Re: Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...
Posté : lun. 9 déc. 2024 03:16
Numéro 4519 du 20/11/2024
Ici un aperçu du numéro: https://www.spirou.com/actualites/somma ... erie-tanis
Couverture sur une nouvelle série, Tanis, se déroulant dans l’ Égypte ancienne, mais bien que, ou parce que, la coscénariste Valérie Mangin soit une historienne chartiste, déjà autrice de Alix senator, ce n’est pas une série historique mais tant préhistorique que légendaire, puisque se passant « il y a douze millénaire, après la chute d’Atlantis, avant que l’ Égypte ne soit l’ Égypte ». Le couple de scénaristes Valérie Mangin et Denis Bajram reconstruisent une époque datant d’avant l’écriture, sur laquelle les historiens n’ont donc aucun document autre qu’archéologque et mythologique, et s’amusent à méler les époques, vraiment toutes les époques, et les légendes, en inventant même, mais toujours sur une base de plaisir et de raison. Bajram et Mangin, dans l’interview de présentation : "-Bien sûr, nous ne croyons pas à ce mythe d'un continent perdu, qui n'est qu'une métaphore politique inventée par Platon pour parler d'Athènes. Cela dit, lorsque nous écrivons Tanis, nous croyons à nos fictions avec la passion de complotistes cherchant à convaincre de leurs thèses ! Afin de ne pas rajouter de fake news dans une époque où il y en a déjà beaucoup, nous distinguerons ce qui est vrai de ce qui est faux dans un dossier à la fin de chaque album de Tanis." Stéphane Perger, dessinateur : "-Pour le casque d'Osiris, je me suis inspiré de représentations du dieu sur des sculptures égyptiennes et j'ai aussi puisé dans mes souvenirs de dessins animés, tels Les mystérieuses cités d'or et Ulysse 31. Nous avions envie de nous rapprocher de ces références de notre enfance où l'historique et l'imaginaire étaient fortement liés. » L’histoire est voulue aussi impressionnante que sensible et réflexive: « Stéphane, qui a travaillé dans le comics [note :Avengers en particulier], amène son sens de la mise en scène à grand spectacle. Nous, scénaristes, donnons à Tanis un côté "feuilleton" inspiré du manga, tout en gardant le côté structuré et culturel de l'écriture "à la franco-belge".Tanis, c'est notre Schtroumpfissime à nous. On n'y critique pas précisément la religion, mais plutôt toutes les formes de pouvoir. » Les premières planches sont très prometteuses, éclatées sur dégradés de feux, puis resserrées sur dégradés de bleu nuit, pour méler en fin de chapitre les tons lorsque la jeune héroïne, Tanis, remonte dans la légende avec son vieux père adoptif. Les planches de Stéphane Perger sont sur fond de couleur, pour mieux immerger dans l’univers légendaire de Tanis, Dan fait de même pour Soda, mais uniquement sur fond noir, pour une légende moderne : on apprend que le 11 septembre était un coup d’état, qu'un caucasien qui en fait partie se fait passer pour un radical islamiste, et que Soda semble lui aussi passé du côté obscur, s’appretant à faire subir un mauvais sort à « celui qui a buté » le chat de sa mère...A rebours des élipses précédentes, Bruno Dequier s’attarde longuement sur les dernières minutes de la demi finale de la coupe du Griffon, puisque Louca entre enfin sur le terrain, on a donc un chapitre très dynamique, où « Louca est bien resté...Louca », tant héroïque et performant que maladroit. La tension accumulée par la petite équipe dans les mystérieux souterrains mayas de Décalécatàn explose, avec l’archéologue mexicaine mettant les pieds réflexifs dans le plat méta en criant sur les Fabrice « Vous vous croyez dans une comédie d’aventure des années 80 ? »
Mise en abyme aussi dans l’histoire courte du numéro, Cédric rangeant sa chambre en suivant un tuto de la méthode organisationnelle de Marie Tango (sic), dans une histoire où Laudec a lui aussi visiblement agencé et imbriqué ses cases comme un puzzle virtuel, et incrustant des images de personnages de Spirou dans la chambre de Cédric, du dernier Tuniques bleues aux Fabrice, à Natacha et au vrai Gaston Lagaffe.
Pas de Kid Paddle cette semaine, et c’est Dab’s avec Crash Tex, qui arrête un but d’une façon aussi incongrue (et douloureuse) que Louca, qui a les honneurs de la page deux. Les Fabrice, confondant les civilisations, présentent dans leur Édito un origami de pyramide, les Jeux de Casters sont aussi sur le thème de la semaine, avec les personnages du journal dans l’Égypte des pyramides ( mais Papyrus et Hapinès en sont étrangement absents), et le Bulletin d’abonnement de Cromheecke et Thiriet offre une mythologie personnelle avec Abo, le dieu des abonnés. Légende aussi dans Raowl, où Tebo raconte sa version propre de l’origine de Peau d’âne. Humour référentiel dans Brad Rock the golddigger, de Jilème et Sophie David, avec un brocanteur nommé Brolwinkel, et humour graphique dans Gary C. Neel de Ced et Gorobei. Si dans Titan Inc. la secte n’apparait plus, le bon sens de Ned le marin ne peut rien face à l’aveuglement en fin de compte tout aussi fanatique du capitaine et de la DRH. Enfin, dans Dad flashback, Panda entre dans la préadolescence et a son premier portable, car, dit son père « elle arrive à un âge où toutes ses copines en ont déjà un. » Je préciserai « en ont déjà un depuis des années », car de plus en plus d’enfants ont dorénavant un portable bien avant l’entrée au collège, Nob n’exprime donc pas ici les dernières errances de la société, volontairement sans doute.
Les BD de ma vie sont celles de Dodier, qui a commencé la BD par les petits formats, de [Kiwi à Blek le roc et Zembla, saveur populaire que l’on trouve encore dans JKJ Bloche, et l’auteur rappelle qu’il a débuté avec son ami de toujours Pierre Makyo dans Pistil, le seul magazine BD réellement écologiste, à la fin des années 70. En direct du futur annonce une nouvelle série de fantasy, en précisant que « ce n’est pas la spécialité de Dupuis. « Non, c’est vrai, confie Benoit Fripiat, éditeur de la série, je me méfie du genre. Un coup de baguette magique et, hop, tout s’arrange. Un peu facile. » La justification serait plus crédible si Dupuis ne publiait pas des séries SF où les multivers et le virtuel tiennent lieu de la facilité de la baguette magique, et surtout la remarque n’aurait pas l’air d’une plaisanterie involontaire si Spirou ne publiait pas déjà tant de séries de fantasy pure ou de SF fantasy, de Créatures à Zombillénium, en passant par Poltron-Minet, Trésor, les Cœurs de ferraille, le Roi louve ou Les sœurs Grémillet ou Tanis dans ce numéro même et pendant longtemps Seuls. Enfin, intéressant témoignage dans Spirou et moi de Gerrit de Jager, auteur néerlandais qui a publié Aristote et ses potes dans Spirou entre 1985 et 1995, des gags dans un restaurant végétarien, signe de l'avancement de la société néerlandaise par rapport à la franco-belge à l’époque, où prendre un tel lieu pour sujet de gags aurait été peu imaginable. Il dit comment il a été viré « avec la plus grande correction » pour des chiffres de vente qui ne décollaient pas, alors qu’aujourd’hui pour de tels chiffres « on lui embrasserait les pieds », sa joie d’avoir été publié dans Spirou et Robbedoes, le seul auteur néerlandais à avoir réussi cela, et le statut peu considéré de la BD aux Pays-bas, où il est pourtant une vedette, par rapport à la France et la Belgique.
Ici un aperçu du numéro: https://www.spirou.com/actualites/somma ... erie-tanis
Couverture sur une nouvelle série, Tanis, se déroulant dans l’ Égypte ancienne, mais bien que, ou parce que, la coscénariste Valérie Mangin soit une historienne chartiste, déjà autrice de Alix senator, ce n’est pas une série historique mais tant préhistorique que légendaire, puisque se passant « il y a douze millénaire, après la chute d’Atlantis, avant que l’ Égypte ne soit l’ Égypte ». Le couple de scénaristes Valérie Mangin et Denis Bajram reconstruisent une époque datant d’avant l’écriture, sur laquelle les historiens n’ont donc aucun document autre qu’archéologque et mythologique, et s’amusent à méler les époques, vraiment toutes les époques, et les légendes, en inventant même, mais toujours sur une base de plaisir et de raison. Bajram et Mangin, dans l’interview de présentation : "-Bien sûr, nous ne croyons pas à ce mythe d'un continent perdu, qui n'est qu'une métaphore politique inventée par Platon pour parler d'Athènes. Cela dit, lorsque nous écrivons Tanis, nous croyons à nos fictions avec la passion de complotistes cherchant à convaincre de leurs thèses ! Afin de ne pas rajouter de fake news dans une époque où il y en a déjà beaucoup, nous distinguerons ce qui est vrai de ce qui est faux dans un dossier à la fin de chaque album de Tanis." Stéphane Perger, dessinateur : "-Pour le casque d'Osiris, je me suis inspiré de représentations du dieu sur des sculptures égyptiennes et j'ai aussi puisé dans mes souvenirs de dessins animés, tels Les mystérieuses cités d'or et Ulysse 31. Nous avions envie de nous rapprocher de ces références de notre enfance où l'historique et l'imaginaire étaient fortement liés. » L’histoire est voulue aussi impressionnante que sensible et réflexive: « Stéphane, qui a travaillé dans le comics [note :Avengers en particulier], amène son sens de la mise en scène à grand spectacle. Nous, scénaristes, donnons à Tanis un côté "feuilleton" inspiré du manga, tout en gardant le côté structuré et culturel de l'écriture "à la franco-belge".Tanis, c'est notre Schtroumpfissime à nous. On n'y critique pas précisément la religion, mais plutôt toutes les formes de pouvoir. » Les premières planches sont très prometteuses, éclatées sur dégradés de feux, puis resserrées sur dégradés de bleu nuit, pour méler en fin de chapitre les tons lorsque la jeune héroïne, Tanis, remonte dans la légende avec son vieux père adoptif. Les planches de Stéphane Perger sont sur fond de couleur, pour mieux immerger dans l’univers légendaire de Tanis, Dan fait de même pour Soda, mais uniquement sur fond noir, pour une légende moderne : on apprend que le 11 septembre était un coup d’état, qu'un caucasien qui en fait partie se fait passer pour un radical islamiste, et que Soda semble lui aussi passé du côté obscur, s’appretant à faire subir un mauvais sort à « celui qui a buté » le chat de sa mère...A rebours des élipses précédentes, Bruno Dequier s’attarde longuement sur les dernières minutes de la demi finale de la coupe du Griffon, puisque Louca entre enfin sur le terrain, on a donc un chapitre très dynamique, où « Louca est bien resté...Louca », tant héroïque et performant que maladroit. La tension accumulée par la petite équipe dans les mystérieux souterrains mayas de Décalécatàn explose, avec l’archéologue mexicaine mettant les pieds réflexifs dans le plat méta en criant sur les Fabrice « Vous vous croyez dans une comédie d’aventure des années 80 ? »
Mise en abyme aussi dans l’histoire courte du numéro, Cédric rangeant sa chambre en suivant un tuto de la méthode organisationnelle de Marie Tango (sic), dans une histoire où Laudec a lui aussi visiblement agencé et imbriqué ses cases comme un puzzle virtuel, et incrustant des images de personnages de Spirou dans la chambre de Cédric, du dernier Tuniques bleues aux Fabrice, à Natacha et au vrai Gaston Lagaffe.
Pas de Kid Paddle cette semaine, et c’est Dab’s avec Crash Tex, qui arrête un but d’une façon aussi incongrue (et douloureuse) que Louca, qui a les honneurs de la page deux. Les Fabrice, confondant les civilisations, présentent dans leur Édito un origami de pyramide, les Jeux de Casters sont aussi sur le thème de la semaine, avec les personnages du journal dans l’Égypte des pyramides ( mais Papyrus et Hapinès en sont étrangement absents), et le Bulletin d’abonnement de Cromheecke et Thiriet offre une mythologie personnelle avec Abo, le dieu des abonnés. Légende aussi dans Raowl, où Tebo raconte sa version propre de l’origine de Peau d’âne. Humour référentiel dans Brad Rock the golddigger, de Jilème et Sophie David, avec un brocanteur nommé Brolwinkel, et humour graphique dans Gary C. Neel de Ced et Gorobei. Si dans Titan Inc. la secte n’apparait plus, le bon sens de Ned le marin ne peut rien face à l’aveuglement en fin de compte tout aussi fanatique du capitaine et de la DRH. Enfin, dans Dad flashback, Panda entre dans la préadolescence et a son premier portable, car, dit son père « elle arrive à un âge où toutes ses copines en ont déjà un. » Je préciserai « en ont déjà un depuis des années », car de plus en plus d’enfants ont dorénavant un portable bien avant l’entrée au collège, Nob n’exprime donc pas ici les dernières errances de la société, volontairement sans doute.
Les BD de ma vie sont celles de Dodier, qui a commencé la BD par les petits formats, de [Kiwi à Blek le roc et Zembla, saveur populaire que l’on trouve encore dans JKJ Bloche, et l’auteur rappelle qu’il a débuté avec son ami de toujours Pierre Makyo dans Pistil, le seul magazine BD réellement écologiste, à la fin des années 70. En direct du futur annonce une nouvelle série de fantasy, en précisant que « ce n’est pas la spécialité de Dupuis. « Non, c’est vrai, confie Benoit Fripiat, éditeur de la série, je me méfie du genre. Un coup de baguette magique et, hop, tout s’arrange. Un peu facile. » La justification serait plus crédible si Dupuis ne publiait pas des séries SF où les multivers et le virtuel tiennent lieu de la facilité de la baguette magique, et surtout la remarque n’aurait pas l’air d’une plaisanterie involontaire si Spirou ne publiait pas déjà tant de séries de fantasy pure ou de SF fantasy, de Créatures à Zombillénium, en passant par Poltron-Minet, Trésor, les Cœurs de ferraille, le Roi louve ou Les sœurs Grémillet ou Tanis dans ce numéro même et pendant longtemps Seuls. Enfin, intéressant témoignage dans Spirou et moi de Gerrit de Jager, auteur néerlandais qui a publié Aristote et ses potes dans Spirou entre 1985 et 1995, des gags dans un restaurant végétarien, signe de l'avancement de la société néerlandaise par rapport à la franco-belge à l’époque, où prendre un tel lieu pour sujet de gags aurait été peu imaginable. Il dit comment il a été viré « avec la plus grande correction » pour des chiffres de vente qui ne décollaient pas, alors qu’aujourd’hui pour de tels chiffres « on lui embrasserait les pieds », sa joie d’avoir été publié dans Spirou et Robbedoes, le seul auteur néerlandais à avoir réussi cela, et le statut peu considéré de la BD aux Pays-bas, où il est pourtant une vedette, par rapport à la France et la Belgique.