attirer? Le format Tik-tok ne fonctionne pas ici, et ces imbéciles de marketeux, plutôt que de faire du jeunisme à côté de la plaque, aurait mieux fait de mettre un (à suivre dans l’album) ou un code QR à la place de la pancarte « fin », c’aurait été plus efficace. Ceci dit, cette pratique aux confins de l’honnêteté éditoriale n’est pas nouvelle : l’histoire Les pirates de la stratosphère, dont Spirou publie justement le remake par Walthéry en ce moment-même, ne faisait que 36 pages, et des extraits d’autres histoires de L’ Épervier bleu (et même une page de Baden Powell, de Jijé) ont été ajoutées pour compléter l’album…
Dans cette Chanson d’avril donc, Walthéry reprend le design du « porte-avions de l ’espace » imaginé par Sirius 75 ans auparavant, le style paquebot (ou streamline) gardant toute sa puissance graphique. Par contre, il accentue l’aspect savant fou du méchant, le représentant échevelé, lui donnant une gestuelle bien plus grandiloquente que l’original, noircissant son trench-coat à rabats pour le faire ressembler à une robe de sorcier comme Gargamel, là où Sirius le lui avait fait vert, avec un visage quasi aryen, y compris une mèche blonde sur le front, et à l’inverse il fait du second de la bande de pirates de l'air, qui se révèle traitre, un ancien nazi. Suite de l’histoire des sœurs Grémillet Le dragon d’or (une nouveauté dans la maquette du magazine: pour une raison que je ne m’explique pas, le titre de l’histoire n’est plus indiqué au dessus de l’histoire mais seulement dans le sommaire), pour laquelle est dorénavant précisé « scénario de Giovanni Di Gregorio avec la collaboration d’Alessandro Barbucci » (une raison contractuelle doit imposer cette nuance avec "scénario de X et Y"). Ce chapitre s’ouvre sur une pure séquence d’heroic fantasy, avec quête, guerrières (les trois sœurs) et monstre des marais, scène qui constitue en fait le début de la nouvelle qu’écrit Cassiopée pour un concours organisé par une librairie salon de thé comme il n’en existe plus guère en France. Toujours la double narration, avec interactions entre les deux niveaux, chacun éclairant l’autre. Coïncidence, le capitaine de Titan Inc. s’essaie lui aussi à l’écriture (comme le personnage de Manu Boisteau dans sa série chez Casterman), visant lui uniquement le succès commercial, mais le résultat est catastrophique. Olivier Bocquet, Brice Cossu et Yoann Guillo renouvellent un motif des plus classiques (pénétrer dans un site ultra protégé) en poussant avec humour la logique de leurs personnages (humains préhistoriques face à la technologie). C’est par ailleurs le scénariste Olivier Bocquet l’invité de Bienvenue dans ma bibliothèque, on y apprend qu’en tant qu’ancien sélectionneur pour le festival d’Angoulême, il a reçu des centaines de BD annuellement, d’où son impressionnante bibliothèque, sur la photo de laquelle sont mis en avant deux ouvrages québécois, dont un scénarisé par Véro Cazot, et le très drôle Conquête du cosmos d’Alexandre Fontaine Rousseau et Francis Desharnais, ainsi que son goût pour les polars.
Pour le reste du magazine, deux pages de Capitaine Anchois, toujours dans l’humour absurde, mais recelant cette fois un solide bon sens concret, de la part du nerd Louis, « Il faut toujours se fier à l’avis de la population locale sur les bons restos, les conditions de circulation et les salles du trésor », Nob implique Dad dans un remake de Blade runner (une machine essayant de se faire passer pour humaine, avec des conséquences désastreuses pour les humains), et Midam, Benz, Adam et Angèle engagent la princesse de Game over dans une nouvelle version des cadeaux explosifs du Schtroumpf farceur. Retour de Raowl, absent depuis novembre dernier, les Otaku de Nena et Maria-Praz s’attaquent de nouveau à la cuisine japonaise, avec toujours aussi peu de succès, et toujours dans le registre de la cuisine japonaise, l’annonce du retour de Tokyo Mystery Café dans le numéro 4542.
Enfin, les marges de nombreuses pages sont parsemées de petits points, rapellant les traces de pas de Gaston à ses débuts dans le magazine, mais des pigeons les picorant révèle qu’il doit s’agir de graines. (À suivre).