Re: Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...
Posté : dim. 12 mai 2024 17:18
Numéro 4488 du 17/04/2024
Ici un aperçu du magazine https://www.spirou.com/actualites/somma ... tin-orange
Depuis quelques années que les histoires courtes sont rendues à la portion congrue du journal, au bénéfice des gags, les focus sur les séries consistent le plus souvent en une simple plus grosse dose de ces gags, disséminés dans le magazine. C’est le cas cette semaine avec Nelson, de Bertschy, 12 strips répartis sur trois pages, sans thématique, pourtant, celle de la couverture, Nelson dans un parc, permettait de nombreuses possibilités amusantes.
En vis-à-vis pages 2 et 3, un gag de Gaston où celui-ci, pratiquement absent, voit l’ensemble de la rédaction s’auto détruire et sombrer dans l’alcoolisme, et un running gag des Fabrice dans L'Édito, qui court épisodiquement depuis quelques semaines, sur ceux-ci inventant qu’ils vont se faire débaucher par la concurrence pour essayer de se faire retenir chez Spirou, une augmentation à la clé. Le second pousse les Fabrice à se surpasser, à leur manière, alors que le premier conduit à une impasse: si Gaston est si destructeur, ce que montre la spirale de descente vers la dépression de toute la rédaction depuis quelques gags, comment la série pourra-t-elle continuer? Delaf a beau essayer de parer les critiques avec le personnage de Lebrac recopiant Franquin avec un résultant “bluffant”, la réticence venant de Prunelle et de son esprit dépressif et dépréciatif, on voit son Gaston prendre le même chemin que les Nombrils, qui ont évolué vers une voie sans issue contraignant les auteurs à avoir fait un retour en arrière décontextualisé avec Les vacheries des Nombrils, qui lui-même a vite tourné court. Du moins les Nombrils ont-ils mis plus de 10 ans pour arriver à l’impasse dans laquelle Delaf est en train de fourrer Gaston en à peine quelques mois…
Les autres gags de ce numéro sont par contre de bonne tenue selon moi. Titan inc., dans lequel Paul Martin et Manu Boisteau jouent avec la mise en page, Happy/calypse, série familiale avec les parents, les copains-copine, l’école, que Laulau et Gyom renouvellent en la transposant dans un univers post apocalypse très complet et pertinent, avec cette semaine l’école submergée par la montée des eaux, et j’ai bien apprécié le surréalisme de la baleine nageant nonchalamment au dessus de l’école. Gyom s’est aussi chargé de la double page de Jeux Happycalypse avec un déferlement de zombies, parmi lesquels un Schtroumpf…Midam, Adam, Patelin et BenBK jouent avec l’illusion d’optique entre la 2d et la 3D dans un gag de Game over étendu sur deux planches, et Midam, Pujol, Dairin, et Angèle avec le détournement d’un graffiti dans Kid Paddle. Double page aussi pour Capitaine Anchois de Floris, dans un déroulement assez linéaire pour une fois mais toujours amusant. Après seulement moins d’une dizaine de strips (mais mûris depuis de longues années, comme on l’a vu), Fish n chips de Tom a pris ses marques dans ce décor post apo déjà actuel qu’est le fond des océans, lui donnant une touche particulière par sa colorisation joyeuse, en contre pied du sujet. Enfin, de nouveaux strips de la passionnante série 100 instruments de musique, l’imagination délirante de Thiriet illustrée par Duhoo, où l’on apprend cette semaine l’origine du son des crécelles. Je crains l’arrêt anticipé de cette série, que n’a-t-elle été nommée 1000 instruments?…
Suite de Créatures, dans les entrailles, le cœur, le système neuronal, je ne sais comment qualifier de quoi est fait Yog Sothoth. Suite de Yoko Tsuno, où Leloup écrit de plus en plus ses dialogues comme une partie de ping-pong, avec page 35 un énigmatique “moi je suis chinoise et je n’ai pas de microbes” prononcé par Rosée du Matin…Suite aussi de Black Squaw, qui arbore un impressionnant (et incongru) décolleté pour ce chapitre où elle fait la détective. Et fin d’Apocalypse, tome 9 et cycle 2 de Frnck , par Bocquet, Cossu, Guillo et Perdriset (dont le rôle n’est pas précisé). Je ne reviens pas sur le bien que je pense de cette série et cet épisode, mais fin du cycle donc, où tous sont revenus dans le présent, mais sans Kenza ni Chipolata, ni deux doigts de Frnck (un indice pour Soda?) et avec quelques animaux préhistoriques, qui formeront ainsi la quête du cycle suivant.
Une histoire courte de 5 pages, en forme d’introduction à une nouvelle série, colorisée par Cerise, et dessinée dans un style FB directement issu des années 70 par Cédric Ghorbani, qui avait fait quelques gags et récits complets dans Spirou au début des années 2000, et a depuis publié des albums de gags chez Soleil. Il s'agit d'Annabelle, pirate rebelle, scénarisé par Sti, qui avait déjà fait une série de pirates dans Spirou, L’île carrément perdue, dessinée par Cromheecke, mais ce n’est pas cette fois dans l’humour absurde que verse cette nouvelle série, qui ne peut pas ne pas faire penser à Marine, fille de pirates, de Tranchand et Corteggiani, de par son sujet et son héroïne.
En supplément, des autocollants des personnages de Mort et déterré, par Pascal Colpron, au volant de voitures en folie.
Enfin, trois rubriques rédactionnelles. Les BD de ma vie d’Alain Henriet, qui se représente en cow-boy, et qui sans surprise apprécie surtout les auteurs réalistes, mais dans une large gamme, de Bernie Wrightson à Juan Giménez et Hermann, assez éloignée de son propre style, très net. En direct du futur annonce la suite et fin de Spirou et Fantasio La mémoire du futur pour le numéro 4500, avec une image de Cyanure que Schwartz dit avoir traitée différemment des autres personnages, dans un trait bien plus réaliste, en repartant d’images de son modèle originel, Marylin Monroe. Enfin, c’est Philippe Girard, auteur québécois présent dans le supplément de la semaine précédente, l’invité de Spirou et moi. Enfant, il lisait Archie Cash dans Spirou, une série présentée par lui et l’interviewer, Morgan Di Salvia, comme macho, une époque “heureusement” révolue est-il même dit. Visiblement, ils sont, comme la plupart des lecteurs, aveuglés par leurs préjugés, ce qui les empêche d’avoir vraiment pu voir cette série (Philippe Girard l’a lue enfant, ce qui peut l’excuser). Archie cash est un baroudeur, et cette série était très violente (des gens y étaient abattus de sang froid), dans l’esprit de l’époque (Charles Bronson, le modèle graphique d’Archie cash, était une grande vedette, comme L’inspecteur Dirty Harry, avec Clint Eastwood, et Don Siegel et Sam Peckinpah étaient à leur acmé. Mais Archie Cash, contrairement à l’image qu’il renvoie, musculeux, buriné, est rien moins que macho. C’est même une des rares séries de l’époque où les femmes sont considérées les égales des hommes, et mieux, Archie cash n’a aucun préjugé à leur égard. On est bien loin de Tif et Tondu envers Kiki, de Fantasio envers Seccotine ou Ororéa, de Walter envers Natacha, bref, de la plupart des héros de l’époque, BD comme cinéma. Qui plus est, cette série était résolument non raciste (alors que le mépris machiste envers les femmes se double souvent d’un mépris raciste), Archie Cash étant ami et allié avec des asiatiques, des africains, l’une de ses plus proches étant Angela Chalmers, une femme noire, et ceci sans ostentation. Le fait est que la série a été créée par Jean-marie Brouyère, une sorte de réac-chef adjoint de Thierry Martens et qui, en tant que parfait hippie (il avait les cheveux longs jusqu’à la moitié du dos et se baladait pieds nus), faisait en surface ce que voulait Martens selon sa compréhension de l’époque, ce qu’a ainsi résumé Bernard Hislaire: « Selon nos critères actuels certainement. Une explosion de violence, une époque des antihéros et de la réalité. Le réel quoi. Il y avait ce côté, on veut faire vrai! La provocation faisait partie de la culture, la provocation faisait partie de la valeur artistique. A partir de moment-là, tout était fort, de manière à ce que ça provoque quelque chose. On n’était pas dans un intellectualisme ou un moralisme, certainement pas. » (in La Crypte tonique #2, 2012), et glissait en arrière plan ses valeurs égalitaires, et ses goûts pour les interdits, comme la drogue. Enfin, la série était résolument politique: l’épisode Le maître de l’épouvante, où Archie Cash est confronté aux Tontons macoutes, paraissait d’ailleurs au même moment que Tora Torapa, où Spirou était lui confronté aux Tontons mamoutes. Mais Brouyère et Malik, le dessinateur, y montraient de plus la misère du tiers monde. Violence physique et sociale montrés crûment, il n’en faut pas plus pour assimiler la série à une caricature de machisme. La réhabilitation de la série des Dirty Harry a depuis eu lieu, pas celle d’Archie Cash, ce qui montre bien le retard de la critique et l’analyse de la BD sur les autres arts.
Ici un aperçu du magazine https://www.spirou.com/actualites/somma ... tin-orange
Depuis quelques années que les histoires courtes sont rendues à la portion congrue du journal, au bénéfice des gags, les focus sur les séries consistent le plus souvent en une simple plus grosse dose de ces gags, disséminés dans le magazine. C’est le cas cette semaine avec Nelson, de Bertschy, 12 strips répartis sur trois pages, sans thématique, pourtant, celle de la couverture, Nelson dans un parc, permettait de nombreuses possibilités amusantes.
En vis-à-vis pages 2 et 3, un gag de Gaston où celui-ci, pratiquement absent, voit l’ensemble de la rédaction s’auto détruire et sombrer dans l’alcoolisme, et un running gag des Fabrice dans L'Édito, qui court épisodiquement depuis quelques semaines, sur ceux-ci inventant qu’ils vont se faire débaucher par la concurrence pour essayer de se faire retenir chez Spirou, une augmentation à la clé. Le second pousse les Fabrice à se surpasser, à leur manière, alors que le premier conduit à une impasse: si Gaston est si destructeur, ce que montre la spirale de descente vers la dépression de toute la rédaction depuis quelques gags, comment la série pourra-t-elle continuer? Delaf a beau essayer de parer les critiques avec le personnage de Lebrac recopiant Franquin avec un résultant “bluffant”, la réticence venant de Prunelle et de son esprit dépressif et dépréciatif, on voit son Gaston prendre le même chemin que les Nombrils, qui ont évolué vers une voie sans issue contraignant les auteurs à avoir fait un retour en arrière décontextualisé avec Les vacheries des Nombrils, qui lui-même a vite tourné court. Du moins les Nombrils ont-ils mis plus de 10 ans pour arriver à l’impasse dans laquelle Delaf est en train de fourrer Gaston en à peine quelques mois…
Les autres gags de ce numéro sont par contre de bonne tenue selon moi. Titan inc., dans lequel Paul Martin et Manu Boisteau jouent avec la mise en page, Happy/calypse, série familiale avec les parents, les copains-copine, l’école, que Laulau et Gyom renouvellent en la transposant dans un univers post apocalypse très complet et pertinent, avec cette semaine l’école submergée par la montée des eaux, et j’ai bien apprécié le surréalisme de la baleine nageant nonchalamment au dessus de l’école. Gyom s’est aussi chargé de la double page de Jeux Happycalypse avec un déferlement de zombies, parmi lesquels un Schtroumpf…Midam, Adam, Patelin et BenBK jouent avec l’illusion d’optique entre la 2d et la 3D dans un gag de Game over étendu sur deux planches, et Midam, Pujol, Dairin, et Angèle avec le détournement d’un graffiti dans Kid Paddle. Double page aussi pour Capitaine Anchois de Floris, dans un déroulement assez linéaire pour une fois mais toujours amusant. Après seulement moins d’une dizaine de strips (mais mûris depuis de longues années, comme on l’a vu), Fish n chips de Tom a pris ses marques dans ce décor post apo déjà actuel qu’est le fond des océans, lui donnant une touche particulière par sa colorisation joyeuse, en contre pied du sujet. Enfin, de nouveaux strips de la passionnante série 100 instruments de musique, l’imagination délirante de Thiriet illustrée par Duhoo, où l’on apprend cette semaine l’origine du son des crécelles. Je crains l’arrêt anticipé de cette série, que n’a-t-elle été nommée 1000 instruments?…
Suite de Créatures, dans les entrailles, le cœur, le système neuronal, je ne sais comment qualifier de quoi est fait Yog Sothoth. Suite de Yoko Tsuno, où Leloup écrit de plus en plus ses dialogues comme une partie de ping-pong, avec page 35 un énigmatique “moi je suis chinoise et je n’ai pas de microbes” prononcé par Rosée du Matin…Suite aussi de Black Squaw, qui arbore un impressionnant (et incongru) décolleté pour ce chapitre où elle fait la détective. Et fin d’Apocalypse, tome 9 et cycle 2 de Frnck , par Bocquet, Cossu, Guillo et Perdriset (dont le rôle n’est pas précisé). Je ne reviens pas sur le bien que je pense de cette série et cet épisode, mais fin du cycle donc, où tous sont revenus dans le présent, mais sans Kenza ni Chipolata, ni deux doigts de Frnck (un indice pour Soda?) et avec quelques animaux préhistoriques, qui formeront ainsi la quête du cycle suivant.
Une histoire courte de 5 pages, en forme d’introduction à une nouvelle série, colorisée par Cerise, et dessinée dans un style FB directement issu des années 70 par Cédric Ghorbani, qui avait fait quelques gags et récits complets dans Spirou au début des années 2000, et a depuis publié des albums de gags chez Soleil. Il s'agit d'Annabelle, pirate rebelle, scénarisé par Sti, qui avait déjà fait une série de pirates dans Spirou, L’île carrément perdue, dessinée par Cromheecke, mais ce n’est pas cette fois dans l’humour absurde que verse cette nouvelle série, qui ne peut pas ne pas faire penser à Marine, fille de pirates, de Tranchand et Corteggiani, de par son sujet et son héroïne.
En supplément, des autocollants des personnages de Mort et déterré, par Pascal Colpron, au volant de voitures en folie.
Enfin, trois rubriques rédactionnelles. Les BD de ma vie d’Alain Henriet, qui se représente en cow-boy, et qui sans surprise apprécie surtout les auteurs réalistes, mais dans une large gamme, de Bernie Wrightson à Juan Giménez et Hermann, assez éloignée de son propre style, très net. En direct du futur annonce la suite et fin de Spirou et Fantasio La mémoire du futur pour le numéro 4500, avec une image de Cyanure que Schwartz dit avoir traitée différemment des autres personnages, dans un trait bien plus réaliste, en repartant d’images de son modèle originel, Marylin Monroe. Enfin, c’est Philippe Girard, auteur québécois présent dans le supplément de la semaine précédente, l’invité de Spirou et moi. Enfant, il lisait Archie Cash dans Spirou, une série présentée par lui et l’interviewer, Morgan Di Salvia, comme macho, une époque “heureusement” révolue est-il même dit. Visiblement, ils sont, comme la plupart des lecteurs, aveuglés par leurs préjugés, ce qui les empêche d’avoir vraiment pu voir cette série (Philippe Girard l’a lue enfant, ce qui peut l’excuser). Archie cash est un baroudeur, et cette série était très violente (des gens y étaient abattus de sang froid), dans l’esprit de l’époque (Charles Bronson, le modèle graphique d’Archie cash, était une grande vedette, comme L’inspecteur Dirty Harry, avec Clint Eastwood, et Don Siegel et Sam Peckinpah étaient à leur acmé. Mais Archie Cash, contrairement à l’image qu’il renvoie, musculeux, buriné, est rien moins que macho. C’est même une des rares séries de l’époque où les femmes sont considérées les égales des hommes, et mieux, Archie cash n’a aucun préjugé à leur égard. On est bien loin de Tif et Tondu envers Kiki, de Fantasio envers Seccotine ou Ororéa, de Walter envers Natacha, bref, de la plupart des héros de l’époque, BD comme cinéma. Qui plus est, cette série était résolument non raciste (alors que le mépris machiste envers les femmes se double souvent d’un mépris raciste), Archie Cash étant ami et allié avec des asiatiques, des africains, l’une de ses plus proches étant Angela Chalmers, une femme noire, et ceci sans ostentation. Le fait est que la série a été créée par Jean-marie Brouyère, une sorte de réac-chef adjoint de Thierry Martens et qui, en tant que parfait hippie (il avait les cheveux longs jusqu’à la moitié du dos et se baladait pieds nus), faisait en surface ce que voulait Martens selon sa compréhension de l’époque, ce qu’a ainsi résumé Bernard Hislaire: « Selon nos critères actuels certainement. Une explosion de violence, une époque des antihéros et de la réalité. Le réel quoi. Il y avait ce côté, on veut faire vrai! La provocation faisait partie de la culture, la provocation faisait partie de la valeur artistique. A partir de moment-là, tout était fort, de manière à ce que ça provoque quelque chose. On n’était pas dans un intellectualisme ou un moralisme, certainement pas. » (in La Crypte tonique #2, 2012), et glissait en arrière plan ses valeurs égalitaires, et ses goûts pour les interdits, comme la drogue. Enfin, la série était résolument politique: l’épisode Le maître de l’épouvante, où Archie Cash est confronté aux Tontons macoutes, paraissait d’ailleurs au même moment que Tora Torapa, où Spirou était lui confronté aux Tontons mamoutes. Mais Brouyère et Malik, le dessinateur, y montraient de plus la misère du tiers monde. Violence physique et sociale montrés crûment, il n’en faut pas plus pour assimiler la série à une caricature de machisme. La réhabilitation de la série des Dirty Harry a depuis eu lieu, pas celle d’Archie Cash, ce qui montre bien le retard de la critique et l’analyse de la BD sur les autres arts.