Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...

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heijingling
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Re: Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...

Message par heijingling »

Numéro 4537 du 26/03/2025

Ici un aperçu du numéro (du moins, de la couverture, parce qu’ils se sont plantés sur le contenu, et ont mis celui d’un numéro antérieur): https://www.spirou.com/comme-un-air-de-printemps/

Un numéro intitulé Comme un air de printemps, sous une couverture plus que baroque (entendre illusionniste, le croâ du corbeau utilisant astucieusement le RO de Spirou), disons d’un dessin maniériste d’Olivier Schwartz, à la fois caricatural (l’expression des personnages, de Spirou au Marsupilami en passant par les oiseaux) et d’observation (le réalisme des oiseaux ou des mains et pieds du Marsupilami), déséquilibré (la position de Spirou ou du canard) et posé (la composition générale), et référencé (la queue du Marsupilami rappelant les agrès sur lesquels s’assemblent les corbeaux dans Les oiseaux d’Hitchcock). L’histoire courte (quatre pages), simplement intitulée le Marsu, par Lewis Trondheim et Olivier Schwartz (couleurs Brigitte Findakly) s’inscrit dans la série du Marsupilami copinant avec les autres animaux plutôt qu’avec les humains, chez qui il se révèle catastrophique. Mais il s’y montre moins malin qu’à l’habitude, affichant même un regard éteint dans quelques cases, expression inédite pour lui. Suit un absurde Tuto dessiné du Marsupilami par le « maestro Fantasio », Schwartz est à son meilleur quand, comme ici, il part en roue libre, revendiquant et subvertissant à la fois les références de son dessin.
Les Jeux de Rich et Frédéric Antoine sont aussi consacrés à un marsupilami qui « sème la pagaille », les Fabrice de L’édito font une de leurs crises de jalousie récurente à l’égard d’un personnage célèbre, et Le bon d’abonnement de Cromheecke et Thiriet met aussi en scène un marsupilami, fort civil celui-ci.

Sept pages de pub (en partie déguisée) dans ce numéro : pour Trésor (prépublié dans Spirou), pour Aylin, au Lombard, et enfin, une page de pub pour deux albums d’une nouvelle série jeunesse chez Dupuis, elle aussi au style graphique global manga (les grands yeux avec reflets remplaçant les gros nez, un code chasse l’autre), elle aussi avec une héroïne (volonté manifeste de renverser de force des décennies de domination de personnages principaux masculins), Les mondes perdus, de Aucha, Lemaux et F. Kaori (nouveaux auteurices), qui est suivie de ce qui est présenté comme une histoire courte complète, le mot fin y étant placardé en bas de la dernière planche, mais les personnages et les situations débarquent de nulle part, et la « fin » n’a aucun sens, puisque c’est juste un extrait de ces albums, comme publicité ne disant pas son nom. Stratégie commerciale étrange : qui ces planches incompréhensibles hors contexte vont-elles attirer? Le format Tik-tok ne fonctionne pas ici, et ces imbéciles de marketeux, plutôt que de faire du jeunisme à côté de la plaque, aurait mieux fait de mettre un (à suivre dans l’album) ou un code QR à la place de la pancarte « fin », c’aurait été plus efficace. Ceci dit, cette pratique aux confins de l’honnêteté éditoriale n’est pas nouvelle : l’histoire Les pirates de la stratosphère, dont Spirou publie justement le remake par Walthéry en ce moment-même, ne faisait que 36 pages, et des extraits d’autres histoires de L’ Épervier bleu (et même une page de Baden Powell, de Jijé) ont été ajoutées pour compléter l’album…
Dans cette Chanson d’avril donc, Walthéry reprend le design du « porte-avions de l ’espace » imaginé par Sirius 75 ans auparavant, le style paquebot (ou streamline) gardant toute sa puissance graphique. Par contre, il accentue l’aspect savant fou du méchant, le représentant échevelé, lui donnant une gestuelle bien plus grandiloquente que l’original, noircissant son trench-coat à rabats pour le faire ressembler à une robe de sorcier comme Gargamel, là où Sirius le lui avait fait vert, avec un visage quasi aryen, y compris une mèche blonde sur le front, et à l’inverse il fait du second de la bande de pirates de l'air, qui se révèle traitre, un ancien nazi. Suite de l’histoire des sœurs Grémillet Le dragon d’or (une nouveauté dans la maquette du magazine: pour une raison que je ne m’explique pas, le titre de l’histoire n’est plus indiqué au dessus de l’histoire mais seulement dans le sommaire), pour laquelle est dorénavant précisé « scénario de Giovanni Di Gregorio avec la collaboration d’Alessandro Barbucci » (une raison contractuelle doit imposer cette nuance avec "scénario de X et Y"). Ce chapitre s’ouvre sur une pure séquence d’heroic fantasy, avec quête, guerrières (les trois sœurs) et monstre des marais, scène qui constitue en fait le début de la nouvelle qu’écrit Cassiopée pour un concours organisé par une librairie salon de thé comme il n’en existe plus guère en France. Toujours la double narration, avec interactions entre les deux niveaux, chacun éclairant l’autre. Coïncidence, le capitaine de Titan Inc. s’essaie lui aussi à l’écriture (comme le personnage de Manu Boisteau dans sa série chez Casterman), visant lui uniquement le succès commercial, mais le résultat est catastrophique. Olivier Bocquet, Brice Cossu et Yoann Guillo renouvellent un motif des plus classiques (pénétrer dans un site ultra protégé) en poussant avec humour la logique de leurs personnages (humains préhistoriques face à la technologie). C’est par ailleurs le scénariste Olivier Bocquet l’invité de Bienvenue dans ma bibliothèque, on y apprend qu’en tant qu’ancien sélectionneur pour le festival d’Angoulême, il a reçu des centaines de BD annuellement, d’où son impressionnante bibliothèque, sur la photo de laquelle sont mis en avant deux ouvrages québécois, dont un scénarisé par Véro Cazot, et le très drôle Conquête du cosmos d’Alexandre Fontaine Rousseau et Francis Desharnais, ainsi que son goût pour les polars.

Pour le reste du magazine, deux pages de Capitaine Anchois, toujours dans l’humour absurde, mais recelant cette fois un solide bon sens concret, de la part du nerd Louis, « Il faut toujours se fier à l’avis de la population locale sur les bons restos, les conditions de circulation et les salles du trésor », Nob implique Dad dans un remake de Blade runner (une machine essayant de se faire passer pour humaine, avec des conséquences désastreuses pour les humains), et Midam, Benz, Adam et Angèle engagent la princesse de Game over dans une nouvelle version des cadeaux explosifs du Schtroumpf farceur. Retour de Raowl, absent depuis novembre dernier, les Otaku de Nena et Maria-Praz s’attaquent de nouveau à la cuisine japonaise, avec toujours aussi peu de succès, et toujours dans le registre de la cuisine japonaise, l’annonce du retour de Tokyo Mystery Café dans le numéro 4542.
Enfin, les marges de nombreuses pages sont parsemées de petits points, rapellant les traces de pas de Gaston à ses débuts dans le magazine, mais des pigeons les picorant révèle qu’il doit s’agir de graines. (À suivre).
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heijingling
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Message par heijingling »

Numéro 4538 du 02/04/2025

Ici un aperçu du numéro: https://www.spirou.com/mi-mouche-monte-sur-le-ring/
https://www.spirou.com/mi-mouche-la-nou ... de-spirou/

Mi-mouche, une nouvelle série d’une nouvelle dessinatrice dans Spirou, Carole Maurel, qui comme signalé lors de sa présentation, a récemment réalisé une BD documentaire, Bobigny 1972, dans la vague de biographies BD sur Gisèle Halimi sorties dernièrement (3 en 3 ans ; serait-elle tombée dans le domaine public ?). Comme pour Les sœurs Grémillet, il s’agit d’une histoire de la génération manga, où une toute jeune fille va se révéler et se réaliser à travers une série d’épreuves et par sa volonté, par contre le style de dessin, semi réaliste en encrage de faux croquis, est lui assez éloigné du style global manga, en dehors de la forme des visages (assez proches et distingués surtout par la coiffure) et de l’expressivité des yeux, et, comme le montre l’illustration de couverture, un ring de boxe en semi pénombre avec une ombre immense surplombant la jeune héroïne, l’histoire en sera à priori bien plus dramatique, comme la plupart des films et BD traitant de boxe, de Big Ben Bolt de John Cullen Murphy à Ashita no Joe de Tetsuya Chiba et Asao Takamori (dont l’intéressante autobio du dessinateur paraît chez Vega, le label manga de Dupuis, sous le titre de Journal d’une vie tranquille) en passant par Tokyo fist, de Shinya Tsukamoto ou 100 yen love, de Masaharu Take (boxe féminine également), sans oublier Battling Butler de Buster Keaton, parmi ceux que je conseille. Un point fort est les couleurs, réalisées par la dessinatrice, où l’emploi parcimonieux mais judicieux de trames et les ombres aquarellées donnent d’emblée un ton particulier, sombre mais nuancé. Dans la page de présentation, on lit que la scénariste Véro Cazot a imaginé l’histoire, prometteuse selon les premières pages, sur base d’un unique dessin de Carole Maurel représentant une petite fille renfrognée en tenue de boxe (reproduit sur la page en lien ; cette anecdote se trouvait déjà dans l’annonce de la série dans le numéro 4535, et encore dans Bienvenue dans mon atelier, consacré à la dessinatrice ; les rédacteurs ont vraiment l’air d’y tenir...), elle a apparemment fait grandir un peu le personnage (l’héroïne à 14 ans), qui gagnera en intérêt romanesque ce que sa frimousse a perdu en kawaï.

Les Jeux de Nog sur La salle (de boxe) font eux dans le comique, avec la présence de M. Mégot du petit Spirou, de Raowl, et de quelques héroïnes de Spirou (elles sont dorénavant trop nombreuses pour y figurer toutes), tandis que les Fabrice de L’édito prennent le titre au sens propre.

Les sœurs Grémillet, elles, poursuivent leur quête, qui cette semaine entend montrer le pouvoir donné à ce qui savent lire et utiliser les signes, qu’il s’agisse des mots ou de ceux de la nature. En parlant de nature, les graines des marges du numéro précédent ont germé, et les parsèment de petites pousses vertes, essentiellement des dicotylédones visiblement, parmis lesquels les pigeons semblent interloqués. Les lecteurices aussi ? Mais il s’agit manifestement d’une mise en bouche pour le numéro spécial printemps de la semaine suivante, comme on le voit dans le dessin de Bercovici l’annonçant. Nature encore avec le Supplément abonné, un livret, Salade composée, de Cerq, scénariste dans Spirou, ici scénariste et dessinateur (il a cette double casquette pour des livres publiés au éditions Lapin, sous le principe du gag avec dessin identique de case en case), avec un dessin simplifié pour une histoire comique de discrimination entre fruits et légumes, quant à Pernille elle va en classe d’observation de la nature, et Gary C. Neel fait un pique-nique où il rencontre son ennemi juré (un raton laveur…)

Dans la suite de Natacha, celle-ci est contrainte de s’allier avec le savant fou, contre lequel se sont révoltés ses hommes, mené par son traitre de second, ancien nazi qui parsème ses phrases de sheisse et autre fräulein bobonne (en s’adressant à Natacha), alors que chez Sirius il n’avait d’autre particularité que de se nommer O’Kelly. De leur côté, Frnck et sa bande ont réussi à pénétrer dans la base ultra moderne protégée par des raptors, c’est ce genre de contrastes permanents qui font le sel de cette série.

Pour finir ce numéro, une Leçon de BD de Marko, qui donne des conseils sur l’efficacité narrative certes censés et nécessaires, mais peut-être pas pertinents dans le cas de cette planche assez onirique, qui a sa logique propre, même si moins immédiatement lisible. Une annonce d’un début de tournée du Cirque Spirou, au parc Spirou cette fois https://www.spirou.com/le-parc-spirou-fait-son-cirque/ , et enfin une pub pour une nouvelle série jeunesse chez Dupuis, non publiée dans Spirou, peut-être pour d’autres raisons que le manque de place : il s’agit d’une héroïne copie de Cat’s eyes, graphiquement comme dans le thème (sauf qu’il s’agit d’une lycéenne), et dont le nom est celui de la plus romanesque des sœurs Grémillet, Cassiopée.
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Message par heijingling »

Numéro 4539-40 du 09/04/2025

Ici un aperçu du numéro: https://www.spirou.com/un-printemps-en-enfer/

Lors de l’âge d’or des magazines BD, ceux-ci faisaient office de découvreurs et murisseurs de talents. Ce rôle n’existe plus, remplacé en partie techniquement par internet et économiquement par les albums. Toutefois, s’ils ne découvrent plus de talents, ils donnent une large exposition aux auteurs débutants comme confirmés, bien plus large que ne le font les albums (sauf exceptions), et surtout restent un vrai laboratoire de recherche de formes, ce qui est le plus visible dans un numéro comme celui-ci, où les pousses des marges des numéros précédents se sont épanouies en fleurs envahissant tout ce numéro double spécial printemps, depuis les marges elles entrent jusque dans les BD, et, de manière provocante pour un numéro de printemps d’habitude vu comme un renouveau de la vie, cette prolifération de fleurs est délibérément présentée comme une menace, avec une couverture titrée « un printemps en enfer ». Cela fait des années que Noël est vu sous le prisme de l’ironie, c’est maintenant à la deuxième thématique des Spirou spéciaux, pourtant loin des valeurs traditionnelles ou religieuses (cela fait longtemps que le Spirou spécial Pâques n’existe plus, remplacé par le spécial printemps) est déconstruite. Signe de temps où l’humour ne serait vraiment plus que la politesse du désespoir ? Exemplaires à ce titre sont les histoires courtes de Véronique Cazot et Benjamin Benéteau (nouveau venu comme dessinateur dans Spirou, où il est néanmoins présent depuis plus de 10 ans lors de publicités pour Michel Vaillant, dont il est le dessinateur, reconverti ici dans un syle comique), Flower power, où des hippies finissent par haïr le retour des fleurs pour lequel ils avaient milité, et celle de Seccotine par Renaud Collin et Damien Cerq annoncée en couverture, relativement longue (16 pages, mais réparties en tranches de 4 le long du numéro, par crainte de déséquilibrer le magazine? Mais cela accentue le suspense), où Seccotine enquête sur une invasion du pays par des fleurs, qui perturbent toute l’activité de celui-ci. Quel contraste avec, sur le même sujet, un monsieur Printemps par Wasterlain dans le numéro 2000 de Spirou, typique des années 70, qui semait magiquement des fleurs et détruisait la civilisation du béton et du profit au grand bonheur de la population, vaincu par les politiciens et les militaires. Ici, la population se plaint, et Seccotine, dans l’article qu’elle écrit en clotûre de l’histoire, qualifie ce « printemps 2025 de véritable enfer ». L’histoire elle joue le jeu de la Seccotine vraie reportrice, avec en point d’orgue l’article prétendûment écrit par elle en fin d’histoire, de la Seccotine ambitieuse prête à tout pour un scoop, voire le prix Albert Londres songe-t-elle, mais accentuent l’antagonisme entre elle et Fantasio, dans une scène qui n’est là que pour le montrer macho et ridicule, de même que n’apporte rien de montrer tous les hommes tombant amoureux d’elle. Et puisqu’il ne s’agit que de simples fleurs, sans modification à la Champignac ou à la Zorglub, il n’est pas possible qu’elles puissent autant se répandre à l’intérieur de tous les bâtiments. La magie printanière du monsieur printemps de Wasterlain était dans son genre plus crédible...Par contre, il est intéressant que les histoires courtes de multiples auteurs poursuivent le thème de l’invasion botanique, entrecoupant les quatre parties de l’histoire de Seccotine, la résolution de l’affaire closant ce qui apparaît comme une histoire globale aux mutiples ramifications, les séries (à suivre) étant elles regroupées à la fin du magazine (mais les fleurs sont toujours dans leurs marges), une fois le « printemps en enfer » terminé. Au final, ce découpage est une excellente idée de mise en pages, qui fait bien plus qu’accentuer le suspense, et la partie finale du magazine, avec les histoires (à suivre), a des marges fleuries différentes du reste du magazine, créant un très bel effet visuel sur la tranche, un beau travail des graphistes Dominique Paquet et Julien Marlière, et du concepteur du magazine, Damien Cerq. En dehors de L’édito des Fabrice qui se résignent à perdre leur dignité en se déguisant en fleurs, un beau dessin pleine page de Capucine et Cerq représentant une abeille présentant un dessin d’une fleur vue en coupe comme une arme à laquelle son espèce devra faire face, encadré de fleurs aussi réalistes que resplendissantes, illustre bien le paradoxe de la beauté fatale qu’a choisi d’illustrer ce numéro. Suit une histoire en deux pages de Joseph Falzon, dans un style caricatural, déjà vu une fois dans Spirou, loin du réalisme qu’on lui connaît dans Alt-life (scénario de Thomas Cadène), sur un analyste financier découvrant sa nouvelle entreprise aux prise avec l’invasion botanique, des strips répartis sur deux pages distantes d’Ami Inintéressant (scénario, aussi dessinateur minimaliste chez Lapin et Exemplaire) et Anne-Perrine Couët, Mauvaises graines, sur deux fleurs raleuses, l’une étant la copie conforme de Georgette, la fleur de compagnie de Gally sur son blog il y a une éternité (en terme d’internet), mais la dessinatrice ayant travaillé dans Spirou avec Gally, on supposera qu’il y a eu consentement pour cet emprunt.

Certains auteurices jouent avec le thème de l’invasion des fleurs, comme Clémence Perrault, Damien Cerq et Ludwig Allizon dans Léon et Léna, Bertschy dans Nelson, Cyril Trichet, Esteban et Dav dans Pernille, Fabrice Erre, Bernstein et Sandrine Greff dans un hilarant Le nouvel ordre mondial hoquète, sur le complotisme (un sujet de prédilection du scénariste et du dessinateur), Thomas Priou, Damien Cerq et Sophie David dans un nouvel épisode de La clairière s’amuse où la prolifération de fleurs a un effet délétère sur le désir de chair du renard, Thomas Bonis (de Fish n chips) et Tofy dans une histoire animalière (spécialité de la dessinatrice) sur deux écureuils à la recherche de noisettes.
D’autres font simplement une histoire autour de fleurs, sans parler de l’invasion : Mouk fait une page de gag sur Babeth, une (très) jeune apprentie influenceuse qui présente un tuto sur un bonhomme de printemps, Ples, Clémence Perrault et Damien Cerq une page de cartoons intitulée À fleur et à cris (avec Laurent Voulzy en invité, car auteur d’une chanson intitulée Le pouvoir des fleurs, qui ne dira pas grand’chose aux moins de 33, l’âge de la chanson), Bercovici, Bernstein et Dominique Thomas et leur 3 infos 2 vraies 1 fausse, Hervé Bourrhis deux pages délirantes et décalées tant graphiquement (quasi bichromie en variations oranges, à l’ancienne, ironique puisqu’il traite de « Brrol l’influenceur », censé être éminemment moderne, et dernières cases en noir complet sur un écran qui freeze) que dans l’histoire, en coq-à-l’âne. Willy Woob, lui, prend le contrepied de la thématique générale, son côté fleur bleue le posant en ami des fleurs, il les rend potes (sic), quant aux Jeux de Marie et Wilfried Fort et Ludwig Allizon, ils montrent un comte de Champignac émule du grand Schtroumpf, aux prises avec une plante schtroumpfnivore fort ressemblante à celle du Cracoucass, et également issue d’une expérience qui a mal tourné.

D’autres enfin vont plus loin et utilisent les fleurs jaillissant des marges dans leurs propres planches, comme Libon et ses Cavaliers de l’apocadispe, victimes de fleurs roses allergènes s’échappant des marges, Jacques Louis dont la Familly life doit faire face à une difficile transition printanière (Céline en permanence dans sa couette est graphiquement très amusante), Manu Gaboriau (nouveau dans Spirou, actif dans le milieu des fanzines), avec une plaisante page de gag où les jeux de mots prolifèrent tout autant, et enfin la plus belle surprise, Aux grands maux, de Bouzard, où celui-ci tente de s’occuper, avec une faux empruntée à son inquiétante (pas pour Bouzard) propriétaire, de son jardin qui visuellement semble avoir été arrangé par l’enfant caché de Monet et Pollock. Le comble est atteint dans La pause-cartoon, (un très bon Des gens et inversement, de Berth, où un soupirant offre un bouquet de terre qu’il n’y a qu’à semer, rendant enfin les fleurs offertes moins périssables), où un strip est tellement envahi de fleurs qu’il en devient illisible et méconnaissable.

Le rédactionnel est dans le ton, avec Bienvenue dans mon jardin, qui parle de la passion du jardinage de Kox (qui semble plus forte chez lui que celle du dessin , et expliquerait sa lenteur légendaire), et Seccotine et moi, où Justine Cunha (présentée comme dessinatrice, dans Spirou, de Dans les yeux de Lya, mais pas de Psychotine, étrangement) parle de ses héroïnes de fiction, BD et autres (née en 1992, goûts très générationnels), de même qu’une publicité pour une série jeunesse chez Dupuis, Holly Molly (au dessin fort proche de celui d’Isao Takahata), dont la couverture représente un champ de fleurs.

Dans les histoires (à suivre), alors que la quête fictionnelle des sœurs Grémillet semble atteindre son but, elles se trouvent dans la réalité dans une impasse : comment les auteurs Giovanni Di Gregorio et Alessandro Barbucci, se sortiront-ils de cet intéressant nœud scénaristique ? Suite de Mi-mouche, qui s’ouvre sur une énigmatique « évasion de cochons » dans la ville (?), et se poursuit avec la découverte d’une salle de boxe, avec une héroïne dans le déni (« ils n’avaient pas l’air de se faire mal »...Si, la boxe est un sport terriblement violent et douloureux, cf. Joyce Carol Oates dans De la boxe, ou « l’aspect effrayant de la boxe » dans Ashita no Joe). Fin de Frnck, L’objet impossible, avec une amusante autant qu’ingénieuse pirouette scénaristique d’Olivier Bocquet, et, par Brice Cossu et Yoann Guillo, une ultime case de ce dixième tome qui ravira tous les passionnés d’animaux préhistoriques (encore mieux que les raptors, à mon goût). Suite enfin de Chanson d’Avril, le Natacha reprenant une histoire de Sirius, mais celle-ci ne faisait que 38 pages, Walthéry est obligé de combler pour correspondre au carcan du 48CC, étrangement il le fait dans ce chapitre dans la scène qui se prétait le moins à l’être, un combat entre L’Épervier bleu et le traitre Steiner (on apprend à l’occasion que c’est tout l’équipage qui est composé d’anciens nazis, référence qui n’existait pas chez Sirius ; Walthéry a-t-il voulu ancrer le récit dans une époque?), la grand’mère de Natacha se montrant une redoutable combattante, à l’instar de l’Épervier, dans les cases reprenant celles de l’hisoire originale, puis invraisemblablement maladroite, sautant sur les épaules de son adversaire et de cette position peu stable le bourre de coups de poings, il n’y a que dans les pulps qu’on voit ça…

Un numéro donc centré sur l’humour, formellement très réussi, un peu moins pour le contenu, une histoire un peu horrifique en plus aurait donné une présence pas seulement au final décorative au thème.
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numéro 4541 du 23

Ici un aperçu du numéro: https://www.spirou.com/manoir-a-louer/

Sont-ce le fond violet de la couverture et sa vampire élégante, comme celle de Sang de vampire, le premier album de Fabrice Parme, qui a beaucoup travaillé avec Lewis Trondheim, le scénariste de cette nouvelle série, ou son nom, Manoir à louer, qui fait penser au film de René Clair Fantôme à vendre, toujours est-il que l'on s’attend bien à une série où l’ambiance gothique est prétexte au comique, dans la lignée de La famille Adams de Chas Adams (qui a lancé l’image de la vampire copurchic). Sauf que les auteurs semblent avoir ajouté un thème, ou plutôt une contrainte, à la trame de la famille normale débarquant dans un lieu étrange (ici un manoir tenu par une vampire), celui de parler du journal de Spirou à chaque page, ce qui pourrait totalement inverser la perspective, au propre comme au figuré (cf. la couverture) de cette série de gags en une page, comme dans le troisième gag où la vampire ne comprend pas ce qu’est une BD (elle appelle les cases « petit tableau », ce qui se justifie par son environnement), mais pour l’instant, dans ces quatre premiers gags, cela semble surtout un prétexte à montrer une image d’un marsupilami dans un manoir gothique. Le dessin de Juanungo, un encrage charbonneux sur base caricaturale, se situe dans la prestigieuse lignée de Gus Bofa, toutefois, comme le précise le dessinateur argentin dans Bienvenue dans mon atelier, son style n’est de base pas « européen » (par exemple, le visage du père de famille aux front et menton proéminents, n’a rien de franco-belge). Le violet de la couverture se retrouve dans la rue devant le manoir : les couleurs particulières, faites par Juanungo, contribuent à l’ambiance horrifique comique de l’ensemble. Et comme le violet est souvent associé à l’horreur, version gothique, il se retrouve dans le gag de Kid Paddle, de Midam et Patelin, couleurs d’Angèle, qui connaît ses classiques, aussi bien sur les murs du cinéma que dans la brume artificielle utilisée pour la promotion du film Zombies dans la brume. Violet aussi bien sûr pour les velours des fauteuils et les armures décorant les Jeux de Frédéric Antoine et Yohann Morin, intitulés Le manoir des abonnés perdus, pour les couleurs de plusieurs vêtements et monstres réalisées par Esteban dans Pernille, de Dav et Cyril Trichet, il est encore la couleur des murs peints, de la brume fantômatique, des cristaux de roche géants et du tapis menant à l’autel de la grotte du temple dans lequel pénètrent les sœurs Grémillet (dessin et couleur d’Alessandro Barbucci) et celles des tissus, des crânes et des robes de squelettes de la fête des morts mexicaine dans la publicité pour La famille tango, un album jeunesse Dupuis où l’on part « à la découverte des légendes mexicaines ». L’historien Michel Pastoureau expliquerait que le violet est la couleur liturgique du catholicisme, par là en est venu à représenter le mysticisme, d’où son appropriation dans les figurations du fantastique, et sa version gothique à la mode, dans la culture populaire. La couleur des yeux de Violine n’est pas un hasard, et Panda dans Dad exprime par cette couleur omniprésente dans sa chambre, ses vêtement et ses cheveux une humeur maussade. Mais Michel Pastoureau nous rappelle aussi que les couleurs sont ambivalentes et subissent des glissements de sens, aussi ce violet se retrouve-t-il dans la chambre d’Ondine, la plus fémininement cliché des filles de Dad, en concurrence avec le rose de ses cheveux, et cette même concurrence entre ces deux couleurs se retrouve bien évidemment dans une publicité pour Les Héricornes, une série Lombard avec le parangon actuel des idôles des petites filles, les petites licornes violettes à la crinière rose. Pour le reste du numéro, on peut s’amuser à voir les contrastes de couleur, entre la tunique violette du petit barbare et la robe rose de la princesse dans Game over (couleurs d'Angèle encore), ou entre le violet de la robe et des cheveux de la vampire et le bleu de la Schtroumpfette dans le Bon d’abonnement de Cromheecke et Thiriet, ou constater à contrario que L’édito des Fabrice, consacré aux vampires, bien qu’ils tentent d'y reproduire « le bruit de la peur » (sic), n’ a rien d’effrayant sur le fond uniformément bleu ciel fait par Sandrine Greffe.

Dans les gags, le capitaine de Titan Inc. ne recule comme d’habitude devant aucune bassesse, cette fois commerciale pour vendre le roman qu’il a écrit, Brad Rock apprend à lire à sa fille et exploite son fils, et Jilème propose un Tuto pour apprendre à dessiner sa « bonne bouille », tuto gag comme souvent, qui propose en bonus de dessiner une pépite d’or avec simplement une « forme biscornue et (pour le brillant de l’or) des petits traits autour, et voila ! »...Bertschy fait se réfugier chez Nelson des invités inattendus, tombés récemment dans le domaine public, sauf en Europe où ils sont protégés jusqu'en 2054,un reporter à la houppe, vêtu de bleu et accompagné de son petit chien blanc et d’un capitaine à la pipe, et dans Dad, le fait que ce soit la plus caricaturalement féminine de ses filles, Ondine donc, que Dad s’imagine « perpétuer sa fibre artistique et rebelle » en montant un groupe de rock ajoute au comique de la situation. Poursuite du thème du printemps avec Berth dans Des gens et inversement, où est plantée une drôle de plante, d’aspect familier pour les parisiens, et qui peut atteindre 300 mètres de haut, avec Tom dans Fish n chips, avec un peu de retard puisque ses poissons en sont encore à discuter de lapins et cloches de Pâques, et enfin avec Bouzard, chargé de débarasser les marges des fleurs qui persistent depuis le numéro précédent, tâche dont il s’aquitte avec l’enthousiasme et l’ingéniosité qu’on lui imagine, le numéro se terminant avec les marges envahies de mouches attirées par les bouses des vaches ayant mangé les fleurs...Autre nouveauté en marges (quoiqu’on puisse aussi imaginer que les bouses ne vont pas y passer la semaine), à côté du titre des histoires (à suivre) est indiqué à quel épisode on en est.

Ainsi, pour Mi-mouche, celle-ci, dans l’épisode 3 sur 7, se décide à essayer la boxe, et ose l’avouer à ses parents. Carole Maurel, pour exprimer le fait que, malgré ses 14 ans, Colette « mi-mouche » se comporte encore comme une petite fille, lui a mis entre les main une tasse en forme de raton laveur au regard de chien battu, tout ce qu’il y a de mignon (et d’enfantin), violet bien sûr...Chez Les sœurs Grémillet, chacune connaît une défaite, y compris collective lorsque, ayant retrouvé le dragon disparu, elles ne parviennent malgré tout pas à élucider leur quête sous les traits d’héroïnes de HF que leur prète Cassiopée dans sa nouvelle, et elle seule parvient pour le moment à vouloir surmonter sa défaite, sans pour autant réussir à stimuler ses sœurs découragées. Fin de Chanson d’avril, le Natacha adapté d’une histoire de L’ Épervier bleu de Sirius par Walthéry, et selon moi, comme souvent pour le cinéma, le remake ne vaut pas l’original. Walthéry au lieu de véritablement s’approprier l’œuvre originale pour la refaire à sa façon a repris littéralement le scénario, les dialogues et commentaires (avec quelques modifications pour les noms et autres détails superficiels), et même de nombreuses cases à l'identique, y ajoutant quelques cases et dialogues de son cru, et la greffe n’a pas pris car les styles des deux auteurs sont trop dissemblables, et les ruptures se voient trop. Ainsi, dans ce dernier chapitre, le style emphatique de Sirius, dans ses commentaires (« La gîte de l’énorme vaisseau aérien s’est accrue. Balancé dans d’écœurantes oscillations, il s’incline sur le flanc comme un gigantesque poisson mourant.») est repris tel quel par Walthéry, qui met l’ensemble au passé, et rajoute points d’exclamations et de suspension, rompant un équilibre déjà fragile ; ailleurs, ce sont les commentaires de L’ Épervier, sobres dans leur solennité, pour contrebalancer la grandiloquence des commentaires en off, (« Les fous ! Ils sont en train de s’entretuer ! ») qui deviennent un « Les dingues ! C’est pas vrai !...Ils sont en train de s’entretuer !!! » qui jure par rapport au langage général; puis, lorsque Walthéry écrit ses propres commentaires en off, cela donne « Et en plus, l’immense nef se cabra ». Que vient faire là ce « en plus » si familier, si manifestement pièce rapportée ? Enfin, Sirius avait opté pour un final hollywoodien d’époque, ses héros s’échappant en avion observant que « Sirius (l’étoile disparue était, on s’en souvient, le départ de cette aventure) est revenu. Regarde, Sheba, l’île aérienne ne le cache plus. », avec la réplique « Le monde a retrouvé son ordre », ces deux phylactères sortant d’un avion partant vers l’horizon, sur fond de soleil levant. Walthéry a fait se prolonger cette fuite jusqu’à ce que ses personnages retrouvent leur bateau, les faisant commenter « On remettra ça un jour, Madame Natacha !?!... » « Ho, sans problème, Monsieur Walter ! Hi!Hi!Hi ! ». Walthéry n’a pas réussi a trouver un équivalent contemporain au balancement romantique entre le sublime et le grotesque qu’effectuait Sirius avec les commentaires guindés des bagarres de ses baroudeurs, comme le voyait Victor Hugo dans sa préface à Cromwell (« Comme objectif auprès du sublime, comme moyen de contraste, le grotesque est, selon nous, la plus riche source que la nature puisse ouvrir à l’art. Rubens le comprenait sans doute ainsi, lorsqu’il se plaisait à mêler à des déroulements de pompes royales, à des couronnements, à d’éclatantes cérémonies, quelque hideuse figure de nain de cour. “) . Ceci dit, l’exercice valait totalement d’être tenté, et retrouver Natacha et Walter dans des actions décalées a donné nombre de moments plaisants.
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Message par heijingling »

Numéro 4542 du 30/04/2025

Ici un aperçu du numéro: https://www.spirou.com/disparitions-mys ... tery-cafe/

Retour de la BD documentaire sur le japon, Tokyo Mystery Café : dès la couverture, on retrouve ces typiques étagères à roulettes que les libraires d’occasion du Japon ou de Chine sortent chaque jour de leur magasin, et en page 5 ces mêmes petites librairies d’occasion tout en longueur, comme insérées subrepticement entre des immeubles modernes, où deux clients ne peuvent tenir de front, et se gènent même en farfouillant dos à dos les étagères opposées... Ce nouvel épisode s’appelle donc Les ombres de Jimbocho, qui est, apprend-on dans la page de présentation, le quartier tokyoïte des éditeurs de mangas et des libraires, et est donc le quartier que l’on va découvrir après Akihabara dans le premier tome, et s’annonce bien, par une excellente idée scénaristique qui est de prendre le contrepied de la réalité virtuelle des idoles de la chanson et de la vidéo abordés dans le premier tome en parlant d’un « crime » qui se révèle aussi virtuel mais aussi matériel puisqu’il s’agit de personnages de mangas assassinés à l’insu de leurs auteurices. Un point m’a fait tiquer toutefois : Nahel boit de l’eau (citronée ou non, là n’est pas la question) pour dissiper la sensation de brûlure d’un riz au curry pimenté : erreur de débutant, et je m’étonne que ce vieux connaisseur de patron du Tokyo Mystery Café ne lui ait pas signalé que si le riz au curry était servi avec une ample portion de riz blanc, c’était justement parce que c’est un des meilleurs calmants contre les piments (au contraire de l’eau, qui au contraire exacerbe la sensation de brûlure). Les auteurices de Tokyo Mystery Café, L’atelier Sentô, soit Cécile et Olivier, sont aussi les invités de Les BD de ma vie, et y mèlent aussi bien bien franco-belge classique que mangas (bon conseil que le personnage d’enfant monstre qu’est Kitaro le repoussant, de Mizuki Shigeru), auteurs européens comme eux fortement influencés par les mangas, comme l’autrice suisse Vamille (influence relative pour eux, puisqu’ils indiquent que le Spirou MQR est pour eux la principale inspiration de TMC),et enfin donnent un autre excellent conseil de « manga pour ceux qui ne lisent pas de mangas » avec La cantine de minuit, deAbe Yaro, dont le dessin ne fait pas du tout « cliché manga » dans la longue lignée de Tezuka mais se situe dans la lignée graphique également typiquement japonaise mais bien moins connue en dehors du Japon que l’on pourrait décrire comme « caricature à l'économie de moyens » qui va de Tsuge Yoshiharu et Usui Yoshito (Crayon Shin-chan), pour les plus connus en France par les amateurs, à Takita Yû et Ishikawa Jun (également critique) , pour de moins connus ici, mais bien plus au Japon. Les Jeux de Frédéric Antoine et Yohann Morin se veulent carrément éducatifs, présentant plusieurs artistes visuels japonais, d’Hokusai à Takahashi Rumiko, et dans leur Édito, les Fabrice présentent une recette de cuisine fusion, leurs sushis en deviennent méconnaissables.

Loin du Japon (on aperçoit la mer et des palmiers au détour d’une case, une ville française de Méditerranée?), Carole Maurel et Véro Cazot traitent tout de même dans Mi-mouche d’art martial avec la boxe. Un point commun formel avec TMC tout de même, les couleurs, aquarellées, ne suivant qu’approximativement les lignes du dessin, loin des aplats propres et nets du franco-belge traditionnel. On peut d’ailleurs remarquer que de plus en plus de dessinateurices réalisent eux-mêmes leurs couleurs; c’est le cas pour les trois séries (à suivre) de ce numéro, ainsi que cette semaine de Nob, Nicolas Moog, Juanungo, Zimra et d’autres, quand d’autres ont leur coloriste attitré, comme Angèle pour Midam depuis 2004, Sandrine Greff pour Fabrice Erre et Fabcaro ou Annelise Sauvêtre pour Kahl et Pörth de Frantz Hofmann et Ced. Finie, l’époque où c’est le Studio Léonardo qui assurait pratiquement toutes les couleurs des séries du journal…

Épisode 7 sur 8 des sœurs Grémillet, qui sortent de l’obscurité de la semaine précédente par un éclairage nouveau sur ce qu’elles avaient pris pour des échecs, ce qui visuellement se traduit par une lumière dorée remplaçant les tons violets dans la nouvelle de Cassiopée.

Une histoire courte de trois pages de Kahl et Pörth, les aventuriers de l’extrême, qui étaient absents depuis octobre dernier, et reviennent avec une étrange et grotesque mascotte. Dans les gags, une toujours pertinente et amusante Leçon de BD du professeur Dab’s (dont Crash Tex n’est plus apparu dans le journal depuis près de trois mois. Série finie? Ce serait dommage...), les jeux de mots et visuels du surréalisme naïf de Willy Woob, un Game over sur l’ambiguïté des pictogrammes (le nucléaire en l’occurence), un « phénomène météorologique assez rare » dans Des gens et inversement de Berth, l’autant hilarant qu’imaginatif arc-en-ciel albinos, et enfin, amusants hasards de pagination des magazines, au verso d’une publicité pour Les Omniscients, une série au Lombard « par le scénariste de Les enfants de la résistance » avec des enfants issus de minorités ethniques (au vu de leur couleur de peau) d’origine pas vraiment identifiable car il ne sont pas ethniquement caricaturés se trouve une planche d’Annabelle pirate rebelle avec un membre d’équipage d’origine africaine caricaturé « à l’ancienne », et Nob publie un gag de Mouf le chien devenu influenceur quand deux pages avant, dans En direct du futur, qui annonce le 500e gag de Dad, il dit que c’est la pire idée de gag qu’il ait eue...

Enfin , le Supplément abonnés (pour tous les abonnés, contrairement à celui de la semaine précédente, réservé uniquement aux abonnés de la région d’Avignon), un joli papercut (une maquette en papier fort) du Tokyo Mystery Café.

P.S. : Angèle, qui est donc la coloriste attitrée de Kid Paddle et Game over depuis plus de vingt ans, n’est (sauf erreur) pas mentionnée dans le livre d’entretiens Midam, l’art du gag, réalisé par Thierry Tinlot, sorti chez Dupuis en 2024, alors que les autres collaborateurs de Midam le sont, et ont même droit à des entretiens, ainsi que Benoit Fripiat, son premier éditeur chez Spirou.
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Message par heijingling »

Numéro 4543 du 07/05/2025

Ici un aperçu du numéro: https://www.spirou.com/titan-inc-ce-qui ... er-arriva/

Est-ce la fin du Titan inc., et donc de la série, comme on le voit sur la couverture? Ce serait dans la logique des choses, bien que la fiction puisse échapper à toutes les obligations du monde tangible, l’une des plus caractéristiques des séries (BD, romans ou télé) étant que les personnages ne vieillissent pas, et Paul Martin et Manu Boisteau ont poussé avec Titan inc. cette convention de la dilatation infinie du temps à ses limites, étirant une collision imminente du navire avec l’iceberg sur déjà plus d’un an et demi de parution. Le Titan inc. coule donc enfin, et cela méritait bien la couverture de Spirou, et plus encore, puisque chaque fond de page (sauf une page de publicité, pour un album aux éditions Charivari, un nouveau label de Dargaud, qui y échappe, par ostracisme ou sacralisation?) est illustré par le niveau de l’eau qui monte tout au long du numéro, jusqu’à envahir d’un beau cyan-bleu grisé tout le fond des dernière pages, et cela fait un bel effet sur la tranche, eaux pullulant de poissons excentriques et parsemées de déchets de la main de Manu Boisteau. Un numéro coule donc, comme le dit un poisson rigolard sur la couverture, qui représente l’incompétent capitaine fidèle à lui-même, uniquement soucieux de son image en prenant un selfie sur fond de son prétendu insubmersible en train de couler, le reste de l’équipage mécontent, uniformément orange dans un effet à la Morris. Après une page de publicité vantant le Titan inc.,, son équipage, et ses créateurs, Paul Martin et Manu Boisteau, des strips et demi pages de gags égrennent le numéro, jusqu’à l’évacuation du navire, marquée par l’humour cynique involontaire de Katia la dir’com, et la planche finale (le mot fin y est inscrit) en fin de magazine, avec l’insubmersible sombrant enfin. Il ne reste plus aux collectionneurs de Spirou à lire la suite de cette série que l’on peut voir comme une préquelle des Naufragés de Bretécher et Cauvin, parus dans Spirou près de 60 ans avant la série dont la situation les précéde, un cas unique dans l’univers des séries. Même la numérotation alambiquée de La guerre des étoiles, à laquelle les Fabrice font allusion dans leur Édito ne va pas aussi loin dans le vertige de la chronologie délirante, et Pic, absent du journal depuis 2021, est pour l’occasion revenu faire des Jeux, les très drôles Panique sur le titan, et le Supplément abonnés est un flip-book de Nicolas Fong, Paul Martin et Manu Boisteau avec une jolie mise en abime graphique et un capitaine du Titan inc. en Neptune de pacotille. Le dessinateur Manu Boisteau parle également des BD de sa vie dans le rédactionnel, et si il y révèle des goûts très communs (de Tintin à Lucky Luke en passant par Pratt et Schulz), il en parle à sa façon, soulignant sa « fascination un peu malsaine » pour le côté sanguinolent des œuvres de Tardi, et cite une influence évidente mais trop peu connue, Le cirque Flop, de Martiny et Petit-Roulet.

Autre fin, celle de la septième aventure des sœurs Grémillet, le Dragon d’or. Si Giovanni Di Gregorio et Alessandro Barbucci ont innové narrativement, comme on l’a vu (le titre de la nouvelle publiée par Cassiopée Grémillet étant au final celui de l’histoire), et si graphiquement il y a eu de belles séquences, dont les passages dans la librairie idéale fantasmée, la fin a une morale un peu trop appuyée par rapport aux épisodes précédents.
Montage parallèle pour l’enquête du trio de Tokyo Mystery Café, qui fait alterner questions à des mangakas imaginaires et séquence d’action, et épisode cinq sur sept pour Mi-mouche, qui, si elle se décide enfin à s’inscrire au club de boxe, il lui reste à trouver comment le faire sans le dire à sa mère, auprès de qui elle n’ose encore s’affirmer. Et une plaisanterie du coach de boxe sur ses élèves allant à l’hôpital confirme que la boxe est bien un sport violent, quoi qu’il en ait été dit dans un épisode précédent.

Est-ce parce que Manoir à louer, la nouvelle série de Trondheim et Juanungo, est à la gloire du journal de Spirou qu’elle à déjà les honneurs de la deuxième page, y supplantant Kid Paddle dont l’histoire en deux planches de cette semaine, sur le gag récurrent du devoir délirant (une « tragédie scientifique » cette fois), est reléguée en pages intérieures? Bernstein et Moog consacrent leurs quatre strips de Willy Woob à un excellent rafraichissement des super-héros par le biais du chien Kiki, aka SPN (Super pique-nique, qui protège contre Super mauvais temps), Ced et Gorobei rendent hommage dans Gary C. Neel aux cow-boys chantants, qui ont eu leur heure de gloire dans les années 20 à 40, Sti, Ghorbani et Cerise font dans Annabelle un clin d’œil au « capitaine Di Salvia » (les rédac’chefs
de Spirou sont décidemment des personnages à part entière), dans Capitaine Anchois, Polly le perroquet géant sert de bouc émissaire (oui, il y a parfois un sous-texte politique ou psychologique dans l’humour absurde de Floris), et nous apprenons dans Dad que Roxane est maintenant au collège, soit avec Ondine, ce qui pose problème à la grande de devoir accompagner la petite et à la petite de devoir être accompagnée par la grande...

Enfin, dans le rédactionnel, c’est Zimra, qui a repris le dessin de Psychotine après Justine Cunha, qui parle de Spirou et moi, et En direct du futur annonce, à l’occasion de la sortie d’une intégrale, une histoire inédite de Jacques le petit lézard géant, 15 ans après sa dernière apparition dans Spirou. Jouez, hautbois...
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Message par heijingling »

Numéro 4544 du 14/05/2025

Ici un aperçu du numéro: https://www.spirou.com/coup-de-stress-pour-dad/

Les amateurs auront immédiatement reconnu la mise en scène et le graphisme de la couverture du Spirou 1559 du 29/02/1968, qui célèbrait la 500e gaffe de Gaston, dans cette couverture de Nob qui célèbre le 500e gag de Dad. https://www.inedispirou.com/bibliothequ ... debut=1551
Même le gag en bas à droite est là dans les deux couvertures. Nob connaît ses classiques, il avait aussi récemment fait un dessin en rappel historique avec son personnage composite illustrant la couverture de La véritable histoire des éditions Dupuis, sorti en novembre dernier. Et Dad appartient précisemment au genre de la série familiale, archétypale des gags en une page depuis l’aube de la BD (Max et Moritz, Pim, Pam, Poum). Mais ce genre a évolué vers plus de réalisme : si les premiers gamins en étaient plus ou moins esseulés (jusqu’à Quick et Flupke, plus souvent rappelés à l’ordre par l’agent 15 que par leurs parents), la famille deviendra complète mais encore assez abstraite (la famille générique de Boule et Bill), et Nob poursuit ce chemin vers plus de consistance, témoin ce 500e gag, qui met Bébérénice en vedette, où l’on voit Dad aux toilettes (ce n’est pas la première fois…)
La filiation classique est revendiquée par Nob dans ses trois pages de commentaires de L’album souvenir de Dad (pages émaillées de très nombreux croquis très intéressants sur la création et l’évolution des personnages): « Pour moi, au départ, c’était juste pensé comme un rendez-vous hebdomadaire dans SPIROU, où l’on retrouvait le genre de petite famille que j’aimais retrouver, enfant, avec Boule et Bill ! » https://www.spirou.com/nob-nous-ouvre-l ... on-de-dad/ Mais l’aspect concret se retrouve aussi dans les T-shirts de rockers réels qu’arbore Dad, dans tous les gags où Nob raconte l’histoire de la famille (contrairement à Boule et Bill, dont les albums Souvenirs de famille et tu te rappelles, Bill, édités en 1979 et 1980, aux débuts de la vague patrimoniale des éditions Dupuis, ne comprenaient que d’anciens gags jamais sortis en albums et ne racontaient en rien l’histoire de la famille), et dans le Tuto dessiné, présenté sous forme d’une planche de Dad par Bébérénice, à la fois drôle et, pour une fois, réellement utile car non tarabiscoté. Outre le 500e gag et la planche tuto, deux autres planches de Nob, dans lesquelles Dad répond à des questions de lecteurs, posées par ses filles, ouvrent ce dossier spécial 500e gag, qui se termine avec un concours vidéo pour gagner des T-shirts Dad rock, soit au total sept pages variées, drôles et pertinentes, qui font juste regretter qu’il n’y en ait pas eu plus (comme à l’époque des volumineux Dossiers Spirou) , y compris un supplément. Seul bémol, une erreur dans les infos de L’album souvenir: Si Dad a bien commencé à paraître dans Spirou en 2014, son premier album est sorti en 2015, pas en 2013 (Spirou fait parfois de la post publication, mais pour des séries déjà connues, ou (à suivre).
Par contre, participent à la fête plein de personnages du journal dans La fête surprise, les Jeux de Thomas Priou, un bon gag en marge de Spoirou par Sti, qui congratule un Dad évanoui d’un "Bravo pour le 500e gosse" (c’est plus drôle quand on voit le dessin, évidemment), 3 infos 2 vraies 1 fausse par Bernstein, Bercovici et Dominique Thomas, d’autant meilleures que, pour une fois, on en connaît le contexte, forcément, puisque consacrées à Dad, les inévitables Fabrice dans une de leurs crises d’hubris, recadrée par Laure (Bavay, la rédactrice en chef adjointe), et enfin dans Manoir à louer, où Trondheim s’est imposé la double contrainte de parler, outre du magazine, du thème de la semaine, qui aboutit au paradoxe (déjà vu en BD) où Dad se retrouve personnage de BD commenté par ceux de Manoir à louer qui seraient donc eux réels, le gag portant sur la pruderie déplacée de la vampire, qui se délecte d’abominations sanguinolentes mais s’horrifie de la famille recomposée de Dad.

L’autre sommet du numéro est le retour de Jacques, le petit lézard géant, un évènement, comme le montre le fait qu’il soit aussi présent en couverture, pour ce qui est hélas, semble-t-il, une ultime histoire. Du grand Libon, rien que dans la dernière case de l’avant dernière bande de la dernière planche de l’histoire, où il met en scène par un ingénieux agencement d'une unique case la résolution de trois gags amorcés dans les cases précédentes.

Une troisième surprise dans ce numéro, Titan inc., qui était supposée finie avec son naufrage la semaine précédente. S’agit-il uniquement d’un cadeau bonus des auteurs Paul Martin et Manu Boisteau, ou bien la série va-t-elle se poursuivre, comme le laissent penser ces deux pages de strips composés essentiellement de commentaires fort amusants de deux mouettes sur la fumisterie de tout-puissants « scénariste » et « dessinateur » qui régiraient les personnages et situations de la série. ( À suivre) donc.

Seulement deux vraies histoires (à suivre). D’abord, l’épisode 6 sur 7 de Mi-Mouche, qui n’arrive toujours pas à s’affirmer, et ne peut que tromper ses parents pour suivre ses cours de boxe. Bien que parlant de boxe et de danse, deux disciplines très dynamiques, la série manque de vivacité, manque de rebondissements, et dans ce chapitre la jolie mise en scène parallèle entre les cours de danse et de boxe, par Carole Maurel, ne permet pas de trancher entre proximité et distance entre elles. Ceci dit, je garde foi en cette série, car si la scène de combat de Mi-Mouche en plan rapproché n’exprime pas la puissance de ce sport, elle signifie bien par contre l’enfermement mental de Mi-Mouche, comme la mise en cases souvent étriquée autour des personnages, avec parfois 5 bandes par planches. Puis, la suite de TMC (Tokyo Mystery Café), où la piste trouvée dans le numéro précédent se double maintenant d’une mystérieuse réaction du patron du café, lequel mérite ainsi véritablement son nom, qui induit de la méfiance entre les protagonistes, et ce chapitre se clôt par la visite de l’appartement d’un universitaire spécialiste du manga, qui donne sur le palais impérial. Un régal pour les amateurs de polars comme de mangas.

Dans le reste de ce très bon numéro, Brad rock, the gold digger, où toute la famille est présente, et dont le scénariste dessinateur, Jilème, est l’invité de Bienvenue dans ma bibliothèque, où j’ apprend que la BD est si présente en Nouvelle-calédonie qu’elle est surnommée "la Belgique du Pacifique", et que Jilème a été un proche de la famille de Jijé au point d’avoir été pressenti pour reprendre Blondin et Cirage, sur scénario de Greg; un gag de Pernille faisant dans l’humour crado, un de Gary C. Neel dans le non-sens, un de Kid Paddle dans le gore, avec encore une fois un héros classique, cette fois l’agent secret 008, bien malmené (c’est l’aspect iconoclaste de Kid Paddle que j’apprécie le plus, avec le père au foyer), un capitaine Anchois toujours surprenant, avec l’équipage montant un orchestre bruyant, qui dérange les voisins en pleine mer, des avatars de Cthulhu, et enfin une publicité pour le 10e album d’Ernest et Rebecca, la série de Guillaume Bianco et Antonello Danela, dont les albums continuent donc de sortir (au Lombard) alors que la publication s’est arrêtée dans Spirou il y a une dizaine d’année (hormis sporadiquement l’une ou l’autre histoire courte), et une autre discrète, en marge, pour un festival de BD où les ADS (la série) sont à l’honneur.
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Re: Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...

Message par heijingling »

Numéro 4545 du 21/05/2025

Ici un aperçu du numéro:https://www.spirou.com/les-cavaliers-de ... e-secrete/

Du Libon en couverture deux semaines de suite, la fois précédente seulement par une vignette en coin, certes, mais c’est tout de même exceptionnel, et d’autant plus réjouissant que cela débute cette fois une histoire (à suivre) des Cavaliers de l’apocadispe, qui commence par une crise d’autorité du directeur de l’école sur l’air de « Des enfants jouent dans la cour de récréation ? Mais c’est totalement irresponsable ! » L’image de couverture représente une scène élidée de l’histoire (Libon ne montre pas les chocs, mais ce qui les prépare et/ou le résultat), une catastrophe qui culbute les lettres du titre Spirou. Dans la rubrique L’arrière-boutique https://www.spirou.com/cavaliers-de-lap ... elirantes/ , Libon parle de la manière dont il conçoit ses histoires, et passe de l’idée à la réalisation. Il n’a pas besoin de développer sur sa si inventive narration graphique qui se nourrit d’une grande économie de moyens, cadrages, composition, transitions qui sont simples la plupart du temps pour se complexifier quand c’est nécessaire, ses histoires hilarantes sont parlantes (au sens figuré, car les dialogues y sont parcimonieux).

Fin de Mi-Mouche, avec les trois dernières pages bien plus aérées, la dernière en image pleine page, marquant pour Colette /Mi-Mouche l’assomption d’elle-même. Si ce dernier chapitre recèle encore une fois des réussites graphiques, incluant le choix du nuancier de couleurs, dessin et couleurs étant de Carole Maurel, comme la boxe de Colette contre son ego sous forme de chorégraphie, par contre l’histoire de Véro Cazot fait trop forcée, le dessin servant de démonstration, comme la mise en scène parallèle entre boxe et dance du chapitre précédent ne servait finalement qu’à annoncer, avec insistance, la séquence finale. C’est définitivement une série pour très jeunes ados, avec identification simple, puisque seule Colette est un peu développée, les autres personnages n’ont qu’une existence symbolique, pour porter le message de l’histoire. Mais il y a tout de même une grâce par le personnage de Mi-Mouche, très réussi dans son équilibre fragile. Suite de Tokyo Mystery Café, avec de gros rebondissements, apportant une violence physique et psychologique à laquelle le début de l’histoire, très plaisant dans sa variété légère (visite de Tokyo, scène de gueuleton, rencontre de mangakas), n’avait pas préparé.
Après Johnny Thunder, Thunder Jack et autres Thunderbirds, voici Greta Thunder, héroïne d’une nouvelle série, Ark Atlas (et non Ark Altlas comme indiqué en couverture, où une telle erreur est tout de même gênante), de type SF humour traditionnel a priori, avec extra-terrestres farfelus, vaisseaux spaciaux performants et armes abracadabrantes (un cryogun au nom explicite), l’ark du titre faisant selon toute vraissemblance référence à l’Arche de Noé, puisque Ark atlas est « une organisation secrète qui sauvegarde les espèces en voie d’extinction », et les héros sont une sorte de mandrill parlant et une jeune fille au caractère bien trempé, la fameuse Greta. Un personnage au nom si référentiel pourra-t-il durer ? Après tout, Blueberry était au départ bien inspiré physiquement par Belmondo. En sept pages (enfin, une histoire courte qui fait plus que trois ou quatre pages), Romain Pujol et Maxime Peroz (Christo aux couleurs) posent bien les bases d’un monde à l’ambiance très Valérian et Laureline (décors, personnages, faune extra-terrestre, gouvernement corrompu) en version comique sans être parodique.

Coïncidence, une autre série SF paraît dans ce même numéro, mais uniquement humoristique elle, la rare Vie galaktik, de Véronique Gallez et Pierre Lecrenier, qui paraît au rythme d’un gag toutes les dix semaines environ, si c’est ainsi qu’ils s’imaginent pouvoir fidéliser un lectorat, à moins qu’ils ne comptent sur l’effet de manque…Coïncidence encore, Berth dans Les BD de ma vie, place au plus haut la BD de Vuillemin Raoul Teigneux contre les Druzes, comme l’avait fait Manu Boisteau deux numéros avant. Il met aussi très haut, et à raison, Lefred-Thouron, et mélange dans son illustration de l’article Lucky Luke et les Schtroumpfs, sur la confusion des souvenirs d’enfance, fin et graphiquement convainquant clin d’œil aux fameux aplats de Morris. Dans les autres gags, Manoir à louer, dont il faut saluer la version de la vampire que propose Juanungo, en particulier dans une case où, manquant de sang, elle se contorsionne horriblement pour vieillir en un instant. Par contre, Trondheim, dans sa contrainte de commenter les séries du journal, a fait une erreur en situant Sybilline et Burokratz le vampire dans les années 60. Surprise, Titan inc. revient comme si son naufrage n’avait pas eu lieu, un pied-de-nez de Paul Martin et Manu Boisteau aux justifications alambiquées et peu probantes de tous les auteurs qui essaient de mettre une cohérence entre les œuvres de fiction et la temporalité réelle. Enfin, Romain Pujol et Zimra présentent cette semaine Psychotine sous forme de strips plutôt qu’en gag en une planche, Laurel prodigue dans La leçon de BD un utile rappel sur la règle des tiers, mais dont la pertinence envers la planche qu’elle commente m’échappe, Fabrice Erre dans L’édito utilise un plan très large fixe assez inhabituel pour contraster l’excitation des Fabrice et le stoïcisme de Coline (Strijthagen, secrétaire de rédaction), Nob un gag visuel dans la série de ceux où Dad utilise de façon malapropriée les jeux d’enfants, et enfin de bon gags engagés et d’humour débile (Les Fifiches du Proprofesseur de Lécroart sur les chasseurs, Des gens et inversement de Berth sur la paranoïa sécuritaire, Tash et Trash de Dino sur la religion), cruel et débile (Fish n chips de Tom) et simplement absurde (le Bon d’abonnement au zoo, de Cromheecke et Thiriet) .

Enfin, une amusante publicité pour l’album À la poursuite du trésor de Décalécatán des Fabrice (Caro et Erre), une pour la série enfantine muette Petit Poilu, de Céline Fraipont et Pierre Bailly (déjà trente et un volumes parus depuis 2007), la rubrique En direct du futur est recouverte d’un rapport de police annonçant les 50 ans de l’Agent 212, et le supplément abonnés est un joli Carnet de voyage de Joan dans les îles grecques, d’illustrations pleine (petites) pages en blanc et bleu crème.
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Zig Homard
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Re: Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...

Message par Zig Homard »

Toujours passionnants, ces "aperçus" fouillés très documentés et... argumentés ! Merci, heijingling !... :merci: :ok:
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Re: Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...

Message par heijingling »

Numéro 4546 du 28/05/2025

Ici un aperçu du numéro: https://www.spirou.com/le-pouvoir-cache-deliott/

J’ai lu sur un prestigieux forum de BD un vénérable intervenant disant que le dessin de couverture pour Elliot au collège ressemblait à du Sattouf. Force est d’admettre qu’il y a de ça, en effet, encore faudrait-il déterminer en quoi ce ça consiste, et s’il était déjà présent dans les précédents dessins de Théo Grosjean. La réponse à cette seconde question est que ce n’est franchement pas flagrant, et ce serait aisément repérable puisque les deux auteurs traitent de (la vie secrète des) jeunes d’aujourd’hui. Il y a néanmoins une convergence dans le fait qu’ils utilisent tous deux une néo ligne claire pour une fluidité narrative maximale: palette de couleurs volontairement limitée, encrage régulier et linéaire, dessin en deux dimensions. Par contre, leur approche est très différente, Théo Grosjean représentant l’inavouable de ses personnages par une créature symbolique, alors que Sattouf le fait ressurgir dans leur physique, d’où des personnages souvent laids, et c’est sur ce point que le personnage en couverture fait plus Sattouf que Grosjean (dents proéminentes, cicatrice, pas de menton). L’histoire est précédée d’une page où Théo Grosjean présente l’ensemble de ses personnages adolescents et leurs émotions incarnées (les parents sont absents de cette présentation), et on remarque que, si chacun a une personnalité complexe, seul Elliot a nettement changé depuis ses débuts dans Spirou en 2020 et son entrée au collège, sans doute parce qu’il a appris à apprivoiser, et même à établir une forme de complicité avec la créature personnifiant ses angoisses. Et dans cette histoire en six pages, ces créatures, qui n’étaient au départ qu’un truc scénaristique et une source de gags, comme le chat de Frantico, révèlent leur univers et leurs relations aux divers types d’humains, la série acquérant de plus en plus une dimension fantastique (Elliot se retrouve dans un monde intérieur à mi-chemin entre Blanquet et Le pays maudit de Peyo), tout en restant dans le plus concret du quotidien des ados (comme dans Dad, on voit les personnages aller aux toilettes). Bienvenue dans mon atelier est par ailleurs consacré à Mallo, la coloriste d’Elliot depuis l’été 2024, ayant repris cette tâche de la coloriste originelle, Anna Maria Riccobono. Et par goût de l’arrière-boutique (ou du commérage), j’aurais bien aimé savoir pourquoi Théo Grosjean a changé de coloriste, puisque les couleurs sont si constitutives de cette série (Mallo le dit, l’orange y est très présent, ce qui change des mauves communs dont j’avais parlé il y a quelque temps), mais qu’avec la nouvelle coloriste, la palette de couleurs n’a pas jusqu'à présent nettement changé. Toutefois, coïncidence?, depuis son arrivée Théo Grosjean n’a plus fait les gags en une page avec lesquels avait débuté cette série mais seulement des histoires courtes. Sans surprise au vu de sa méthode de coloriage, Mallo a pour référence Babar, Monsieur Madame et Hello Kitty. Face à Elliot est placé dans le magazine une page de strips d’Otaku, de Nena et Maria-Paz, qui fait le dessin, ainsi que les couleurs dans des palettes similaires à celles d’Elliot (oranges et bleus dominants - en général du moins, car dans cette histoire d’Elliot oranges et verts dominent, débordant même sur les lettres de Spirou en couverture). Les couleurs des collégiens de maintenant ? Spirou, lanceur de tendances ?

Ce numéro comprend deux autres histoires courtes. Marc et Pep dans Le chalet des longs sanglots, une enquête où Philippe Ory et Nicoby leur font affronter complotisme et cryptozoologie (dont un hérisson laineux...) dans des montagnes enneigées, où la grande case blanche d’entrée et le thé au beurre final (boisson tibétaine) seraient-ils des clins d’œil à Tintin? L’autre est le mini-récit en supplément, Tash et Trash dans C’est moi le roi, titre qui cache une aventure en montgolfière dans la vallée des dinosaures, du vu et revu présenté ainsi, mais Dino arrive grâce à son talent unique pour mixer cruauté (balancer un enfant par dessus bord pour alléger) et candeur à réinventer le genre .

Les cavaliers de l’apocadispe font une découverte inquiétante, le directeur de l’école a décidé de nourir sainement les enfants (pour que ne se reproduise plus l’intoxication à la buche de Noël périmée depuis 50 ans d’un épisode précédent), et Jé suit un suspect en se scotchant sous le chassis de sa voiture, ce qui est plus discret et moins ramenard que de s’accrocher à la roue de secours comme ont pu le faire d’autres héros de BD. Suite à la révélation du chapitre précédent, cette semaine Atelier Sentô a réalisé en bichromie orange et bleue (décidemment...) l’épisode de Tokyo Mystery Café pour un flash-back sur le surprenant passé du patron.

Clin d’œil encore, facétieux cette fois, dans Manoir à louer, où Trondheim et Juanungo reproduisent un célèbre cow-boy solitaire à cinq exemplaires, toute la famille se déguisant en Lucky Luke. Du surnaturel fait son apparition dans Titan inc. (pour autant que l’on considère naturelle la situation de base où le temps est étiré à l’infini), reconversion pour les Fabrice, qui veulent abandonner L’édito pour devenir des rockstars, Ced et Gorobei s’amusent avec la communication visuelle dans Gary C. Neel, Panda recherche une colocation dans Dad, qui se révèle très réactif dans l’utilisation d’un smartphone, et enfin deux pages de Kid Paddle, qui se projette grand scientifique dans le futur, et deux autres de Capitaine Anchois, où Louis va voir le chamane qui le transforme en une sorte de Godzilla, ce qui, avec le gag d’AnnabelleSti et Ghorbani envoient celle-ci chez une praticienne vaudoue, fait deux histoires de pirates ayant recours à la sorcellerie dans le même numéro, mais la narration est bien mieux maitrisée par Floris que dans Annabelle, où les dialogues font forcés.
Enfin, sur la BD de la semaine portent les Jeux La récré de l’angoisse, de Tom Sorroldoni, nouveau venu dans Spirou, mais très présent sur l’ensemble des réseaux sociaux, et éventuellement le Bon d’abonnement de Cromheecke et Thiriet, dans lequel un élève est menacé de recevoir les Spirou de l’année dernière s’il redouble...

Spirou et moi est consacré à Anne-Perrine Couët, dont deux pages de gags intitulés Mauvaises graines parues dans le spécial printemps annonçaient en fait une série qui va se poursuivre dans le magazine. Elle proclame un goût pour les filles badass (son idole d’enfance était Luna fatale), rêverait de reprendre Mélusine, et a dessiné une (belle et graphiquement surprenante) biographie de Élisabeth Báthory (si vous ne la connaissez pas, sachez que Will a réalisé un oncle Paul sur elle, scénarisé par Conrad et Yann. Pichard et Lo Duca ont aussi fait sa biographie en BD, mais là on s’éloigne franchement de Spirou), ce qui est très cohérent. En direct du futur annonce un festival de BD avec les Fabrice, et une publicité pour Mi-Mouche est très manga shônen dans sa présentation comme personnage qui va devoir traverser de nombreuses épreuves pour se réaliser, et amusante par son premier tome qualifié de premier round. Une autre publicité concerne Belfort et Lupin, une série animalière pour enfants chez Dupuis, très disneyenne visuellement.
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Re: Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...

Message par heijingling »

Numéro 4547 du 04/06/2025

Ici un aperçu du numéro: https://www.spirou.com/quelle-vie-de-chien/

Moi qui en suis friand dans le magazine, je suis gâté avec trois histoires courtes cette semaine. En couverture, un homme et son jeune chien par Munuera, auteur prolifique et polymorphe, dont l’œuvre va de grandes séries populaires originales, reprises ou dérivées, à des adaptations littéraires. Cette histoire de quatre pages, qui commence abruptement et contient des références étranges (pourquoi l’homme qualifie-t-il son chien de pastèque?) et, nous dit Munuera dans L’arrière-boutique, https://www.spirou.com/decouvrez-les-se ... s-munuera/ ,« est inspirée de Son odeur après la pluie, un roman de Cédric Sapin-Dufour que je viens d’adapter en BD pour les éditions du Lombard », ne serait-elle qu’un extrait de cet album ? Rien à dire sur le fond de l’histoire, à la morale démonstrative (on est loin de son adaptation de Bartleby), mais on peut voir des crayonnés de Munuera, rehaussés de crayon et d’aquarelle gris, avant leur mise en couleurs par Sedyas, ainsi que ses techniques de dessinateur animalier, mélant le réalisme photographique et un énergique cartoon. Plus loin dans le numéro, un conte philosophique scénarisé par Deveney justement intitulé L’ogre philosophe, joliment mis en images par Aurélie Guarino en couleurs directes et flamboyantes, rendant l’ogre, malgré son gigantisme, son aspect hirsute et son appétit monstrueux, peu effrayant, mais ce n’était pas le but, qui est de montrer un appétit pour la chair devenir un appétit de mots, l'ogre finissant par « composer des récits » plutôt que des recettes. Mais comment, en plein XVIe siècle, lors d’un hiver si froid que « l’encre gelait dans les pots », un homme, fût-il libraire, peut-il rester chez lui en bras de chemise ? Enfin, une histoire du capitaine Anchois, annoncée en médaillon de couverture, cinq pages où Floris met à plat sa méthode narrative : quelle que soit la situation, il fait agir ses personnages selon leur caractérisation (ici le capitaine vénal, Louis le nerd moral), et les disruptions (le coq-à-l’âne apparent) viennent de leurs confrontations lorsqu’elles sont poussée à bout, ou au contraire lorsqu’elles sont, comme dans cette histoire, contrariées : un monstre que le folklore contraint à agir selon sa condition apparente, le poussant à se consoler avec son nounours, un ours contraint à jouer au nounours, rêvant d’être un vrai ours à « flanquer des coups sur la tronche des saumons, empêcher les feux de forêt » pour se rendre compte que « au fond, être un nounours, c’était pas si mal. » La densité des histoires de Floris (il traite en cinq pages une matière dont d’autres tireraient un 48CC) vient aussi, outre la profusion des dessins et l’inventivité dans les personnages, du sous-texte social déjà noté (la contrainte sociale sur le monstre) et des liens à la culture et la mythologie populaires (Smokey Bear).

Plus d’histoires complètes implique moins de (à suivre), deux seulement. Dans Tokyo Mystery Café, suite à la révélation du chapitre précédent, nos héro-ïnes (l’écriture regenrée (ou inclusive) force parfois à de ces contorsions…) envoient un message à l’assassin par le biais d’un manga, auquel toute l’équipe contribue, dans un maid café (comment le patron du TMC peut-il accepter cela ? Sans doute la volonté extrême-orientale d’éviter les confrontations -sauf cas particuliers). L’atelier Sentô ne rend pas le Japon présent que dans les décors (un camp de SDF, rarement vu dans le Japon touristique) et la mentalité mais aussi dans les cadrages baroques avec de nombreuses contre-plongées, dans lesquelles les nez des personnages de face ressemblent à des groins (qui eux ne font pas japonais). Les cavaliers de l’apocadispe réalisent eux une prouesse en sautant d’un camion en marche, qui entraine une catastrophe nutritivo-routière qui méritait bien que Libon l’étende sur deux pages. Enfoncés, James Bond et Gil Jourdan.

Pléthore de gags par contre : Manoir à louer, que le dessin de Juanungo situe dans un Paris à la fois immédiatement identifiable et réinventé, les Fabrice qui hésitent, pour devenir des rockstars, à abandonner L’édito, ce qui les priverait de leur paye, Crash Tex, où Dab’s, par sa mise en scène, renouvelle le gag éculé de l’objet avalé par mégarde, Raowl, qui échoue à sauver les monstres mis en détresse par les princesses qui ont renversé les rôles (dont une tire à l’arc « plus vite que son ombre », il devient de plus en plus difficile pour un auteur à échapper aux références de nos jours…), Psychotine, où Zimra dessine un chat tellement sauvage que j’ai eu peine à le reconnaître comme tel, les Otakus, qui veulent monter une école de ninjas, et où les autrices Nena et Maria-Paz n’ont pas jugé utile d’indiquer ce que sont les ramens, que ne connaît pas une grand-mère (qui vit à notre époque mais selon une autre trajectoire, d’où gag), une page de gag de Nelson, où pour une fois Bertschy délaisse le format strip pour montrer la pression et l’intensité de la vie de Julie, au point qu’elle veuille renommer la série à son nom, d’amusants 3 infos 2 vraies 1 fausse de Bercovici, Bernstein et Dominique Thomas, et dans La pause cartoon, trois gags sur les quatre reposent sur la rencontre hi-tech et lo-tech. Dans Titan inc., le toujours opportuniste capitaine utilise pour son compte les doubles des personnages qui apparaissent mystérieusement depuis la semaine précédente : Paul Martin et Manu Boisteau dirigent leur vaisseau comme une image de notre société, et c’est en effet une marque essentielle du libéralisme économique que de savoir saisir les opportunités. Tous les personnages ne s’en sortent pas aussi bien avec les IA qui tendent à prendre notre place : contrepied du gag précédent, dans celui-ci Dad danse la MIA, autrement dit s’embrouille avec une mésintelligence artificielle. Maintenant que l’on sait que chaque T-shirt de Dad est en lien avec le gag, je me demande ce que Blondie a à voir avec celui-ci, peut-être que les IA ont un Heart of glass ? Par contre, Midam et Tinlot parlent beaucoup dans le livre d’entretiens L’art du gag des opportunités venant des contraintes éditoriales et commerciales, et on trouve dans ce numéro un gag de Game over et un de Kid Paddle, ce dernier ne se différenciant du premier que par la présence de Kid en dernière case, un recyclage d’une série pour l’autre, là probablement parce que Midam et ses collaborateurs manquaient de matière pour le prochain album de Kid Paddle et en avaient en abondance pour Game over (toujours dans le même livre, Midam dit penser ses gags par album et pas par parution dans le journal). Il devait rester un trou à boucher, puisque est sorti de je ne sais quel tiroir un gag de Harry de Nix et Benus, qu’on n’avait plus vus dans le journal depuis plus de deux ans (ce que je regrette pour Nix, qui a par par ailleurs une forte activité dans le monde néerlandais).

Pour le reste, Munuera dans Bienvenue dans ma bibliothèque dit accumuler les livres (en plusieurs langues), BD, des auteurs les plus prestigieux aux fumetti (Pratt, qui remplit les deux cases), romans, essais, documents scientifiques, entretiens, sa vie idéale étant la grotte formée de milliers de livres dans Gaston (l’image la plus fantasmée de toute la BD franco-belge?), Marko donne avec humour une Leçon de BD utile pour le placement des personnages selon les dialogues, En direct du futur annonce le second volet de Tanis, les auteurices Valérie Mangin et Denis Bajram insistant sur la base historique de cette série mythologique (bien qu’ils avancent que «l’esclavage est une facette pas très glorieuse de l’histoire de l’humanité » et que « dans les temps anciens cette domination s’exerçait via la religion ». Pourquoi mettent-ils cela au passé ? Enfin, la scatologie de la semaine consiste à trouver les crottes de chiens dans les Jeux de Tyst, tandis que dans une publicité pour les cavaliers de l’apocadispe, Libon illustre en quatre cases son art du gag, et une autre est pour la promotion annuelle de l’été et ses albums bradés.
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Re: Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...

Message par heijingling »

Numéro 4548 du 11/06/2025

Ici un aperçu du numéro: https://www.spirou.com/joyeux-anniversa ... agent-212/

Pour fêter les 50 ans de l’agent 212, nombres d’auteurs ont répondu à l’appel, dont la plupart des dessinateurs de séries de gags dont Cauvin était scénariste (du moins ceux encore en activité). Laudec, dorénavant auteur complet de Cédric, a dessiné un gag où intervient l’agent 212, et a épaissi son encrage pour les gros plans de celui-ci, pour se rapprocher du dessin de Kox. Pour l’occasion Pierre Tombal, disparu depuis 2017 (hormis une apparition en hommage à Cauvin en 2021) , est revenu : entre lui et l’agent 212, c’est à qui aura le plus gros nez sous le crayon de Hardy (qui, pour une fois en auteur complet, s’est permis une référence politique avec les O.Q.C.I., « obligations de quitter le cimetière immédiatement »). Bédu n’a lui pas repris les Psy mais a mis en scène l’agent dans un gag avec son chien, sans uniforme, ce qui est ici exceptionnel, tous les autres auteurs l’ayant repris sous sa fonction d’agent. Bercovici n’a pas non plus repris Les femmes en blanc, mais sur scénario de Bernstein il met en scène Kox (on connaît dans Spirou son goût pour les caricatures, il s’en donnait à cœur joie dans le Coach) avec son personnage, dans un clin d’oeil entre les deux dessinateurs, sur les légendaires vitesse de l’un et lenteur de l’autre, puis des deux mêmes auteurs, 3 infos 2 vraies 1 fausse consacrées à des anecdotes sur la police.

Parmi les auteurs non historiques, dans Manoir à louer Juanungo et Trondheim mettent en scène un sosie de l’agent 212 (à l’uniforme modernisé), Ced et Gorobei dans Gary C. Neel et Berth dans Des gens et inversement reprennent le même gag (coller des P.V. au lieu de d’arrêter la délinquance violente), avec des effets opposés, le gag s’arrêtant là chez Berth (avec une tentative de justification de ses actes par 212), alors que cela permet au « ranger 212 » de stopper des pilleurs de trains. De même chez Nelson il arrive à trouver un coupable par hasard, et dans Les Fifiches du Proprofesseur il éloigne des envahisseurs extra-terrestres mal garés. Dav et Cyril Trichet le mettent dans une situation inédite pour lui par dans Pernille, où il se retrouve modèle d’un fashion designer médiéval créant un nouveau type d’uniforme remplaçant la cote de maille. Enfin, le thème de l’anniversaire se retrouve, outre chez Cédric, dans les Jeux de Michel-Yves Schmitt, dans l’histoire courte de Family life de Jacques Louis, où le protagoniste de la famille réussit à déserter une dispute familliale de plus en s’inscrustant dans la fête, enfin dans la première des deux histoires de l’agent 212 par Kox de ce numéro, en deux pages sur le thème de l’anniversaire surprise qui tourne mal, la première faisant monter la tension, la deuxième la faisant retomber en gag en un grand dessin pleine page. Ce 651e gag est dédié « à Raoul », en double dédicace, puisque c’est aussi le nom du bistro de la première case. La seconde histoire est placée en fin de magazine, mais est en fait le gag précédement réalisé, le 650, en une page en trois bandes, comme Kox le fait souvent, pour exprimer avec plus de puissance l’expression de ses personnages, son point fort. Expression des corps tout autant que des visages , comme on le voit dans l’amusant Tuto dessiné où il décrit 212 comme un petit œuf (la tête) sur un gros (le corps). Olivier Saive, décrit comme « un pilier de Spirou » (il y a été très présent entre 1989 et 2011, même s’il n’y a réalisé aucune série marquante,et sporadiquement depuis) dans Bienvenue dans mon atelier, parle d’ailleurs de 212 comme d’« un ballon de rugby, que Kox fait bouger comme dans un dessin animé. » Il nous y rappelle qu’il avait repris Chaminou le temps de quatre album (dont deux étaient une nouvelle mouture de Chaminou et le Khrompire), et j’apprends que Dominique Paquet, graphiste et metteuse en page du magazine, est son épouse (cette information n’a pas grand intérêt sauf pour les complétistes, mais cette rubrique est anecdotique par essence). Saive en est l’invité car c 'est lui qui a dessiné l’agent 212 dans Un agent au poil, le roman-photo scénarisé par Thierry Tinlot et Bernstein, où l’on voit l’élégante tour de police de Charleroi, concue par Jean Nouvel et MDW architecture ( Dans Mi-Mouche, danse et boxe se croisaient, ici, c’est danse et police que fait se rencontrer Jean Nouvel... https://www.jeannouvel.com/projets/hote ... oi-danses/ ) , un bâtiment passif à enveloppe en bois surnommé la Tour Bleue, car «recouverte de briques bleues qui rappellent la couleur de la police » (Wikipédia) . Ce détail de couleur est cocasse car dans le « Dossier confidentiel » de ce numéro, Kox raconte qu’il n’a pas changé la couleur de l’uniforme de 212 depuis sa création en 1975, quand « tous les policiers dessinés avaient un uniforme noir ». Ce dossier nous montre aussi combien l’agent a gagné en embonpoint depuis ses débuts, au point que Kox dit « n’avoir plus de place dans ses cases pour faire des gros plans » (une autre raison à ses fréquentes planches en trois bandes). Enfin, Kox rappelle aussi que, même si les planches étaient toujours signées Kox et Cauvin, il avait repris les scénarios il y a plus de 15 ans. https://www.spirou.com/lagent-212-fete- ... -carriere/ Un concours permettant de gagner un képi dédicacé et un Popstatic de Thomas Matthieu complètent l’hommage anniversaire de ce numéro, auxquel seuls dans les gags n’auront pas participé Brad Rock, Dad et, paradoxalement, les soi-disant éditorialistes, toujours dans leur idée de devenir les rocks stars The Fabrice (ils sont d’ailleurs qualifiés de traîtres dans En direct du futur).

Dans les (à suivre), Tokyo Mystery Café s’ouvre sur une case panorama sur deux pages à fond perdu pour représenter un jardin traditionnel installé sur le toit terrasse d’un immeuble contemporain (l’anachronisme et la crainte d’en faire trop en architecture sont inconnus en extrême-orient). Après un nouveau retournement de situation, dont est décidemment riche cet épisode, la résolution de l’intrigue se met en place par de longues explications en flash-backs, on gagne en clarté ce qu’on perd en tension narrative. Les cavaliers de l’apocadispe, pas découragés après leur échec spectaculaire ( au sens propre) du chapitre précédent, cherchent un nouveau plan pour « empêcher qu’ils livrent les caisses à l’école ...alors qu’elles sont déjà là... ». La foi, le sérieux et l’enthousiasme avec lesquels ils se livrent à leurs projets les plus improbables est très bien observée veant de gamins de leur âge, et mise en scène par Libon avec une verve très personnelle.

Enfin, trois pages de publicités, pour le début du dernier cycle de Frnck, pour un nouvel album de la série Le fil de l’histoire, sur le Louvre, et pour des albums de Lucky Luke en « retour au format historique », soit un retour aux albums individuels avec maquette d’origine. Dupuis désintègre les intégrales, où est l’intégrité éditoriale ?
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