Re: Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...
Posté : dim. 23 juin 2024 23:18
Numéro 4496 du 12/06/2024
Ici un aperçu du journal https://www.spirou.com/actualites/somma ... s-gratuits
Tebo a fort bien réussi sa couverture, dans son style où il va puiser différentes techniques, et les juxtaposer en y infusant une touche unique. Ici, une structure classique en pyramide, assortie d’un commentaire, comme dans un cartoon, mais graphiquement inséré dans l’image, comme dans les mangas, des personnages rondouillards mais avec un encrage résolument non uniforme, qui leur donne leur dimension comique particulière, dans la lignée de ces dessinateurs Disney atypiques que sont Cavazzano ou Bottaro. À cela s’ajoute, pour équilibrer l’image dans le sens de la symétrie, une énorme masse d’arme d’où pend un œil, écho du rouage immense écrasant des soldats sur une muraille dans une Idée noire de Franquin (notons que ce qui en 1977 était une idée si noire qu’elle était reléguée à l’intérieur d’un magazine pirate encarté dans un journal pour enfants se retrouve maintenant en couverture de celui-ci). L’histoire courte en cinq pages est aussi un chef d’œuvre dans ce genre, construite comme un gigantesque labyrinthe, dont deux doubles pages, où l’énergie est créé par des oppositions de mouvements, de gauche à droite et de haut en bas et inversement, technique qui ici est aussi source de gags, comme Peter Pan se retournant pour narguer Raowl et s’empalant sur un obstacle qu’il n’avait ce faisant pas vu, ou l’ogre sur ses gogues en haut de la falaise qu’escalade Raowl, et en sens descendant un tuyau écoulant ses étrons dans le lac souterrain d’où sort Raowl. C’est tout l’art de Tebo que de tout construire en deux niveaux de lecture, dessins comme textes, ceux-ci faisant office à la fois de dialogues et de commentaires des dessins, ou dans la vignette de couverture qui nous apprend que Raowl se prononce Raoul, pour rimer avec Kaboul, et non Ra-owl, comme un rugissement auquel on ne peut s’empêcher de penser. Me concernant, un seul bémol, le talent de Tebo s’exprime dans un humour trop enfantin pour moi.
Moins personnels dans la narration comme le dessin, Olivier Bocquet, Fabio Lai et Fabien Alquier font toutefois aussi avec Le métier le plus dangereux du monde une synthèse de plusieurs influences qui donne une nouvelle dynamique à leur fond FB, sur une base d’action et d’humour: des personnages qui surréagissent, comme Ziad et Billie page 43, (page 39 du magazine), technique de dessin animé (que l’on retrouve dans Louca, dont l’auteur Bruno Dequier travaille dans l’animation), le débordement des traits de vitesse sur l’encrage, venu du manga (pages 42-43), ou la scène incongrue, comme celle page 45 où les personnages se mettent à chanter et danser pour aider Amine à soutenir le rythme de la respiration artificielle qu’il pratique sur sa fille, dans un esprit de l’humour dit sans queue ni tête (moleitau en cantonnais) des comédies Hongkongaises (scène semblable dans Shaolin soccer de Stephen Chow).
Une base également FB mais traitée en y mêlant habilement des formes et du fonds très pertinents, le romantisme gothique, le tramage dans le dessin, l’opposition entre les expressions surjouées des humains et l’absence de visages des robots, dans Les Cœurs de ferraille, de Beka, Munuera et Sedyas.
Tout aussi personnel que ce que fait Tebo, le polar chamanique des Enquêtes de l’Inspecteur Bertillon, avec un dessin de Cyrille Pomès paradoxalement à la fois tout aussi rondouillard et anguleux, mais dans une veine expressionniste et pas disneyenne. L’histoire amène cette semaine un rebondissement inattendu, avec l’exploration d’une épave engloutie recelant les plans d’un moteur à eau par un parent de son inventeur, comme dans Le scaphandrier mort, de Tif et Tondu. L’histoire est moins complotiste que dans le scénario de Tillieux, alors que notre époque s’y prête pourtant, et c’est tout à l’honneur des scénaristes, Barth et Pomès, car c’est un transfuge de l’industrie pétrolière qui cherche à s’approprier les plans pour s’enrichir, et non des agents d’une de ces trusts qui cherche à faire disparaître ces plans pour conserver sa domination.
Par contre, je n’accroche pas à l’Aventure classique de Spirou et Fantasio par Elric, Clément Lemoine et Michaël Baril. Deux cases résument ce qui à mon sens pose problème, la première de la planche 50, un camp militaire vu d’en haut, trop proche pour que l’on ait une impression de grouillement (les arbres, les personnages sont encore différenciés), trop loin pour que l’on identifie les protagonistes dont on croit discerner les traits, et la huitième de la planche 51, un personnage tombant dans un hangar en brisant une vitre, les personnages sont minuscules dans ce hangar immense, mais la case est trop petite pour justifier cette immensité. Et c’est ainsi pour l’ensemble du récit, les auteurs n’ont pas su trouver la distance, entre histoire pour enfants (le niveau des gags) et second degré pour adultes, entre incursions politique et parodie, entre comique et aventure (Spirou a été absent la plupart du temps, et passif lors de ses rares apparitions).
Dans les gags, Fabcaro et Fabrice Erre sont partis dans L'Édito sur une série sur le départ de Morgan Di Salvia comme rédac chef. Il est possible que ce soit la première fois que le départ d’un de ses responsable soit traité en temps réel dans la presse BD, et peut-être même dans l’ensemble de la presse, et alors cette série d’histoire immédiate entrera dans l’histoire des médias. Retour d’Anna Maria Riccobono aux couleurs d’Elliot au collège. Une bonne Malédiction de la page 13 de Sti, avec Raowl. Dans Dad Flashbacks de Nob, on découvre que Panda avait non seulement une identique personnalité mais s’exprimait de la même manière lorsqu’elle avait environ 6 ans et actuellement, comme étudiante. Dab’s donne une Leçon de BD pertinente et drôle. Quant à Floris avec Capitaine Anchois, Dino avec Tash et Trash, Cerq et Tom avec Fish n chips, Berth avec Des gens et inversement et Lécroart avec Les Fifiches du Proprofesseur, ils portent tous avec leur humour absurde un regard décalé et éclairant sur des sujets essentiels (pollution et consommation dans Fish n chips, mythologies et société contemporaine avec Les Fifiches et Des gens, spéculation et SF avec Tash et Trash).
Berth, qui “cartoone depuis trente ans dans Spirou”, est par ailleurs l’invité de Bienvenue dans ma bibliothèque, où je découvre avec plaisir Hara-Kiri, Willem, Lefred-Thouron, Poirier (une influence de son dessin rond), Roland Topor, et le fait qu’il ait ignoré Tintin enfant. En direct du futur annonce que le numéro 4500 sera matériellement spécial, le papier du magazine changera alors pour se conformer aux nouvelles normes écologiques, Spirou joignant ainsi le geste à ses discours.
Dans un tout autre ordre d’idées, deux incohérences dans une pub pour une opération de promotion d’albums. Le cabochon représentant Yakari est extrait des DA, pas de la BD, et celui de Spirou est de Tome et Janry, alors que leurs Spirou ne font pas partie des albums sélectionnés. Ils sont tant mythiques chez Media participation? Mais je pinaille dans le vide en cherchant de la rectitude dans un domaine, la pub, où le mot a été banni. Quand aux Jeux de Frédéric Antoine et Yohann Morin sur les mythes de la Grèce antique, ils mettent en scène Télémaque, un personnage qui n’est plus paru dans le journal depuis près de 4 ans…Enfin, le supplément est un poster par Théo Grosjean d’Elliot au collège à composition en escalier d’Elliot, sa mère et son angoisse, les lectures de chacun reflétant sa personnalité.
Ici un aperçu du journal https://www.spirou.com/actualites/somma ... s-gratuits
Tebo a fort bien réussi sa couverture, dans son style où il va puiser différentes techniques, et les juxtaposer en y infusant une touche unique. Ici, une structure classique en pyramide, assortie d’un commentaire, comme dans un cartoon, mais graphiquement inséré dans l’image, comme dans les mangas, des personnages rondouillards mais avec un encrage résolument non uniforme, qui leur donne leur dimension comique particulière, dans la lignée de ces dessinateurs Disney atypiques que sont Cavazzano ou Bottaro. À cela s’ajoute, pour équilibrer l’image dans le sens de la symétrie, une énorme masse d’arme d’où pend un œil, écho du rouage immense écrasant des soldats sur une muraille dans une Idée noire de Franquin (notons que ce qui en 1977 était une idée si noire qu’elle était reléguée à l’intérieur d’un magazine pirate encarté dans un journal pour enfants se retrouve maintenant en couverture de celui-ci). L’histoire courte en cinq pages est aussi un chef d’œuvre dans ce genre, construite comme un gigantesque labyrinthe, dont deux doubles pages, où l’énergie est créé par des oppositions de mouvements, de gauche à droite et de haut en bas et inversement, technique qui ici est aussi source de gags, comme Peter Pan se retournant pour narguer Raowl et s’empalant sur un obstacle qu’il n’avait ce faisant pas vu, ou l’ogre sur ses gogues en haut de la falaise qu’escalade Raowl, et en sens descendant un tuyau écoulant ses étrons dans le lac souterrain d’où sort Raowl. C’est tout l’art de Tebo que de tout construire en deux niveaux de lecture, dessins comme textes, ceux-ci faisant office à la fois de dialogues et de commentaires des dessins, ou dans la vignette de couverture qui nous apprend que Raowl se prononce Raoul, pour rimer avec Kaboul, et non Ra-owl, comme un rugissement auquel on ne peut s’empêcher de penser. Me concernant, un seul bémol, le talent de Tebo s’exprime dans un humour trop enfantin pour moi.
Moins personnels dans la narration comme le dessin, Olivier Bocquet, Fabio Lai et Fabien Alquier font toutefois aussi avec Le métier le plus dangereux du monde une synthèse de plusieurs influences qui donne une nouvelle dynamique à leur fond FB, sur une base d’action et d’humour: des personnages qui surréagissent, comme Ziad et Billie page 43, (page 39 du magazine), technique de dessin animé (que l’on retrouve dans Louca, dont l’auteur Bruno Dequier travaille dans l’animation), le débordement des traits de vitesse sur l’encrage, venu du manga (pages 42-43), ou la scène incongrue, comme celle page 45 où les personnages se mettent à chanter et danser pour aider Amine à soutenir le rythme de la respiration artificielle qu’il pratique sur sa fille, dans un esprit de l’humour dit sans queue ni tête (moleitau en cantonnais) des comédies Hongkongaises (scène semblable dans Shaolin soccer de Stephen Chow).
Une base également FB mais traitée en y mêlant habilement des formes et du fonds très pertinents, le romantisme gothique, le tramage dans le dessin, l’opposition entre les expressions surjouées des humains et l’absence de visages des robots, dans Les Cœurs de ferraille, de Beka, Munuera et Sedyas.
Tout aussi personnel que ce que fait Tebo, le polar chamanique des Enquêtes de l’Inspecteur Bertillon, avec un dessin de Cyrille Pomès paradoxalement à la fois tout aussi rondouillard et anguleux, mais dans une veine expressionniste et pas disneyenne. L’histoire amène cette semaine un rebondissement inattendu, avec l’exploration d’une épave engloutie recelant les plans d’un moteur à eau par un parent de son inventeur, comme dans Le scaphandrier mort, de Tif et Tondu. L’histoire est moins complotiste que dans le scénario de Tillieux, alors que notre époque s’y prête pourtant, et c’est tout à l’honneur des scénaristes, Barth et Pomès, car c’est un transfuge de l’industrie pétrolière qui cherche à s’approprier les plans pour s’enrichir, et non des agents d’une de ces trusts qui cherche à faire disparaître ces plans pour conserver sa domination.
Par contre, je n’accroche pas à l’Aventure classique de Spirou et Fantasio par Elric, Clément Lemoine et Michaël Baril. Deux cases résument ce qui à mon sens pose problème, la première de la planche 50, un camp militaire vu d’en haut, trop proche pour que l’on ait une impression de grouillement (les arbres, les personnages sont encore différenciés), trop loin pour que l’on identifie les protagonistes dont on croit discerner les traits, et la huitième de la planche 51, un personnage tombant dans un hangar en brisant une vitre, les personnages sont minuscules dans ce hangar immense, mais la case est trop petite pour justifier cette immensité. Et c’est ainsi pour l’ensemble du récit, les auteurs n’ont pas su trouver la distance, entre histoire pour enfants (le niveau des gags) et second degré pour adultes, entre incursions politique et parodie, entre comique et aventure (Spirou a été absent la plupart du temps, et passif lors de ses rares apparitions).
Dans les gags, Fabcaro et Fabrice Erre sont partis dans L'Édito sur une série sur le départ de Morgan Di Salvia comme rédac chef. Il est possible que ce soit la première fois que le départ d’un de ses responsable soit traité en temps réel dans la presse BD, et peut-être même dans l’ensemble de la presse, et alors cette série d’histoire immédiate entrera dans l’histoire des médias. Retour d’Anna Maria Riccobono aux couleurs d’Elliot au collège. Une bonne Malédiction de la page 13 de Sti, avec Raowl. Dans Dad Flashbacks de Nob, on découvre que Panda avait non seulement une identique personnalité mais s’exprimait de la même manière lorsqu’elle avait environ 6 ans et actuellement, comme étudiante. Dab’s donne une Leçon de BD pertinente et drôle. Quant à Floris avec Capitaine Anchois, Dino avec Tash et Trash, Cerq et Tom avec Fish n chips, Berth avec Des gens et inversement et Lécroart avec Les Fifiches du Proprofesseur, ils portent tous avec leur humour absurde un regard décalé et éclairant sur des sujets essentiels (pollution et consommation dans Fish n chips, mythologies et société contemporaine avec Les Fifiches et Des gens, spéculation et SF avec Tash et Trash).
Berth, qui “cartoone depuis trente ans dans Spirou”, est par ailleurs l’invité de Bienvenue dans ma bibliothèque, où je découvre avec plaisir Hara-Kiri, Willem, Lefred-Thouron, Poirier (une influence de son dessin rond), Roland Topor, et le fait qu’il ait ignoré Tintin enfant. En direct du futur annonce que le numéro 4500 sera matériellement spécial, le papier du magazine changera alors pour se conformer aux nouvelles normes écologiques, Spirou joignant ainsi le geste à ses discours.
Dans un tout autre ordre d’idées, deux incohérences dans une pub pour une opération de promotion d’albums. Le cabochon représentant Yakari est extrait des DA, pas de la BD, et celui de Spirou est de Tome et Janry, alors que leurs Spirou ne font pas partie des albums sélectionnés. Ils sont tant mythiques chez Media participation? Mais je pinaille dans le vide en cherchant de la rectitude dans un domaine, la pub, où le mot a été banni. Quand aux Jeux de Frédéric Antoine et Yohann Morin sur les mythes de la Grèce antique, ils mettent en scène Télémaque, un personnage qui n’est plus paru dans le journal depuis près de 4 ans…Enfin, le supplément est un poster par Théo Grosjean d’Elliot au collège à composition en escalier d’Elliot, sa mère et son angoisse, les lectures de chacun reflétant sa personnalité.