Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...

L'actualité du journal qui va avec la série

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heijingling
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Re: Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...

Message par heijingling »

Numéro 4488 du 17/04/2024

Ici un aperçu du magazine https://www.spirou.com/actualites/somma ... tin-orange

Depuis quelques années que les histoires courtes sont rendues à la portion congrue du journal, au bénéfice des gags, les focus sur les séries consistent le plus souvent en une simple plus grosse dose de ces gags, disséminés dans le magazine. C’est le cas cette semaine avec Nelson, de Bertschy, 12 strips répartis sur trois pages, sans thématique, pourtant, celle de la couverture, Nelson dans un parc, permettait de nombreuses possibilités amusantes.

En vis-à-vis pages 2 et 3, un gag de Gaston où celui-ci, pratiquement absent, voit l’ensemble de la rédaction s’auto détruire et sombrer dans l’alcoolisme, et un running gag des Fabrice dans L'Édito, qui court épisodiquement depuis quelques semaines, sur ceux-ci inventant qu’ils vont se faire débaucher par la concurrence pour essayer de se faire retenir chez Spirou, une augmentation à la clé. Le second pousse les Fabrice à se surpasser, à leur manière, alors que le premier conduit à une impasse: si Gaston est si destructeur, ce que montre la spirale de descente vers la dépression de toute la rédaction depuis quelques gags, comment la série pourra-t-elle continuer? Delaf a beau essayer de parer les critiques avec le personnage de Lebrac recopiant Franquin avec un résultant “bluffant”, la réticence venant de Prunelle et de son esprit dépressif et dépréciatif, on voit son Gaston prendre le même chemin que les Nombrils, qui ont évolué vers une voie sans issue contraignant les auteurs à avoir fait un retour en arrière décontextualisé avec Les vacheries des Nombrils, qui lui-même a vite tourné court. Du moins les Nombrils ont-ils mis plus de 10 ans pour arriver à l’impasse dans laquelle Delaf est en train de fourrer Gaston en à peine quelques mois…

Les autres gags de ce numéro sont par contre de bonne tenue selon moi. Titan inc., dans lequel Paul Martin et Manu Boisteau jouent avec la mise en page, Happy/calypse, série familiale avec les parents, les copains-copine, l’école, que Laulau et Gyom renouvellent en la transposant dans un univers post apocalypse très complet et pertinent, avec cette semaine l’école submergée par la montée des eaux, et j’ai bien apprécié le surréalisme de la baleine nageant nonchalamment au dessus de l’école. Gyom s’est aussi chargé de la double page de Jeux Happycalypse avec un déferlement de zombies, parmi lesquels un Schtroumpf…Midam, Adam, Patelin et BenBK jouent avec l’illusion d’optique entre la 2d et la 3D dans un gag de Game over étendu sur deux planches, et Midam, Pujol, Dairin, et Angèle avec le détournement d’un graffiti dans Kid Paddle. Double page aussi pour Capitaine Anchois de Floris, dans un déroulement assez linéaire pour une fois mais toujours amusant. Après seulement moins d’une dizaine de strips (mais mûris depuis de longues années, comme on l’a vu), Fish n chips de Tom a pris ses marques dans ce décor post apo déjà actuel qu’est le fond des océans, lui donnant une touche particulière par sa colorisation joyeuse, en contre pied du sujet. Enfin, de nouveaux strips de la passionnante série 100 instruments de musique, l’imagination délirante de Thiriet illustrée par Duhoo, où l’on apprend cette semaine l’origine du son des crécelles. Je crains l’arrêt anticipé de cette série, que n’a-t-elle été nommée 1000 instruments?…

Suite de Créatures, dans les entrailles, le cœur, le système neuronal, je ne sais comment qualifier de quoi est fait Yog Sothoth. Suite de Yoko Tsuno, où Leloup écrit de plus en plus ses dialogues comme une partie de ping-pong, avec page 35 un énigmatique “moi je suis chinoise et je n’ai pas de microbes” prononcé par Rosée du Matin…Suite aussi de Black Squaw, qui arbore un impressionnant (et incongru) décolleté pour ce chapitre où elle fait la détective. Et fin d’Apocalypse, tome 9 et cycle 2 de Frnck , par Bocquet, Cossu, Guillo et Perdriset (dont le rôle n’est pas précisé). Je ne reviens pas sur le bien que je pense de cette série et cet épisode, mais fin du cycle donc, où tous sont revenus dans le présent, mais sans Kenza ni Chipolata, ni deux doigts de Frnck (un indice pour Soda?) et avec quelques animaux préhistoriques, qui formeront ainsi la quête du cycle suivant.

Une histoire courte de 5 pages, en forme d’introduction à une nouvelle série, colorisée par Cerise, et dessinée dans un style FB directement issu des années 70 par Cédric Ghorbani, qui avait fait quelques gags et récits complets dans Spirou au début des années 2000, et a depuis publié des albums de gags chez Soleil. Il s'agit d'Annabelle, pirate rebelle, scénarisé par Sti, qui avait déjà fait une série de pirates dans Spirou, L’île carrément perdue, dessinée par Cromheecke, mais ce n’est pas cette fois dans l’humour absurde que verse cette nouvelle série, qui ne peut pas ne pas faire penser à Marine, fille de pirates, de Tranchand et Corteggiani, de par son sujet et son héroïne.

En supplément, des autocollants des personnages de Mort et déterré, par Pascal Colpron, au volant de voitures en folie.

Enfin, trois rubriques rédactionnelles. Les BD de ma vie d’Alain Henriet, qui se représente en cow-boy, et qui sans surprise apprécie surtout les auteurs réalistes, mais dans une large gamme, de Bernie Wrightson à Juan Giménez et Hermann, assez éloignée de son propre style, très net. En direct du futur annonce la suite et fin de Spirou et Fantasio La mémoire du futur pour le numéro 4500, avec une image de Cyanure que Schwartz dit avoir traitée différemment des autres personnages, dans un trait bien plus réaliste, en repartant d’images de son modèle originel, Marylin Monroe. Enfin, c’est Philippe Girard, auteur québécois présent dans le supplément de la semaine précédente, l’invité de Spirou et moi. Enfant, il lisait Archie Cash dans Spirou, une série présentée par lui et l’interviewer, Morgan Di Salvia, comme macho, une époque “heureusement” révolue est-il même dit. Visiblement, ils sont, comme la plupart des lecteurs, aveuglés par leurs préjugés, ce qui les empêche d’avoir vraiment pu voir cette série (Philippe Girard l’a lue enfant, ce qui peut l’excuser). Archie cash est un baroudeur, et cette série était très violente (des gens y étaient abattus de sang froid), dans l’esprit de l’époque (Charles Bronson, le modèle graphique d’Archie cash, était une grande vedette, comme L’inspecteur Dirty Harry, avec Clint Eastwood, et Don Siegel et Sam Peckinpah étaient à leur acmé. Mais Archie Cash, contrairement à l’image qu’il renvoie, musculeux, buriné, est rien moins que macho. C’est même une des rares séries de l’époque où les femmes sont considérées les égales des hommes, et mieux, Archie cash n’a aucun préjugé à leur égard. On est bien loin de Tif et Tondu envers Kiki, de Fantasio envers Seccotine ou Ororéa, de Walter envers Natacha, bref, de la plupart des héros de l’époque, BD comme cinéma. Qui plus est, cette série était résolument non raciste (alors que le mépris machiste envers les femmes se double souvent d’un mépris raciste), Archie Cash étant ami et allié avec des asiatiques, des africains, l’une de ses plus proches étant Angela Chalmers, une femme noire, et ceci sans ostentation. Le fait est que la série a été créée par Jean-marie Brouyère, une sorte de réac-chef adjoint de Thierry Martens et qui, en tant que parfait hippie (il avait les cheveux longs jusqu’à la moitié du dos et se baladait pieds nus), faisait en surface ce que voulait Martens selon sa compréhension de l’époque, ce qu’a ainsi résumé Bernard Hislaire: « Selon nos critères actuels certainement. Une explosion de violence, une époque des antihéros et de la réalité. Le réel quoi. Il y avait ce côté, on veut faire vrai! La provocation faisait partie de la culture, la provocation faisait partie de la valeur artistique. A partir de moment-là, tout était fort, de manière à ce que ça provoque quelque chose. On n’était pas dans un intellectualisme ou un moralisme, certainement pas. » (in La Crypte tonique #2, 2012), et glissait en arrière plan ses valeurs égalitaires, et ses goûts pour les interdits, comme la drogue. Enfin, la série était résolument politique: l’épisode Le maître de l’épouvante, où Archie Cash est confronté aux Tontons macoutes, paraissait d’ailleurs au même moment que Tora Torapa, où Spirou était lui confronté aux Tontons mamoutes. Mais Brouyère et Malik, le dessinateur, y montraient de plus la misère du tiers monde. Violence physique et sociale montrés crûment, il n’en faut pas plus pour assimiler la série à une caricature de machisme. La réhabilitation de la série des Dirty Harry a depuis eu lieu, pas celle d’Archie Cash, ce qui montre bien le retard de la critique et l’analyse de la BD sur les autres arts.
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Gaston Lagaffe
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Re: Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...

Message par Gaston Lagaffe »

heijingling a écrit : dim. 12 mai 2024 17:18 En vis-à-vis pages 2 et 3, un gag de Gaston où celui-ci, pratiquement absent, voit l’ensemble de la rédaction s’auto détruire et sombrer dans l’alcoolisme, et un running gag des Fabrice dans L'Édito, qui court épisodiquement depuis quelques semaines, sur ceux-ci inventant qu’ils vont se faire débaucher par la concurrence pour essayer de se faire retenir chez Spirou, une augmentation à la clé. Le second pousse les Fabrice à se surpasser, à leur manière, alors que le premier conduit à une impasse: si Gaston est si destructeur, ce que montre la spirale de descente vers la dépression de toute la rédaction depuis quelques gags, comment la série pourra-t-elle continuer? Delaf a beau essayer de parer les critiques avec le personnage de Lebrac recopiant Franquin avec un résultant “bluffant”, la réticence venant de Prunelle et de son esprit dépressif et dépréciatif, on voit son Gaston prendre le même chemin que les Nombrils, qui ont évolué vers une voie sans issue contraignant les auteurs à avoir fait un retour en arrière décontextualisé avec Les vacheries des Nombrils, qui lui-même a vite tourné court. Du moins les Nombrils ont-ils mis plus de 10 ans pour arriver à l’impasse dans laquelle Delaf est en train de fourrer Gaston en à peine quelques mois.
Les Nombrils ne sont pas tombés dans une impasse. Ce qui est arrivé s'est que Delaf voulait revenir un peu au ton des premiers gags pour un moment et vu qu'entre-temps il s'est séparé de Dubuc on risque de ne pas voir la suite à cause de ça.

Sinon, ben c'est quoi la différence entre Bravo les brothers et ce qui se passe dans les derniers gags de Gaston ? Non parce que si on a plus besoin de Gaston pour foutre le bordel vu que les singes le font à sa place et que Fantasio boit, la série va aller nulle part à partir de ce moment là. Ah moins que c'est bien parce que ça se passe dans Spirou et pas Gaston. Peut-être que Delaf aurait du juste intégrer les persos de Gaston dans les Nombrils comme ça le trio de filles va sauver la situation comme Spirou dans Bravo (donc le Spirou dans Bravo est tout le contraire du Spirou de Bravo :dors: ) et du coup le scénario va soudainement devenir bien. :mrgreen:
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Re: Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...

Message par heijingling »

Gaston Lagaffe a écrit :Les Nombrils ne sont pas tombés dans une impasse. Ce qui est arrivé s'est que Delaf voulait revenir un peu au ton des premiers gags pour un moment et vu qu'entre-temps il s'est séparé de Dubuc on risque de ne pas voir la suite à cause de ça.


Quand on sait ce qui s'est passé dans Les Nombrils et ce qui est arrivé aux personnages, revenir aux simples gags du début n'est pas très crédible et assez gratuit, ce sont juste des gags techniquement bien faits, et parfois drôles, mais qui n'ont pas de substance, comme de belles mécaniques qui tournent à vide. Comme les Gaston de Delaf.
Et Delaf sait faire des gags seuls, sans scénariste, donc, sauf s'il y a des problèmes de droits, je ne vois pas ce qui l'empêcherait de reprendre Les Nombrils sans Dubuc?
Gaston Lagaffe a écrit :Sinon, ben c'est quoi la différence entre Bravo les brothers et ce qui se passe dans les derniers gags de Gaston ?
Dans Bravo les Brothers, personne ne devient dépressif et alcoolique. Certes, l'efficacité de la rédaction en prend un coup, mais c'est parce que tout le monde rigole bien en les regardant, pas parce qu'ils sont désespérés, au contraire.
Gaston Lagaffe a écrit :Non parce que si on a plus besoin de Gaston pour foutre le bordel vu que les singes le font à sa place et que Fantasio boit, la série va aller nulle part à partir de ce moment là.


Fantasio ne devient pas alcoolique, il prend juste des tranquillisants qui le rendent béat un moment. Dans Gaston, c'est maintenant semaine après semaine que toute la redaction est bourrée. Ceci dit, effectivement, la série ne s'est pas arrêtée, mais Franquin l'a abandonnée peu après, il a bien senti que cet épisode était un peu destructeur, quoi qu'allant beaucoup moins loin que ce que Delaf fait à Gaston.
Gaston Lagaffe a écrit :Ah moins que c'est bien parce que ça se passe dans Spirou et pas Gaston.
C'est surtout bien parce que c'est Franquin d'un côté et pas de l'autre. Dans Bravo les Brothers (je mets le titre complet, parce que sinon on pourrait croire que je parle du Spirou d'Émile Bravo :ouah: ), les singes mettent la pagaille, Fantasio s'énerve un peu, mais il n'y a pas de haine, beaucoup de tendresse et de sympathie au contraire, avec l'amour que Noé porte à ses singes qui contrebalance l'énervement qu'ils causent à Fantasio. Dans le Gaston de Delaf, ce qu'il fait provoque de la haine et des envies de meurtre de la part de Fantasio et de Prunelle. Il y a introduit toute la violence qu'il y pu y avoir dans Les Nombrils. Manque plus qu'un tueur en série...
Gaston Lagaffe a écrit :Peut-être que Delaf aurait du juste intégrer les persos de Gaston dans les Nombrils comme ça le trio de filles va sauver la situation comme Spirou dans Bravo (donc le Spirou dans Bravo est tout le contraire du Spirou de Bravo :dors: ) et du coup le scénario va soudainement devenir bien. :mrgreen:
Les Nombrils ont commencé à entrer dans une impasse quand Karine a commencé à souffrir de ce que lui faisaient subir Vicky et Jenny. À partir de là, il n'y avait que trois issues possibles. Soit Karine devenait dépressive/alcoolique/droguée/se suicidait, soit elle quittait Vicky (et dans une moindre mesure Jenny), soit elle changeait radicalement d'attitude et de personnalité. C'est exactement la même impasse dans laquelle est précipité Gaston, mais dans les Nombrils les auteurs ont choisi les deuxième et troisième solution, dans Gaston Delaf est en train de choisir la première.

P.S.: quand je dis "impasse", c'est au sens BD populaire traditionnelle du terme: au dernier moment, le héros peut toujours trouver une bouche d'égout ou une échelle ou un héicoptère ou autre chose pour s'en sortir :ouah:
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Message par DESPERA »

Extraits de Franquin Créa Lagaffe :
Image
D'ailleurs ce que dit Franquin dans cet extrait ressemble beaucoup à ce qu'à fait Delaf à la fin du premier album.

Ou encore :
Image

On peut constater que Franquin voyait clairement Prunelle comme un futur dépressif et qu'il aurait aimé le mener sur ce terrain là.
Il dit plusieurs fois dans les entretiens qu'il aurait aussi voulu aller vers des gags plus mâtures.

Il n'a jamais franchement franchis le pas mais il l'avait en tête.

Donc Delaf est dans une continuité qui parait évidente à mes yeux. J'ai vraiment l'impression de lire un prolongement. Je ne me sens pas trahit.
L'impression que j'ai, c'est qu'il connaît très bien le travail de Franquin jusque dans ses interviews.
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Re: Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...

Message par Franco B Helge »

Analyse intéressante, les gars !
J'étais particulièrement resté sur l'anecdotique, avec le fait que Delaf lui-même " apparaît incarné/représenté " par Lebrac et ressent le mépris de plusieurs de ses confrères de la rédaction, en lui mentionnant que peu importe à quel point on veut copier Franquin, il ne peut jamais égaler en qualité artistique et créative.
Et, franchement ( ou fraquinniennement, pour ainsi dire ), j'étais amusé que Delaf lui-même se mette dans ce rôle, de copieur / continuateur.

Et, en ce sens, cela s'exprime très clairement dans l'interview que DESPERA partage avec nous, où il est clairement établi qu'une "reprise" de Gaston aurait circulé dans les rues que parcourt le dessinateur canadien BD :smile:
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Re: Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...

Message par heijingling »

DESPERA a écrit : Extraits de Franquin Créa Lagaffe.

On peut constater que Franquin voyait clairement Prunelle comme un futur dépressif et qu'il aurait aimé le mener sur ce terrain là.
Il dit plusieurs fois dans les entretiens qu'il aurait aussi voulu aller vers des gags plus mâtures.

Il n'a jamais franchement franchis le pas mais il l'avait en tête.

Donc Delaf est dans une continuité qui parait évidente à mes yeux. J'ai vraiment l'impression de lire un prolongement. Je ne me sens pas trahit.
L'impression que j'ai, c'est qu'il connaît très bien le travail de Franquin jusque dans ses interviews.
J'aurais été d'accord si seul Prunelle avait sombré dans la dépression, mais chez Delaf, c'est tout le monde qui termine d'abord chez le psy, de la concierge Mélanie Molaire à Longtarin en passant par De Mesmaeker (qui a l'air devenu complètement fou et joue et parle avec des poupées qu'il fait lui-même), Ducran et Lapoigne et M'oiselle Jeanne, et tout le monde qui finit alcoolique, de Fantasio à Boulier en passant par Lebrac et la secrétaire. Donc, non, ce n'est pas du tout ce que Franquin avait en tête, ça ne tient pas à l'évolution du personnage cohérente avec son caractère, au contraire, puisque tous évoluent de la même manière.

D'un autre côté, si on veut se placer dans une perspective réaliste comme Delaf veut le faire, des gens qui devraient subir un collègue qui a fait plusieurs fois s'écrouler les bureaux, envoyé des collègues à l'hôpital pour blessure ou empoisonnement, détruisait leur travail, deviendraient effectivement fou et finiraient par haïr ce collègue, mais dans cette même perspective réaliste, ce collègue se serait au minimum fait virer depuis longtemps, donc l'argument du réalisme ou de la cohérence ne tient pas.
DESPERA a écrit :D'ailleurs ce que dit Franquin dans cet extrait ressemble beaucoup à ce qu'à fait Delaf à la fin du premier album.
C'est tout-à-fait vrai, même trop vrai.
Franquin a écrit :Il voit de plus en plus la vie et le travail comme une complication telle que rien ne peut marcher; il sait que ça va foirer, que les choses ne se passeront pas à temps, que les pages ne vont pas arriver au bon moment à l'imprimerie, et il peut supposer des accidents possibles pour le facteur, des retards, etc.
C'est en effet exactement ce qui se passe. Ce que Franquin avait imaginé comme possibilité devient un mode d'emploi que Delaf suit sans imagination, sans rien ajouter ni retrancher aux situations, il reprend jusqu'au vocabulaire (Lagaffe fera tout "foirer" dit Prunelle), ça confirme ce que je dis depuis le début, Delaf fait du copier/coller du dessin, des dialogues, des situations, et concernant ce qu'il créé de lui-même, c'est n'importe quoi, pas du tout dans l'esprit, sauf à considérer qu'il se met dans l'esprit d'un Franquin dépressif qui aurait voulu détruire Gaston, un peu comme il a un peu ridiculisé les "aventures de Spirou" dans Panade, parce qu'il se sentait contraint de faire du Spirou alors qu'il n'en avait plus l'envie.
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Re: Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...

Message par Gaston Lagaffe »

Ça me fait penser que dans les notes d'Hergé présenté dans l'Alpha-Art, il y a eu comme idée que Haddock devient un genre d'hippie qui fait carrément pousser de la drogue chez lui. Maintenant j'ai trop envie qu'on reprennes Tintin et qu'on met en pratique cette idée. :mrgreen:
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Re: Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...

Message par heijingling »

Le scénario de l'Alph-art date des années 70, à l'époque, ça se tenait, mais un Haddock baba cool en 2024, ce serait un peu ridicule. En plus, comme le cannabis est maintenant libéralisé, ou du moins un peu plus toléré dans pas mal de pays, ça devient moins subversif qu'à l'époque. Sauf à faire de Haddock un punk à crête verte qui se fixe à l'héroïne, mais là, on dépasserait peut-être un tout petit peu ce que Hergé avait en tête :ouah: (comme Delaf qui rend dépressive et alcoolique toute la rédaction de Spirou :menfin: )
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Re: Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...

Message par DESPERA »

heijingling a écrit : mer. 15 mai 2024 10:31
DESPERA a écrit : Extraits de Franquin Créa Lagaffe.

On peut constater que Franquin voyait clairement Prunelle comme un futur dépressif et qu'il aurait aimé le mener sur ce terrain là.
Il dit plusieurs fois dans les entretiens qu'il aurait aussi voulu aller vers des gags plus mâtures.

Il n'a jamais franchement franchis le pas mais il l'avait en tête.

Donc Delaf est dans une continuité qui parait évidente à mes yeux. J'ai vraiment l'impression de lire un prolongement. Je ne me sens pas trahit.
L'impression que j'ai, c'est qu'il connaît très bien le travail de Franquin jusque dans ses interviews.
J'aurais été d'accord si seul Prunelle avait sombré dans la dépression, mais chez Delaf, c'est tout le monde qui termine d'abord chez le psy, de la concierge Mélanie Molaire à Longtarin en passant par De Mesmaeker (qui a l'air devenu complètement fou et joue et parle avec des poupées qu'il fait lui-même), Ducran et Lapoigne et M'oiselle Jeanne, et tout le monde qui finit alcoolique, de Fantasio à Boulier en passant par Lebrac et la secrétaire. Donc, non, ce n'est pas du tout ce que Franquin avait en tête, ça ne tient pas à l'évolution du personnage cohérente avec son caractère, au contraire, puisque tous évoluent de la même manière.

D'un autre côté, si on veut se placer dans une perspective réaliste comme Delaf veut le faire, des gens qui devraient subir un collègue qui a fait plusieurs fois s'écrouler les bureaux, envoyé des collègues à l'hôpital pour blessure ou empoisonnement, détruisait leur travail, deviendraient effectivement fou et finiraient par haïr ce collègue, mais dans cette même perspective réaliste, ce collègue se serait au minimum fait virer depuis longtemps, donc l'argument du réalisme ou de la cohérence ne tient pas.
DESPERA a écrit :D'ailleurs ce que dit Franquin dans cet extrait ressemble beaucoup à ce qu'à fait Delaf à la fin du premier album.
C'est tout-à-fait vrai, même trop vrai.
Franquin a écrit :Il voit de plus en plus la vie et le travail comme une complication telle que rien ne peut marcher; il sait que ça va foirer, que les choses ne se passeront pas à temps, que les pages ne vont pas arriver au bon moment à l'imprimerie, et il peut supposer des accidents possibles pour le facteur, des retards, etc.
C'est en effet exactement ce qui se passe. Ce que Franquin avait imaginé comme possibilité devient un mode d'emploi que Delaf suit sans imagination, sans rien ajouter ni retrancher aux situations, il reprend jusqu'au vocabulaire (Lagaffe fera tout "foirer" dit Prunelle), ça confirme ce que je dis depuis le début, Delaf fait du copier/coller du dessin, des dialogues, des situations, et concernant ce qu'il créé de lui-même, c'est n'importe quoi, pas du tout dans l'esprit, sauf à considérer qu'il se met dans l'esprit d'un Franquin dépressif qui aurait voulu détruire Gaston, un peu comme il a un peu ridiculisé les "aventures de Spirou" dans Panade, parce qu'il se sentait contraint de faire du Spirou alors qu'il n'en avait plus l'envie.
En fait, nous observons des choses similaires mais nous n'en tirons pas du tout les mêmes conclusions, et surtout pas le même plaisir de lecture 😂
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Re: Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...

Message par heijingling »

DESPERA a écrit :En fait, nous observons des choses similaires mais nous n'en tirons pas du tout les mêmes conclusions, et surtout pas le même plaisir de lecture 😂
D'un côté, c'est comme Tome et Janry qui envoient Spirou et Fantasio à Champignac juste au moment où, coïncidence, le Comte doit s'absenter. Une ou deux fois, ça passerait, mais quand ça devient systématique, c'est un peu énervant :spirou: Ça, c'est comme toute la rédac, (et Longtarin, et De Mesmaeker, etc.) et pas que Prunelle qui tombe en dépression.

D'un autre côté, pour moi c'est le principe même de la reprise de Gaston contre la volonté de Franquin qui pose problème depuis le début, et ne pouvait donner que de mauvais résultats (par essence, et le fait que certains gags soient drôles ne compte pas, ce n'est que de la surface), c'est ce que je m'applique à démontrer pour chaque gag, sans aucune mauvaise foi (ou si peu... :spip: )
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Re: Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...

Message par heijingling »

Numéro 4489 du 24/04/2024

Ici un aperçu du magazine https://www.spirou.com/actualites/somma ... e-position

Retour, pour sa deuxième aventure dans Spirou, de Bertillon, le lieutenant aussi agaçant et tenace que Colombo. Ce sont deux héros qui n’en ont pas l’air, ainsi que le décrit le dessinateur Cyrille Pomès dans l’interview sur Spirou.com: “À travers cette attitude, c'est la dimension "anti-héros" de Bertillon qui s'exprime. Là où le héros traditionnel parvient seul à franchir les obstacles et sauve la demoiselle en détresse à la fin, notre lieutenant a suffisamment peu d'ego pour accepter de se laisser aider par d'autres, parfois plus qualifiés que lui parce que meilleurs connaisseurs de l'environnement de l'enquête. La force de Bertillon réside beaucoup dans son humilité.” Tout du moins, il écoute autrui quand ça lui est utile, car dans la vie quotidienne, il réagit souvent comme un gamin têtu. L’attrait de cette série se trouve pour moi dans l’expressionnisme joyeux du dessin et des couleurs (de Drac), ainsi que la magie sortie des croyances de populations différentes, forains et tsiganes dans la première histoire, peuples arctiques maintenant. La couverture, où ciel, mer et glace se mêlent illustre bien ce mélange des genres. Et, pour une fois, l’illustrateur des Jeux, Joann, a un dessin qui se rapproche quelque peu de celui de la BD qu’ils prennent pour thème: encrage épais, membres démesurés, trait alternant l’anguleux et l’arrondis.

Fin de l’histoire de Yoko Tsuno L’aigle des Highlands, étrange aventure où se mêlent monde extraterrestre et aventure terrestre, qui sont d’habitude disjoints, et où se sont retrouvés presque tous les nombreux personnages de la série, presque trop nombreux, d’autant que des nouveaux sont apparus, et que Leloup donne une personnalité à chacun, de micro conflits de caractères se superposant à une intrigue déjà assez complexe. Dans la grande tradition de la série d’aventure, Leloup conclue l’histoire en laissant des portes entrouvertes, préludes à de nouvelles aventures. Mais l’équilibre qu’il tenait entre série de SF dure et complexité des rapports humains se perd un peu, par accumulation de personnages, beaucoup donnant l’impression d’être trop grands et à l’étroit pour le petit rôle qui leur est dorénavant accordé, Vic, Pol et Khāny en premier. Et chaque personnage semble aussi porteur d’une histoire qui aurait pu être développée, mais est remise à plus tard, ou au contraire une resucée de personnages anciens, comme la Déesse, l’Élu suprême, ou les énigmatiques “Vinéens qui cachent une soif de pouvoir”. La série gagnerait à être ressérée et moins éparpillée entre les multiples personnages et leurs histoires juste abordées. Fin aussi de Secret Six, l’histoire de Black Squaw concluant visiblement un premier cycle, celle-ci devenant un agent fédéral, et la branche du KKK qui la pourchassait disparaissant par un coup du sort bienvenu, ainsi que son chef, dont le sourire permanent rappelle le Joker. Fin cynique à la Yann, une petite fille noire laissant périr le chef du KKK dans la même situation que celle où Bessie l’avait sauvé des années auparavant. Double combat final dans Rendez-vous avec le Bogeyman, dernière histoire de Créatures, l’un dans l’esprit matériel de Yog Sothoth, d’autre dans celui de Lovecraft, avec Minus, le petit garçon albinos qui s’exprime étonnamment bien pour son jeune âge. Une note en marge (un avantage d'un magazine sur un album) nous apprend que Djief, le dessinateur, a obtenu au Québec le Prix reconnaissance en bande dessinée, qui souligne son engagement pour la bande dessinée.

Deux histoires courtes dans ce numéro. L’une est une nouvelle enquête en huis-clos de Marc et Pep, d’autant plus clos que Marc a un torticolis le contraignant à passer l’enquête dans un fauteuil, celle-ci se déroulant dans une seul pièce, et de nouveau Philippe Ory et Nicoby donnent un titre en fausse piste lié en jeu de mots à un minuscule détail de l’histoire. L’autre est dans le strip-book en Supplément, un nouvel épisode de Grands Panards, ce grand gars hirsute de Colin Atthard, à la recherche des siens, qui va tenter cette fois de répondre à l’invitation de son cousin Yéti à venir prendre le thé. Et le Bulletin d’abonnement de Cromheecke et Thiriet, coïncidence encore?, met en scène un crime absolument semblable à celui de Marc et Pep.

Dans les gags, le Gaston de Delaf débute dans la joie: Prunelle et Fantasio, bourrés comme le reste de la rédaction (hormis Boulier, qui ne le sera qu’en fin de page), copains comme cochons, s’enlaçant, entrent dans un bureau, Fantasio s’écriant “Prunelle et moi sommes officiellement virés!”, et Prunelle enchaîne, les yeux baignés de larmes de joie, “Je vais pouvoir enfin me casser d’ici!!…” C’est un peu comme si des repreneurs des Tuniques bleues montraient Chesterfield, Stark, Alexander, et même Grant ou Lincoln ne pensant, comme Blutch, qu’à déserter…Ou faisaient de Boule, ou d’un Spirou enfant, des obsédés sexuels. Cela dit, puisque commercialement ça marche, pourquoi se gêner…? Par une heureuse coïncidence de mise en page (ou serait-ce magnifiquement calculé?) en vis-à-vis de Gaston, L’Édito montre les Fabrice cherchant eux aussi à partir du journal, mais ce n’est que la suite de leur lamentable stratagème de la semaine précédente pour se faire augmenter. Le fils de Brad Rock, le chercheur d’or reconverti dans le maraichage, devient militant exalté pour la protection des animaux sous la plume de Jilème et le pinceau de Sophie David. L’histoire courte la semaine précédente d’Annabelle, pirate rebelle, par Sti, Cédric Ghorbani et Cerise, n’était qu’une fausse piste de présentation, puisque c’est finalement une nouvelle série de gags en une page (une de plus). L’équipage de Capitaine Anchois de Floris s’affole devant ce qu’ils croient être des zombies. Midam a bien profité de son séjour à Hong Kong, puisque les lettres qu’il invente (avec Dairin) pour le langage du “Blork zabrakien du sud-est parlant tellarite avec des suffixes dérivationnels” s’inspire des caractères chinois, c’est graphiquement réussi. Enfin, le manque de confiance en soi de Elliot, au collège comme ailleurs, lui fait causer une pathétique prophétie auto-réalisatrice.

Dans le rédactionnel, Bienvenue dans la bibliothèque de Véro Gally, dessinatrice entre autres d’amusantes histoires courtes scénarisées par Véro Cazot dans Spirou, a lu de tout, de Mafalda aux comics underground, une bonne quinzaine de BD par semaine quand elle était libraire, et En direct du futur annonce le retour de Léon et Lena, absents depuis septembre 2023, en juin. Dans une pub pour la série pour enfants Petit poilu, de Bailly et Fraipont, est écrit “Des histoires sans mot à lire tout seul ou bien en famille”, confirmant qu’à l’instar d’un plan ou d’une horloge, une bande dessinée, même muette, se lit au même titre qu’une parlante.
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heijingling
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Re: Cette semaine dans le journal de Spirou j'ai aimé...

Message par heijingling »

Numéro 4490 du 01/05/2024

Ici un aperçu du magazine https://www.spirou.com/actualites/somma ... -au-louvre

"À l'occasion de l'inauguration de l'exposition « L'Olympisme. Une invention moderne, un héritage antique », Le Louvre a invité la rédaction et les auteurs du journal Spirou à concevoir un numéro spécial permettant de découvrir les coulisses du plus célèbre des musées. Fruit de la rencontre entre l'expertise artistique des équipes du musée et l'humour espiègle des dessinateurs de SPIROU, ce numéro spécial pose un œil curieux et enthousiaste sur la vie et les collections de l'institution."

Tous les auteurs ont participé au jeu, y compris, ce qui est rare, ceux des strips et des gags en une planche. Outre les récits spéciaux, les séries de gags ont donc presque toutes pour thème le Louvre et les jeux olympiques, sous une couverture clin d’œil, au propre et au figuré, et féministe, de Brice Cossu. Sur ce sujet, Parcours de combattantes (un bon titre) de Véro Cazot et Gally, narre à l’occasion d’une visite scolaire de l’exposition du Louvre la lente et difficile accession des femmes à une égalité dans la participation aux jeux olympiques modernes, les jeux de 2024 étant les premiers strictement paritaires. Mais l’exiguïté du format deux pages et la dimension militante, compréhensible quand on voit le parcours de combattantes que cette égalité a été, mène à des approximations trompeuses. Ainsi, lorsqu’il est dit que, contrairement aux premiers jeux olympiques modernes, qui les excluait, les femmes participaient aux jeux olympiques antiques. Pourtant, dans cette exposition du Louvre, il est bien précisé que “Si les premiers jeux Olympiques modernes ont cantonné les femmes dans un rôle de faire-valoir, les Jeux antiques ne leur étaient pas davantage ouverts, à l’exception des courses de quadriges où de riches propriétaires pouvaient faire courir leur attelage. Il existait cependant à Olympie des jeux féminins, les Heraia, où les femmes pouvaient concourir.” https://www.louvre.fr/expositions-et-ev ... se-liberee Apparté personnel, le nom d’Alice Milliat, ici présentée comme militante du début du XXème s. pour la participation des femmes aux J.O., me fait penser aux pâtes Milliat frères, qui ont fait beaucoup de pub, dont en BD, dans Spirou en 1958 https://bd-archives-ab-6.wixsite.com/sp ... s-60/f1031

Ce numéro spécial débute par L’édito, dans lequel les Fabrice sont envoyés en mission au Louvre, pour ramener un reportage. S’ensuit une histoire de huit pages de Nicoby et Ory, Mardi au Louvre, dans laquelle Nicoby se présente avec emphase comme grand reporter de Spirou venu au Louvre fait un reportage sur la préparation de l’exposition, peu avant l’ouverture de celle-ci, qui a demandé 3 ans de préparation. Instructif, mais je n’apprécie guère le ton de ces reportages en BD dans lesquelles l’auteur joue à l’idiot, sort des bourdes et des blagues hors de propos. Dans la dernière case, les Fabrice arrivent eux aussi pour leur reportage, et s’ensuit deux pages de catastrophes montant crescendo jusqu’au gag final, avec en marge de la page 12bis un amusant dessin de Sti. Alfred visite le musée avec sa fille, dans une planche intitulée Tableau l’ouvre, onirique et déterminée. Pour 3 infos, 2 vraies 1 fausse Bernstein, Bercovici et Robin Le Gall, le Louvre leur a inspiré de bons gags. Dans Nelson de Bertschy, Hubert se trompe et attend Julie au Musée du loup, ce qui n’est pas si absurde, le Louvre tirant son nom d’une louveterie. Par contre, le tableau qu’admire Julie est de l’art moderne ou contemporain, et n’appartient donc pas au Louvre, et Nelson n’a pas si tort d’estimer que son hamburger y aurait sa place, en écho aux cheeseburgers de Claes Oldenburg. Visite scolaire encore pour Elliot au collège, Théo Grosjean et Anna Maria Riccobono y représentant, eux, de vraies œuvres, mais celles-ci n’intéressent pas Hari ni Elliot. Bernstein et Moog font faire à Willy Woob et son chien Kiki une visite sportive du Louvre, et un personnage qui ose dire que “en sculpture il y a 3 choses essentielles: le choix de la pierre, la ligne des courbes et la teinte choisie…autrement dit:Pierre, des courbes, et teint”, ne peut être foncièrement mauvais. La page du Fil de l’Histoire raconté par Ariane et Nino, de Fabrice Erre et Sylvain Savoia est trop courte pour être autre qu’anecdotique sur le vol de La Joconde en 1911, et soulève des questions fondamentales mais sans réponses (pourquoi Apollinaire et Picasso ont-ils été suspectés, pourquoi le voleur italien pensait-il agir par patriotisme). Allusion à l’art antique dans Kid Paddle, la princesse se transformant en statue de pierre de Méduse, et les gags de La pause cartoon sont eux aussi sur le Louvre, plus ou moins directement…Une sortie scolaire encore pour les Jeux de Mouk, intitulés Journée d’affluence à la salle Mollien. Seuls Cazenove, Bastide et Perdriset pour Boule et Bill, Delaf, dans un gag repris de celui où Gaston cogne Boulier avec des planches, la victime étant cette fois M’oiselle Jeanne (pourquoi n’y a-t-il pas cette semaine de tête de Gaston en couverture, il dépareillerait dans l’enceinte du Louvre?) ainsi que Nob, pour le retour avec Dad, ont fait des planches sans lien avec le sujet. Mais Nob y participe tout de même avec la rubrique Bienvenue dans mon musée, où il parle de son livre récent, Une journée au Louvre, et dit y avoir été très marqué par le Portrait de l’artiste sous les traits d’un moqueur, de Joseph Ducreux, qui “s’adresse directement à son spectateur.” Ducreux, peintre du XVIIIème s., a, sous l’influence de la physiognomonie (étude de la personnalité par l’apparence) peint des portraits très expressifs et gestuels, assez atypiques, mais qui ne peuvent manquer de parler à un auteur de BD comique.

Si nombre des auteurs, de Fabrice Erre à Bercovici en passant par Nicoby, Moog, Marko, Gally, Mouk et Cromheecke, ont profité du sujet pour dessiner des nus, majoritairement masculins par ailleurs, plus que féminins (avec deux occurrences de L’Esclave mourant, de Michel-Ange), on pouvait évidemment s’attendre à ce que Janry, dans Le petit Spirou, représente lui surtout des nus féminins et sexy, à mille lieues du genre antique que l’on trouve au Louvre, avec même un couple enlacé s’embrassant, ainsi que quelques amusantes parodies de martyrs chrétiens, dans l’esprit de Passe moi l’ciel, poussant la parodie jusqu’à inventer une toile du Greco, aux antipodes du style de celui-ci. Il a reçu pour cette planche un “joli coup de main”, note-t-il, de Clara Cuadrado.

Seulement 3 histoires (à suivre) cette semaine, deux s’étant achevées la semaine précédente, laissant la place aux histoires de ce numéro spécial. J’ignore à quel point ça avait été prévu, mais cela illustre la complexité d’établir un Spirou hebdomadaire, jonglant entre les contraintes des animations du journal et des parutions en album.
Fin du dernier long (78 pages) épisode de Créatures, Rendez-vous avec le Bogeyman. Cela fait longtemps que je n’ai plus lu de Lovecraft, le Bogeyman de Betbeder et Djief, mais cette fin dans laquelle il écrit que Yog-Sothoth renonce à la “planète bleue” devant la résistance des humains et les laisse à “une destinée qui [leur] est propre” me semble à l’opposée des écrits de Lovecraft et de ce qu’il dit des Grands Anciens, ces créatures menaçant l’univers. Mais la libération de New-York et ses habitants provoquée par les écrits imaginaires de Lovecraft incrustés en voix-off est une bonne idée de narration graphique. Suite du Lieutenant Bertillon de Bart, Pomès et Drac, précédée d’une publicité pour son premier album, sorti près d’un an après sa parution dans le journal, délai habituel il y a des années mais maintenant exceptionnel, l’album paraissant souvent avant la fin de la en ce cas mal nommée prépublication. Enfin, début en fanfare du troisième épisode du Métier le plus dangereux du monde, avec une mystérieuse attaque lors d’une cérémonie de récompenses de super-héros, et la contre attaque chaotique de ceux-ci. L’interview du scénariste Olivier Bocquet est intéressante sur plusieurs points: “Inclusion. On nous dit souvent que nos personnages sont atypiques : des gamins arabes dans une famille musulmane, l'un d'eux est en surpoids, il y a un personnage en chaise roulante... Mais c'est quand même de plus en plus fréquent de croiser dans la BD tous publics des héros qui ne sont pas tous blancs, minces et en bonne santé. En particulier chez Dupuis, d'ailleurs : je pense à Tamara, à Seuls, à Olive ou à Yoko Tsuno, qui date quand de 1970 ! Roger Leloup était clairement un précurseur. Moi, ça m'intéresse de faire vivre des personnages qui ne me ressemblent pas, c'est aussi simple que ça. Crossover. J'ai sérieusement pensé à un crossover entre Frnck et Le métier… D'ailleurs, dans l'un des deux premiers tomes, il y a un des lapins de Frnck caché quelque part ! J'aurais pu imaginer que Franck (et tous les autres) se téléporte grâce à un Pod. Mais il aurait fallu que j'y pense avant. Parce que dans les neuf tomes de Frnck, il n'est pas fait mention une seule fois des supers, ni des nuggets, ni de l'anneau violet qui entoure la Terre. C'est une occasion manquée !

Pour finir, En direct du futur annonce le retour des Sœurs Grémillet dans le numéro double 4498-4499, le numéro 4500 sera donc à priori un spécial ordinaire, si j’ose dire, et pas un numéro double. Ceci dit, avec ces numéros doublement doubles, car doublement numérotés, la numérotation perd un peu de son sens.
" Monólogo significa el mono que habla solo." Ramón Gómez de la Serna dans ses Greguerías.
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