Numéro 4567 du 22/10/2025
Ici un aperçu du numéro:
https://www.spirou.com/sueurs-froides-s ... de-minuit/
La couverture annonce le retour des jeunes Robinsons de
L’île de Minuit dans une jungle menaçante et mystérieuse, d’autant plus que le danger n’apparait pas au premier abord et se situe, discret, dans leur dos.
Nicolas Grébil a joué avec les possibilités qu’offre le dessin grand format de la couverture. Remarquons qu’un des personnages n’est plus le même par rapport au premier épisode, beaucoup de choses s’étant en effet passées dans la grande ellipse entre les deux histoires, situation partiellement résumée par les auteurs
Lilyan et
Grébil. Un des nouveaux personnages apparaît dans les trois pages d’introduction mouvementées et muettes de ce deuxième épisode, mais on ne sait encore rien de lui, les auteurs ménagent le suspense. Ce nouveau personnage est naturellement surpris par le paysage qui s’ouvre devant lui, mais étonnament les autres ne le sont aucunement par la voie formée d’immenses défenses d’éléphants dressées qu’ils empruntent. Moi, cela m’interroge plus que les vestiges humains qui les intriguent : il y a ou aurait donc eu des éléphants sur cette petite île? La suite nous dira s’il s’agit d’un indice clé ou d’un effet graphique gratuit et trompeur. Le troisième chapitre de
Mi-Mouche introduit le problème du harcèlement, scolaire ici, et en donne une explication : les harceleurs n’ont pas peur de donner et se prendre des coups, peut-être même y ont-ils goût, au contraire de leur victimes, comme Colette qui, par sa pratique de la boxe, pourrait certainement vaincre physiquement sa harceleuse qui n’en impose que par sa masse et son culot, mais y répugne, le fait qu’elle s’enquière de l’état de l’adversaire qu’elle vient de battre témoigne de sa sensibilité. Le sixième chapitre des
Sœurs Grémillet plonge ouvertement dans le fantastique, entre la vision de la carcasse d’un avion envasée dans un étang de la forêt, l’accident de chasseurs dû à un brouillard subit après un appel au Liéchi à leur punition par Lucille, la réapparition d’animaux pour la nuit du Liéchi, avec chaque évènement, chaque scène même ponctué par l’apparition d’oiseaux, de la huppe de la première case de la première planche de ce chapitre à l’envolée sur fond de ciel rougeoyant de la dernière case de la dernière planche. Et si jusqu’à présent c’était un corbeau qui semblait être un représentant du Liéchi, c’est maintenant une chouette qui a été témoin de l’étrange accident des chasseurs.
Appollo et
Brüno produisent dans cet épisode leur vision la plus radicale de leur
Lucky Luke, non plus flegmatique (lui manque son sourire) mais taciturne jusqu’à laisser se dérouler une bagarre sur près de trois pages, morceau de bravoure du western, suivie en contrepoint par un autre aspect typique de l’ouest mais bien plus méconnu, pour ne pas dire ignoré, par le western, où
Appollo a produit un superbe exemplaire de cette poésie lyrique de l’ouest, nourrie de la Bible, ses énumérations incantatoires, ses visions apocalyptiques et salvatrices.
Le témoignage de
L’abonnée de la semaine donne une des raisons pour lesquelles des lecteurs peuvent aimer
Manoir à louer : ils s’y retrouvent. Toutefois, l’humour y est bien plus simple que dans
Animal lecteur, la série de
Libon et
Salma elle aussi conçue en clins d’oeils, sans doute car l’univers de
Manoir à louer est bien plus limité, comme le nombre de personnages et leur aspect unilatéral. Par contre dans cette planche la recherche dans le manoir permet d’admirer le dessin de
Juanungo dans son rendu d’un luxe décadent (le hall d’entrée, le pathétique des peaux et animaux empaillés dont la gueule est dressée en une dérisoire menace, les statuettes grand siècle recouvertes de toiles d’araignées). Luxuriance en absolue contraste avec la planche de
L’édito des
Fabrice qui lui fait face, au minimalisme extrême de la mise en scène et des décors, qui reflète leur déception envers leur jeu riche de promesses mais dont ils n’ont pu tirer la saveur. On retrouve les personnages d
’Otaku et le dessin de
Maria-Praz qui arrondit systématiquement les angles, par contraste avec la rigidité du quadrillage de cahier d’écolier qui constitue le fond sur lequel sont faits les strips, arrondi au point que la porte des toilettes et son chambranle m’ont laissé croire qu’ils se trouvaient sur un bateau….Dans la planche de
Working dead,
Stella Lory et
Marc Dubuisson délaissent l’aspect zombie de leur série, hormis des détails graphiques, pour une moquerie envers les entreprises modernes, tandis que
Manu Boisteau et
Paul Martin mettent littéralement en scène dans
Titan inc. la lutte des classes et l’exploitation, des aspects aussi présents dans
L’épée de bois, avec l’école misérable dont le toit fuit de partout, et gags de socio-politique loufoque dans
Les Fifiches du Proprofesseur de
Lécroart (versant manifs) et
Fish n chips de
Tom (versant marketing). Outre la poésie dans
Lucky Luke, on a dans
Gary C. Neel d’autres éléments rares dans un western, mais ici à fins comiques : un indien à lunettes, une montgolfière. Enfin, si
Dad continue à vouloir s’imposer dans le groupe de sa fille, il va finir par se faire taxer de harceleur, et pour finir, un
Kid Paddle consacré au petit barbare et un
Game over bien gores, avec cerveau éclaté et yeux pendants sortis de leurs orbites, en avant goût du spécial Halloween de la semaine suivante, annoncé peu ragoutant par
Bercovici.
Remarque ragotante : dans sa
Leçon de BD,
Marko invite
Beka, qu’il représente sous les traits d’un homme, alors que
Beka est censé être le pseudonyme commun d’un homme et un femme, est-ce une personnification, ou est-ce une allusion à une rupture ? Il le présente aussi comme le scénariste de
Cœur collège, une série
Dupuis non publiée dans
Spirou, alors que
Beka scénarise plusieurs séries pour le magazine ; expression de ses goûts? Les
Jeux sont traditionnellement consacrés à la série mise en avant dans le numéro, mais
Romain Garouste, au lieu d’y montrer l’ensemble de la série, ne met en scène qu’un moment de l’épisode de la semaine de
L’île de minuit, celui où deux des enfants se retrouvent isolés et subissent une attaque de singes. Deux publicités pleine page pour deux albums de séries
Spirou pour une fois, une sur un fond rouge flamboyant pour
Dad, et une autre pour les
Tuniques bleues. Pour finir, un toujours bon gag d’illustration du
Bon d’abonnement de
Cromheecke et
Thiriet, et l’annonce du prochain
Mademoiselle J., qui ne sera donc pas prépublié dans
Spirou mais post publié (comme rappel publicitaire, ou pour ceux qui voudront le lire sans acheter l’album). Annonce étrange, auto dépréciative qui prétend que la majorité des lecteurs s’en fiche, ignorant qui c’est, car enfin cela fait moins de deux ans que la précédente aventure s’est terminée dans le journal, alors certes c’est plus que les à peine six mois entre le premier et le deuxième épisode de
L’île de minuit ou de
Mi-Mouche, mais ce n’est rien à l’aune d’un journal ayant 87 ans, même si son âge n’est tristement plus indiqué en couverture depuis la nouvelle formule de janvier 2019. Par ailleurs, il y a un spoiler, qui nous dit qu’un élément caché sera à débusquer dans l’histoire, mais indique quel est cet élément et dans quelle page il se trouve : une annonce digne de
L’édito des
Fabrice.