Re: Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...
Posté : lun. 22 juil. 2024 21:08
Numéro 4500 du 10/07/2024
Ici un aperçu du numéro: https://www.spirou.com/actualites/somma ... s-dit-tout
Étonnante mise en abîme dans de numéro: Le Petit Spirou est apparu il y a plus de 40 ans a l’occasion d’un numéro de Spirou album + sur les 45 ans de Spirou, dans une histoire courte intitulée "La seule et unique histoire plus ou moins vraie de la jeunesse de Spirou racontée par l'oncle Paul", de Tome et Janry, et son histoire de cette semaine, réalisée par Janry, “avec un joli coup de main de Jacques Louis”, Janry ayant dit avoir du mal à scénariser des histoires plus longues que les gags en une planche, pourrait s’intituler "La seule et unique histoire plus ou moins vraie de la jeunesse de Tintin racontée par le petit Spirou". On y apprend que Tintin n’est pas son vrai nom (comme pour Spirou, c’est un pseudonyme, car depuis quelques années on sait que les personnages de BD n’ont plus le droit d’avoir des noms de fantaisie et doivent porter des noms sérieux et respectables, comme Donald, Duck et Trump ou Mickey, Mouse et L’ange), mais bien Constantin (comme La Donation) Broutin et que sa mèche est inspirée de celle de Spirou. Pour bien faire ressentir la transgression parodique, la couverture de Janry est plongée dans un clair-obscur à l’opposé du style de Rémi Georges, et les enfants sonts accompagnés d’un hérisson vraisemblablement nommé Kissifrot, symbole du terrain glissant appartenant à Tintinimaginatio, ex Moulinsart, ex Tintin licensing, sur lequel ils s’aventurent.
Autre histoire courte du numéro, une nouvelle série, annoncée en couverture, Gary C. Neel, Mon papy à l’ouest: festival de jeux de mots (ce serait donc ainsi que se prononce le nom de l’auteur de Lou!) du scénariste Ced et du dessinateur Gorobei, qui ont fait plusieurs séries jeunesse ensemble, et celle-ci est la troisième rien que dans Spirou. C’est par ailleurs la seconde série western de Gorobei, après Doc Medoc (un émule du docteur Doxey) et Earp Stride, dans laquelle les personnages, au cou implanté dans le corps, ressemblaient à des pots de yaourt. Ici, Gorobei revient à son style Playmobil, dans lequel les personnages ne semblent pas avoir d’articulations ou d’expressions organiques, leurs organes paraissant emboîtés les uns dans les autres, comme papy C. Neel sur son âne. Plutôt efficace, cela donne immédiatement le ton, entre parodie et décalage, de ses séries, comme le sont aussi Denise et Charles/ Les Lolicornes (chez Dupuis, aussi avec Ced). Et ce système de dessin où l’artificialité est poussée à fond offre une plus large palette d’expressions que celui de Clémence Perault, dans Léon et Léna, où le même système est moins assumé et plus pris dans ses propres limites.
Sans tomber dans les jugements extrêmes à la Roy Lichtenstein selon qui le dessin de BD n’inventait rien graphiquement, il faut reconnaitre que celui-ci est propice au dessin conçu comme système graphique, le tout étant qu’il soit pensé comme tel, comme chez les grands maîtres de ce type de BD, Morris ou Schulz, ou même qu’il soit forcé par les limites graphiques du dessinateur. L’avantage est que, dans un tel système, le dessinateur peut faire de ses propres limites une force, comme Midam (et ses collaborateurs au dessin Ian Dairin et Adam) dans Kid Paddle et Game over où la répétitivité fait partie du jeu. Tebo, dont le dessin extrêmement outrancier et codé pourrait vite faire apparaître ses limites évite aussi ce piège en faisant évoluer ses personnages dans un univers à la fois très défini et riche en imagination (comme les jeux vidéos de Kid Paddle), et la fertilité de sa mise en page: ici, tous les personnages en pieds, une première bande dont les trois cases sont unifiées par un trait représentant le sol, et sous ce sol les vignettes hors cases unifiées par un fond orange, sauf l’avant dernière vignette en plan américain sur fond blanc, amenant la dernière, une explosion de mouvement vers le haut, mise dans la diagonale de la première, la même gestuelle mais vers le bas. Tebo pense sa planche dans son entièreté, vraisemblablement plus que ses cases prises une par une, c’est un véritable auteur de BD. D’autres auteurs de ce numéro le sont tout autant, mais à une autre échelle. Au niveau du strip, Bernstein et Moog construisent chaque bande de Willy Woob comme un tout, avec leur bichromie de couleurs différentes par bande (qui fait d’autant plus ressurgir les couleurs multiples du tas de linge sale dans le deuxième strip), et leur titre dessiné. Au niveau du chapitre, Barth, Pomès et Drac font de même avec leur Lieutenant Bertillon, cette semaine celui-ci étant prisonnier dans une grotte de glace composée sur et par l’ensemble de la page. Munuera et Sedyas le font aussi dans une certaine mesure, les auteurs dynamisant leurs planches par la mise en page, tandis que la couleur et le dessin sont imbriqués par l’utilisation de trames, mais c’est circonstanciel à cet épisode des Cœurs de ferraille, qui compte peu de séquences d’action, et doit être frustrant pour Munuera, dessinateur du mouvement. Coïncidence, deux pages de gags de. ce numéro sont aussi construites sur l’ensemble de la planche: dans Pernille, Dav, Cyril Trichet et Esteban font un gaufrier de neuf cases représentant différentes vues d’un visage de troll en très gros plan, la case finale révélant qu’il se faisait taper dessus à coup de miroir, et on voyait y donc le reflet de son visage. Problème: les cases sont carrées, le miroir est circulaire, la planche est donc inaboutie. Dans Annabelle, pirate rebelle, Sti, Cédric Ghorbani et Cerise montrent un mousse fêtant un pont de bateau qui se balance, la dernière case montrant Annabelle faisant osciller le bateau pour faciliter le travail du mousse. Problème: le cadrage trop serré diminue l’effet de mouvement. Dans les deux cas, c’est le dessin de chaque case qui a été privilégié par rapport à l’ensemble de la planche, alors que, vu le sujet, c’aurait dû être l’inverse. Les auteurs sont trop pris dans les normes. Dans La leçon de BD, un très jeune auteur (14 ans) propre une planche très typée par l’outrance des couleurs et la radicalité des décors, mais la professeure Laurel lui conseille des clichés normés “pour plus de lisibilité”. Or cette page est maladroite mais très lisible, pour peu que le lecteur fasse un minuscule effort. Les clichés sont une paresse des auteurs faisant appel à une paresse des lecteurs.
Plaisir de trouver une série de planches de Nob dans lesquelles Dad est en vacances paraissant au moment des vraies vacances, c’est un des privilèges d’un magazine de pouvoir présenter des BD en un autre temps réel que celui des réseaux sociaux. Cette semaine, Panda, toute jeune, par sa lucidité et son absence de fantaisie, déprime l’encore plus jeune Ondine.
Bienvenue dans mon atelier est consacré à Elric, le dessinateur du Spirou “classique” La baie des cochons, on y apprend qu’il collectionne les éditions anciennes et a reçu un Fauve du patrimoine à Angoulême: trop gardien des traditions pour sa reprise de Spirou. En direct du futur annonce un spécial Jeux olympiques (après celui consacré aux JO au Louvre), le supplément est de petits autocollants du Petit Spirou, et les Jeux de F. Antoine et Rich se situent dans le cadre amusant du Resto du Z, géré par des clones de Zorglub.
Mais l’information la plus importante est le nouveau papier du journal, plus écologiste et responsable, et dont le rendu est “plutôt sympa”, comme disent les Spirou et Fantasio déformés de Sti dans La malédiction de la page 13: mat, et plus doux.
Ici un aperçu du numéro: https://www.spirou.com/actualites/somma ... s-dit-tout
Étonnante mise en abîme dans de numéro: Le Petit Spirou est apparu il y a plus de 40 ans a l’occasion d’un numéro de Spirou album + sur les 45 ans de Spirou, dans une histoire courte intitulée "La seule et unique histoire plus ou moins vraie de la jeunesse de Spirou racontée par l'oncle Paul", de Tome et Janry, et son histoire de cette semaine, réalisée par Janry, “avec un joli coup de main de Jacques Louis”, Janry ayant dit avoir du mal à scénariser des histoires plus longues que les gags en une planche, pourrait s’intituler "La seule et unique histoire plus ou moins vraie de la jeunesse de Tintin racontée par le petit Spirou". On y apprend que Tintin n’est pas son vrai nom (comme pour Spirou, c’est un pseudonyme, car depuis quelques années on sait que les personnages de BD n’ont plus le droit d’avoir des noms de fantaisie et doivent porter des noms sérieux et respectables, comme Donald, Duck et Trump ou Mickey, Mouse et L’ange), mais bien Constantin (comme La Donation) Broutin et que sa mèche est inspirée de celle de Spirou. Pour bien faire ressentir la transgression parodique, la couverture de Janry est plongée dans un clair-obscur à l’opposé du style de Rémi Georges, et les enfants sonts accompagnés d’un hérisson vraisemblablement nommé Kissifrot, symbole du terrain glissant appartenant à Tintinimaginatio, ex Moulinsart, ex Tintin licensing, sur lequel ils s’aventurent.
Autre histoire courte du numéro, une nouvelle série, annoncée en couverture, Gary C. Neel, Mon papy à l’ouest: festival de jeux de mots (ce serait donc ainsi que se prononce le nom de l’auteur de Lou!) du scénariste Ced et du dessinateur Gorobei, qui ont fait plusieurs séries jeunesse ensemble, et celle-ci est la troisième rien que dans Spirou. C’est par ailleurs la seconde série western de Gorobei, après Doc Medoc (un émule du docteur Doxey) et Earp Stride, dans laquelle les personnages, au cou implanté dans le corps, ressemblaient à des pots de yaourt. Ici, Gorobei revient à son style Playmobil, dans lequel les personnages ne semblent pas avoir d’articulations ou d’expressions organiques, leurs organes paraissant emboîtés les uns dans les autres, comme papy C. Neel sur son âne. Plutôt efficace, cela donne immédiatement le ton, entre parodie et décalage, de ses séries, comme le sont aussi Denise et Charles/ Les Lolicornes (chez Dupuis, aussi avec Ced). Et ce système de dessin où l’artificialité est poussée à fond offre une plus large palette d’expressions que celui de Clémence Perault, dans Léon et Léna, où le même système est moins assumé et plus pris dans ses propres limites.
Sans tomber dans les jugements extrêmes à la Roy Lichtenstein selon qui le dessin de BD n’inventait rien graphiquement, il faut reconnaitre que celui-ci est propice au dessin conçu comme système graphique, le tout étant qu’il soit pensé comme tel, comme chez les grands maîtres de ce type de BD, Morris ou Schulz, ou même qu’il soit forcé par les limites graphiques du dessinateur. L’avantage est que, dans un tel système, le dessinateur peut faire de ses propres limites une force, comme Midam (et ses collaborateurs au dessin Ian Dairin et Adam) dans Kid Paddle et Game over où la répétitivité fait partie du jeu. Tebo, dont le dessin extrêmement outrancier et codé pourrait vite faire apparaître ses limites évite aussi ce piège en faisant évoluer ses personnages dans un univers à la fois très défini et riche en imagination (comme les jeux vidéos de Kid Paddle), et la fertilité de sa mise en page: ici, tous les personnages en pieds, une première bande dont les trois cases sont unifiées par un trait représentant le sol, et sous ce sol les vignettes hors cases unifiées par un fond orange, sauf l’avant dernière vignette en plan américain sur fond blanc, amenant la dernière, une explosion de mouvement vers le haut, mise dans la diagonale de la première, la même gestuelle mais vers le bas. Tebo pense sa planche dans son entièreté, vraisemblablement plus que ses cases prises une par une, c’est un véritable auteur de BD. D’autres auteurs de ce numéro le sont tout autant, mais à une autre échelle. Au niveau du strip, Bernstein et Moog construisent chaque bande de Willy Woob comme un tout, avec leur bichromie de couleurs différentes par bande (qui fait d’autant plus ressurgir les couleurs multiples du tas de linge sale dans le deuxième strip), et leur titre dessiné. Au niveau du chapitre, Barth, Pomès et Drac font de même avec leur Lieutenant Bertillon, cette semaine celui-ci étant prisonnier dans une grotte de glace composée sur et par l’ensemble de la page. Munuera et Sedyas le font aussi dans une certaine mesure, les auteurs dynamisant leurs planches par la mise en page, tandis que la couleur et le dessin sont imbriqués par l’utilisation de trames, mais c’est circonstanciel à cet épisode des Cœurs de ferraille, qui compte peu de séquences d’action, et doit être frustrant pour Munuera, dessinateur du mouvement. Coïncidence, deux pages de gags de. ce numéro sont aussi construites sur l’ensemble de la planche: dans Pernille, Dav, Cyril Trichet et Esteban font un gaufrier de neuf cases représentant différentes vues d’un visage de troll en très gros plan, la case finale révélant qu’il se faisait taper dessus à coup de miroir, et on voyait y donc le reflet de son visage. Problème: les cases sont carrées, le miroir est circulaire, la planche est donc inaboutie. Dans Annabelle, pirate rebelle, Sti, Cédric Ghorbani et Cerise montrent un mousse fêtant un pont de bateau qui se balance, la dernière case montrant Annabelle faisant osciller le bateau pour faciliter le travail du mousse. Problème: le cadrage trop serré diminue l’effet de mouvement. Dans les deux cas, c’est le dessin de chaque case qui a été privilégié par rapport à l’ensemble de la planche, alors que, vu le sujet, c’aurait dû être l’inverse. Les auteurs sont trop pris dans les normes. Dans La leçon de BD, un très jeune auteur (14 ans) propre une planche très typée par l’outrance des couleurs et la radicalité des décors, mais la professeure Laurel lui conseille des clichés normés “pour plus de lisibilité”. Or cette page est maladroite mais très lisible, pour peu que le lecteur fasse un minuscule effort. Les clichés sont une paresse des auteurs faisant appel à une paresse des lecteurs.
Plaisir de trouver une série de planches de Nob dans lesquelles Dad est en vacances paraissant au moment des vraies vacances, c’est un des privilèges d’un magazine de pouvoir présenter des BD en un autre temps réel que celui des réseaux sociaux. Cette semaine, Panda, toute jeune, par sa lucidité et son absence de fantaisie, déprime l’encore plus jeune Ondine.
Bienvenue dans mon atelier est consacré à Elric, le dessinateur du Spirou “classique” La baie des cochons, on y apprend qu’il collectionne les éditions anciennes et a reçu un Fauve du patrimoine à Angoulême: trop gardien des traditions pour sa reprise de Spirou. En direct du futur annonce un spécial Jeux olympiques (après celui consacré aux JO au Louvre), le supplément est de petits autocollants du Petit Spirou, et les Jeux de F. Antoine et Rich se situent dans le cadre amusant du Resto du Z, géré par des clones de Zorglub.
Mais l’information la plus importante est le nouveau papier du journal, plus écologiste et responsable, et dont le rendu est “plutôt sympa”, comme disent les Spirou et Fantasio déformés de Sti dans La malédiction de la page 13: mat, et plus doux.